Les objets africains, ici et là-bas
256 pages
Français

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Les objets africains, ici et là-bas , livre ebook

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Description

A la fois oeuvres d'art et souvenirs pour touristes, éléments de culte et biens patrimoniaux, les objets africains se caractérisent par la diversité des usages et des formes d'appropriation auxquels ils donnent lieu. Basé sur une enquête de type socio-anthropologique effectuée en France et au Mali, donnant la parole à une grande diversité d'acteurs, ce travail a pour objectif d'identifier et de comprendre les enjeux culturels, économiques ou politiques que soulèvent ces productions.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 33
EAN13 9782336358024
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Aurélien Lambert
Les objets africains, ici et là-bas
L O G I Q U E S S O C I A L E S
Les objets africains, ici et là-bas
Logiques sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection « Logiques Sociales » entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques. Dernières parutions Alexandre DAFFLON, Il faut bien que jeunesse se fasse !Ethnographie d’une société de jeunesse campagnarde,2014. Jean PENEFF,Howard S. Becker. Sociologue et musicien dans l’école de Chicago, 2014. Dominique MARTIN,Relations de travail et changement social,2014. Thomas PIERRE,L’action en force et les forces en action. Sociologie pragmatique des forces, 2014. Jean FERRETTE (dir.),Souffrances hiérarchiques au travail. L’exemple du secteur public, 2014. Sous la direction de Sandrine GAYMARD et Angel EGIDO,Mobilités et transports durables : des enjeux sécuritaires et de santé,2014. Simon TABET, Le projet sociologique de Zygmunt Bauman. Vers une approche critique de la postmodernité,2014. Pascale MARCOTTE et Olivier THEVENIN (dir.),Sociabilités et transmissions dans les expériences de loisir, 2014. Guillaume BRIE,Des pédophiles derrière les barreaux. Comment traiter un crime absolu ?,2014. Maryvonne CHARMILLOT,Marie-Noëlle SCHURMANS,Caroline DAYER(dir.),La restitution des savoirs,Un impensé des sciences sociales ?, 2014. Delphine CEZARD,Les « Nouveaux » clowns, Approche sociologique de l’identité, de la profession et de l’art du clown aujourd’hui, 2014. Christian BERGERON,L’épreuve de la séparation et du divorce au Québec. Analyse selon la perspective du parcours de vie, 2014. Jérôme DUBOIS et Dalie GIROUX (dir.),Les arts performatifs et spectaculaires des Premières Nations de l’est du Canada, 2014. Frédéric COMPIN,Traité sociologique de criminalité financière,2014. Yolande RIOU,Etre un maire en milieu rural aujourd’hui : témoignages d’élus du Berry,2014. Christian BERGERON,L’épreuve de la séparation et du divorce au Québec. Analyse selon la perspective du parcours de vie, 2014.
Aurélien LAMBERTLes objets africains, ici et là-bas
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-04391-3 EAN : 9782343043913
INTRODUCTION La polysémiedes objets africains ou l’importance des contextesLe succès rencontré par cette catégorie d’objets que les sociétés occidentales ont décidé de nommer arts premiers a contribué à mettre sur le devant de la scène française et internationale les biens matériels dont il sera question ici. Parce que leur histoire est à la fois longue et complexe, et que leur statut demeure encore particulièrement ambigu, ces objets africains seront appréhendés tout au long de ce travail comme un véritable fil conducteur qui, en nous permettant d’accéder à plusieurs types d’espaces (géographiques, temporels ou conceptuels), nous aidera à mieux cerner l’étendue des situations et des enjeux auxquelsces derniers peuvent être confrontés. Pour parvenir à cet objectif, nous avonschoisi d’accorder une place importante aux notions de goût, de pratique et dexpertise mais aussi aux différentesformes d’interactions que les personnes impliquées dans ce monde sont susceptibles de construire avec et autour de ces productions. Car, on le verra, c’est par des vecteurs divers et selon de multiples modalités que ces objets sontaujourd’huiadmirés, collectionnés ou encore évalués. L’objetcette recherche consiste donc à étudier les perceptions et les de usages que les individus,qu’ils soient européensafricains, peuvent ou développer autour de cette catégorie de biens matériels. En questionnant plusieurs formes d’altérités celle qui consiste à distinguer les sociétés occidentales des « autres », mais également celle qui opposerait les humains aux non-humains–, il s’agiraainsi de rendre compréhensible les multiples situations au sein desquelles ces objets se trouvent insérés. Cette enquête se penchera également sur les processus de circulation dans lesquels s’inscrivent ces productions africaines. Qu’il s’agisse de butins de guerre rapportés durant l’époque coloniale, de spécimens collectés au cours d’expéditions scientifiques, ou encore de biens patrimoniaux aujourd’hui restitués à leur pays d’origine, on constate que ces différents objets n’ont, depuis leur découverte par l’Occident, jamais cessé d’être enlevés, marchandés et exportés. Parallèlement à cela, on cherchera à appliquer ce concept de circulationaux déplacements qu’effectuentces objets africains, mais cette fois-ci au sein d’espacesthématiques et/ou disciplinaires (de l’ethnologie à l’esthétique, de l’univers traditionnel à la sphère patrimoniale, etc.). De cette façon, on envisagera de manière plus précise les frontières sémantiques et idéologiques que ces derniers ont franchies au cours des précédentes décennies. L’analyse qu’il conviendra d’appliquer ici «ne se [centrera donc] pas sur l’objet lui-même (sur ce qu’il est ou sur les propriétés qu’il serait censé
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posséder en propre), mais sur ses fonctionnements, c’est-à-dire, finalement, 1 2 sur ses usages » . Se voulant à la fois « contextuelle et relationnelle » , cette approche s’attacheraavant tout« à décrire l’environnement dans lequel se déploie l’objet, […] [etpermettra ainsi] de prendre en compte des éléments 3 qui étaient généralement laissés de côté »par d’autres types de travaux.
4 Affirmant qu’il y a «des façons bien différentes de penser les objets » , Christian Bessy et Francis Chateauraynaud ont souligné le fait que «l’objet-réseau[avait] le vent en poupe. Il est celui qui passe, qui circule [et] qui relie 5 les acteurs les plus divers ». Bien que rappelant l’intérêt heuristique de ce type d’approche, les deux auteurs ont toutefois mis l’accent sur cette idée selon laquellel’objet-réseau «ne peut se différencier de la rumeur s’il n’incorpore pas de la matière [et] ne se fixe pas dans des perceptions et des 6 représentations communes ». Autrement dit, l’objet, introduit dans l’analyse en tant que matérialité, sera inévitablement perçu par les individus, et deviendra de faitle support d’un jugement, d’une opinion ou encore d’un ressenti le concernant. Partant de là, il sera nécessaire d’accorder une place particulière aux facultés cognitives que les humains sont susceptibles de mettre en œuvre lorsqu’ils observent, nomment ou évaluent le monde qui les entoure. Rappelant qu’ «aucune construction ne [pouvait] s’appuyer sur un 7 seul mode de pensée de l’objetChristian Bessy et Francis» , Chateauraynaud insistaient sur la nécessité de combiner différentes approches et prônaient par conséquent le développementd’une sociologie non seulementattentive à l’objet en mouvement, considéré comme médiateur au sein d’un, ou entre plusieurs réseaux, mais également à celui qui, directement utilisé ou apprécié par les acteurs, se trouve lié à des expériences, des perceptions et des émotions particulières. Médiateurs entre plusieurs mondes, supports de croyances multiples, ces objets africains, présents dans des univers variés, et parfois même totalement étrangers les uns aux autres, nous permettront doncd’axer ce travailsur les pratiques, les usages et les significations qu’il est possible d’élaboreravec et autour d’eux. Notons d’ailleursque ces derniers représentent un véritable point de jonction entre deux univers géographiquesl’Afrique et l’Occident, mais aussi entre une multitude de sphères théoriques et/ou conceptuelles (art, patrimoine, ethnologie, religion, commerce, tourisme).
1 C. Galaverna,Philosophie de l’art et pragmatique,p. 207. 2 Ibid., p. 207. 3 Ibid., p. 208. 4 C. Bessy, F. Chateauraynaud, 1995,Experts et faussaires, p. 254. 5 Ibid., p. 256. 6 Ibid., p. 256. 7 Ibid., p. 257. 6
L’observation de cesbiens matériels dans des situations hétérogènes nous conduira ainsi vers une réflexion sur la diversité des rôles qui peuvent leur être assignés. Leurs multiples et successives appropriations leur ayant fait connaître différents modes de fonctionnement, une grande partie du raisonnement développé dans ce travail cherchera par conséquent à mettre en relief ce caractère polysémique de l’objet africain. Qu’il soit exposé dans un musée, proposé à la vente sur une brocante, ou encore mobilisé dans le cadre d’une cérémonie religieuse ou d’un spectacle pour touristes, on verraen effet que ce dernier se retrouve bien souvent tiraillé entre plusieurs mondes et plusieurstypes d’appropriation. En 2006, lors des rencontres inaugurales du musée du quai Branly, Steven Hooper posait d’ailleurs deux questions fondamentales concernant les biens matériels que cette institution allait avoir la responsabilité de conserver : « Que sont donc ces objets ? Comment les interpréter et les 1 présenter en rapport avec leurs significations multiples et changeantes ? » . De cette double interrogation, émerge une problématique inhérente à ces productions africaines : celle de la confrontation entre, d’un côté, la grande variété de significations qu’un même bien est susceptible d’endosser, et de l’autre, la «vérité» qu’on lui assigne. Qu’ils soient collectionneurs, anthropologues ou marchands, plusieurs acteurs envisagent en effet ces objets africains comme ne pouvant être définis que d’une seule et unique façon. Partant de ce point de vue, ce serait la nature même des objets qui se verrait altérée lorsqu’à un moment de leur existence ces derniers se trouveraient subitement projetés dans d’autres contextes ou utilisés d’une façon étrangère à celle que ces acteurs jugent être la bonne. Selon cette 2 perspective, l’objet seraitdonc «porteur d’une signification unique» et l’identité –et immuable fixe en fonction de ses de celui-ci, déterminée « 3 qualités propres [et] non pas des circonstances de sa mise en acte » . Certains auteurs iront même jusqu’à annoncer la mort de ces biens matériels une fois ces derniers extraits de leur contexte originel. Cette conception métaphorique de la mort, qui alimente fréquemment les réflexions et études consacrées aux objets africains, a été largement véhiculée par le film documentaire de Chris Marker et Alain Resnais,Les statues meurent aussi (1953). Citant cette œuvre cinématographique longtemps interdite en France en raison de ses revendications anticolonialistes, François Warin affirmait que ces statues «meurent de n’être plus que des sculptures, elles meurent d’entrer dans le royaume de l’art. Détachées de leur contexte, privées de 4 toute utilité, reconceptualisées, elles deviennent des “œuvres d’art”» .
1 S. Hooper in B. Latour (dir.), 2007,Le dialogue des cultures, p. 373. 2 C. Galaverna,op. cit., p. 59. 3 Ibid., p. 59. 4 F. Warin,La passion de l’origine, p. 62. 7
Les regards portés sur ces biens matériels n’ayantcessé de se diversifier, il semblefort difficile de défendre aujourd’hui l’idée d’unevérité qui serait universellement partagée par l’ensemble des acteurs. Comme le soulignait Céline Rosselin : «Parce [que chacun] construit la signification [d’un objet] grâce à un processus actif de perception,[…] l’objet ne peut donc signifier la 1 même chose pour tout le monde : il est [incontestablement] polysémique » . Comment pourrait-on en effet emprisonner ces objets africains dans une acception stricte et immuable alors que ces dernierslorsque l’on observe concrètement les pratiques et que l’on analyse les discours des personnes qui en sont proches, se révèlent généralement, et ce dans le même temps, esthétiques, culturels, patrimoniaux, religieux et marchands ? Puisque ces « objets sont multiples [et donc susceptibles de donner] lieu à 2 des regards tout à fait différents » , on préfèrera par conséquent substituer aux notions d’identité, de vérité ou encore d’essence (au singulier), celle de fonctionnements (au pluriel). Ainsi, «on ne saurait […] parlerdufonctionnement du masque, mais desesfonctionnements: […] chacun […]ayant sa propre spécificité, ses propres enjeux, ses propres méthodes et ses 3 propres finalités » . Vers une ethnographie combinatoire Cette façon d’envisager les acteurs humains et non-humains dans leurs interactions réciproques rapproche donc cette enquête du courant pragmatique en sociologie, et plus particulièrement de lafigure de l’amateur chère à Antoine Hennion. Désignant par ce terme « tous ceux qui entretiennent [avec un objet ou un domaine précis] un rapport suivi, 4 recherché, élaboré quelqu’en soient les médiums, cetou les modalités » auteur défend une conception englobante de l’amateur et inclutainsi sous cette dénomination une multitude d’individus aux profils parfois très éloignés. On peutd’ailleurs souligner l’intérêt d’une telle perspective qui consiste à ne pas restreindre le champ de la recherche à des catégories de personnes précises et parfois même construites a priori. Cherchant à aborder dans toute leur multiplicité « les compétences infinies quel’amateur déploie pour développer ses facultés à apprécier, prendre son plaisir[…], se transformer lui-même en prenant appui sur des objets [et] sur les dispositifs 5 qui les accompagnent », j’ai par conséquent laissé ces biens matériels africains me guider vers les différents acteurs avec lesquels ils sont en relation et ce quelque soit les ambitions ou les fonctions de ces derniers. 1 C. Rosselin, «La matérialité de l’objet et l’approche dynamique-instrumentale », p. 153. 2 B. Latour (dir.), 2007,op. cit., p. 371. 3 C. Galaverna,op. cit., p. 197. 4 A. Hennion, S. Maisonneuve, E. Gomart,Figures de l’amateur, p. 29. 5 Ibid., p. 65. 8
La démarche adoptée dans le cadre de cette recherche peut également s’apparenter à l’approche que Nicolas Dodier et Isabelle Baszanger présentaientdans l’article intitulé «Totalisation et altérité dans l’enquête ethnographique» : celle d’une ethnographie combinatoire. S’appuyant sur la diversité des mondes dans lesquels les acteurs évoluentaujourd’hui et, parmême, sur les multiples contradictions qui les traversent,ce type d’enquête « ne [vise] pas tant la totalisation des données sur des entitésd’appartenance, que la mise en évidence d’une combinatoireentre des formes d’actions 1 hétérogènes, voire contradictoires » . Loin de se limiter à une simple énumération descriptive, on verra quecette forme d’ethnographie, «en circulant simultanément sur différents terrains, [nous permettra de réunir] une jurisprudence de cas propre à identifier les différentes formes d’actions dans lesquelles les personnes peuvent s’engager, ainsi que leurs 2 combinaisons possibles » . Le travail de terrains’est organisé entrois phases. La première, qui s’est déroulée en France, a consisté à enquêterauprès d’amateurs,de collectionneurs, et plus largement de tout individu qui semblait développer un goût ou une passion pour ces objets africains. Afin de compléter ces différents points de vue, j’ai également sollicité des entretiens auprès de marchands mais aussi de personnes occupant une fonction au sein d’institutionsmuséales. N’ayant aucune relation préalable avec ce monde, je suis entré en contact avec la plupart de ces acteurs via Internet. Que ce soit à leurs domiciles ou sur leurs lieux de travail, j’ai par la suite réaliséavec eux des entretiens semi-directifs. Toutefois, il est important de préciser que la totalité de ce terrain n’a pu être effectuée aussi aisément : déclinant toute rencontre physique, plusieurs personnes ont accepté de participer à cette enquête mais par des voies que l’on qualifiera d’indirectes (échanges de mails, messagerie instantanée). Dans son ouvrage consacré aux collectionneurs d’arts premiers, Rolande Bonnain qualifiait d’ailleurs le milieu dans lequel ces derniers évoluaient de la manière suivante : « si chaleureux qu’il soit quand on en fait partie, [ce monde où la discrétion est 3 de règle], est dans son ensemble peu accessible aux non-initiés » ; il est doncinutile de mentionner que de nombreuses prises de contact n’ont pas abouti et qu’un nombre assez important d’acteursn’ont jamais souhaité répondre à mes questions.
1 N. Dodier, I. Baszanger, «Totalisation et altérité dans l’enquête ethnographique», p. 52. 2 Ibid., p. 38. Selon cette perspective, «l’enquêteur n’est [donc] pas […] fixé sur un terrain intégré qui constituerait l’horizon central à partir duquel il reconstituerait une entité collective. Il circule entre plusieurs chantiers, au fur et à mesure des dimensions qui apparaissent pertinentes dans l’analyse de chaque cas » (Ibid., p. 51). 3 R. Bonnain,L’empire des masques, p. 26. 9
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