Quelle critique artiste ?
143 pages
Français

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Quelle critique artiste ? , livre ebook

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Description

Si l'on en croit les historiens, les critiques d'art et les philosophes, l'art ne pourrait plus à l'âge contemporain assumer une fonction critique : intégration institutionnelle de l'art, récupération par le capitalisme des valeurs et postures alternatives prônées par l'art des années 60/70, fin des grands écrits... Ce constat de clôture constitue, bien au contraire, le nouveau point de départ à partir duquel un art critique doit être repensé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2008
Nombre de lectures 352
EAN13 9782336255798
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Art en bref
Collection dirigée par Claire Lahuerta et Agnès Lontrade
Publiée avec la participation du centre de Recherche sur l’Image et de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne

A chaque époque, l’art produit non seulement des œuvres qui nous fascinent, mais des discussions qui les prolongent et nous passionnent. La collection L’Art en bref souhaite participer activement à ce débat sans cesse renouvelé.
Depuis sa création, L’Art en bref est orienté vers la diffusion de textes courts et incisifs et a pour ambition particulière de publier des écrits relatifs à l’art, de type critique, esthétique et plastique.
Engagés dans le champ de la philosophie, de l’histoire et de la théorie des arts plastiques, les ouvrages sont essentiellement - mais non exclusivement — ancrés dans la sphère de l’art contemporain. Le terme art contemporain s’entend ici dans sa dimension transdisci-plinaire : arts plastiques, esthétique, littérature, poésie, architecture, danse, cinéma, théâtre, scénographie plasticienne, etc.
La collection invite auteurs et chercheurs à manifester leur engagement critique par une approche pertinente d’oeuvres et de thématiques esthétiques. Mêlant art et philosophie, la collection offre la possibilité de penser l’ouvrage comme objet, en intégrant une reproduction d’œuvre en couleur libre de droit comme première de couverture, et en choisissant, en accord avec le comité de lecture, des illustrations noir et blanc, cohérentes avec le contenu de l’ouvrage.
Dernières parutions
Bruno TRENTINI, Esthétique de l’ellipse, 2008.
Olympe JAFFRÉ, Danse et Nouvelles technologies : enjeux d’une rencontre, 2007.
Salvador RUBIO MARCO, Comprendre en art, 2006
Anne BLAYO, Le néon dans l’art contemporain, 2005.
Franck DORIAC, Le Land Art... et après, 2005.
Jean-Yves MERCURY, La chair du visible. Paul Cézanne et Maurice Merleau-Ponty, 2005.
Pierre FRESNAULT-DERUELLE, Le silence des tableaux , 2004.
Alexandre CASTANT, La photographie dans l’œil des passages , 2004.
Quelle critique artiste ?

Aline Caillet
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296056602
EAN : 9782296056602
Sommaire
L’Art en bref - Collection dirigée par Claire Lahuerta et Agnès Lontrade Page de titre Page de Copyright Dedicace Préface, par Sylvie Blocher Introduction : L’idée d’une critique artiste Chapitre un : Entre autonomie et engagement, lectures de la modernité Chapitre deux : contexte contemporain, stratégies et résistances Chapitre trois : Réception, émancipation Conclusion : Quelle relation de l’esthétique au politique ? Bibliographie sélective
À Marie-Hélène et François F.
Préface, par Sylvie Blocher
Il n’est pas anodin qu’Aline Caillet ait demandé à une artiste d’introduire son livre sur « la critique artiste ». Pour parler de son travail, dont tout l’enjeu est la relation de l’art à l’Autre et sa relation au spectateur, je commencerai par livrer deux ou trois éléments de mon propre parcours d’artiste.

Si je fais un retour aux années 80, le rapport à l’Autre m’obsédait déjà dans mes spectacles pour rendre la vie présentable où les acteurs étaient des porteurs de voix et les espaces des lieux que les spectateurs activaient par leur présence. Dans le monde de l’art de cette époque, je me sentais décalée face aux objets de consommation mis en scène tels des veaux d’or par le monde de l’art. Je ne désirais pas non plus participer à un art réservé à quelques initiés. Je voulais rendre la parole aux images - confisquée par les techniques communicationnelles - et pratiquer une décolonisation du moi, c’est-à-dire chercher les moyens de sortir de mon propre contrôle social, éducationnel et affectif, base d’un possible pour une responsabilité esthétique. L’art me semblait encore un espace de liberté dans le paysage décomposé des utopies. En cela, il me fallait changer radicalement ma position d’artiste, sortir d’une position d’exception, comme le dirait Aline Caillet, et repenser la modernité sous l’angle de l’autorité.
Il m’était nécessaire de questionner l’autorité pour penser le monde dans son altérité et non plus dans ses utopies et ses promesses de bonheur (ou de réparations), fussent-elles sociales ou esthétiques dans le corps même des œuvres. En effet, toutes les promesses de bonheur entraînent des prises de territoires, des trahisons, des exclusions et des meurtres. Rappelons ici la trahison des utopies sociales tout au long du xx c siècle ou les exclusions artistiques pratiquées par une partie de la modernité.

Pour cela, il fallait commencer par sortir de ce besoin d’un art d’éternité. Ma dernière construction en 1991, «Déçue la mariée se rhabilla» (collection Centre Pompidou), était un objet lumineux posé au sol, plein d’une énergie électrique limitée, qu’on devait recharger chaque nuit pour qu’il reprenne vie chaque matin dans l’espace du musée.
Pour Rendre la parole aux images, il m’a fallu accepter d’abandonner toute construction d’objets pour une pratique de la vidéo, résolue à ne filmer qu’un matériau incontrôlable : des personnes rencontrées par annonce, sans casting, avec lesquelles je devrais partager mon autorité d’artiste.

Cela ne pouvait se réaliser qu’au travers du concept de l’Adresse et de son rapport à l’altérité. Je voulais remplacer les figures par des visages. Un visage est une figure qui porte encore un nom. Je voulais tenter de voir ce qui pouvait encore faire lien entre des corps singuliers. Malgré tout. Une communauté avouable.

J’ai abordé cette question de l’Adresse au début des années 90 au cours d’un débat dans le cadre de la préfiguration de la nouvelle école d’art de Paris menée par Thierry de Duve. Je me souviens encore du mépris auquel j’avais dû faire face lorsqu’un critique d’art m’avait lancé: « Dans l’œuvre, il n’y a pas et ne peut pas avoir d’Adresse». En tant qu’artiste, je savais bien ce que cela révélait d’une modernité engagée dans l’exclusion de l’Autre, avec en toile de fond cette peur d’une « contagion humaine » qui invaliderait la pureté radicale de l’oeuvre. Pourtant dans mes expériences de jeune étudiante, je me souvenais à quel point la statuaire du Moyen Age avait pu me troubler, alors que je n’avais aucune sympathie pour l’iconographique religieuse. Pourquoi ces sculptures m’avaient-elles touchées et continuaient-elles à le faire ? On me répondait invariablement que c’était à cause de leur perfection technique et du talent du sculpteur. Mais cette réponse ne me paraissait plus suffisante. Il y avait dans ces sculptures une Adresse à l’Autre bien au-delà du goût, du motif, du talent de l’auteur ou du prétexte religieux. Elles étaient, pour moi, des oeuvres qui anticipaient un face à face avec le spectateur, compris comme un espace possible du soi dans le champ de l’art. Elles me laissaient place, je les reconnaissais alors que nous ne partagions pas les mêmes lois. Il en était de même avec les portraits du Fayoum. Un art de la présentation contenant le visage indéterminé de l’Autre, donc mon visage. Comme le rappelle Aline Caillet par la voix de Umberto Ecco, des œuvres à finir par le spectateur, lui permettant de se mettre en mouvement. Un art de la construction de soi comme sujet. Un art de l’Adresse par l’interpellation de la partie manquante : ce que je nomme le double touché.

Pour remettre en cause le contrôle de soi dans l’Adresse, j’ai élaboré un protocole de tournage extrêmement contraignant dans lequel les participants tentent de mettre à vue une part d’eux-mêmes, hors d’eux, hors contrôle de leur propre contrôle : un lâché du corps comme une pratique de l’abandon. C’est en travaillant cette mise à vue, dont les participants trouvaient et trouvent encore que les fragments tournés ne leur ressemblent pas, que je me suis rendue compte à quel point il fallait aussi en passer par le motif de la déception : déception de ne pouvoir combler nos peurs par la fusion des corps, déception du refus de tout héroïsme. Accepter de travailler, pour toucher une part inconnue de nous-mêmes et de l’Autre,

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