Une esthétique de l outrage ?
300 pages
Français

Une esthétique de l'outrage ? , livre ebook

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300 pages
Français

Description

Face à des productions scandaleuses, les critiques les qualifient aisément d'impertinentes, de blasphématoires voire subversives. Ces propositions dont les auteurs revendiquent le caractère radical font l'objet de polémiques. Certaines d'entre elles se confrontent à des procédures d'interdiction. Comment appréhender et comprendre ces foucades artistiques ? Comment distinguer les oeuvres qui répondent simplement aux exigences du spectacle et celles qui relèvent franchement d'un parti pris rebelle ?

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Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 17
EAN13 9782296486331
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

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Extrait

Une esthétique de l’outrage ?
Collection « Ouverture philosophique » SérieArts vivantsDirigée par Jean-Marc Lachaud, Professeur à l’Université de Strasbourg et par Martine Maleval, Maître de conférences à l’Université Paul Verlaine – Metz La sérieArts vivantsa pour objectif de publier des ouvrages individuels ou collectifs, affirmant des parti pris esthétiques se confrontant aux enjeux des théories et des pratiques scéniques qui e s’exprimèrent au cœur de la modernité du XX siècle et qui, plus particulièrement, se déclinent depuis quelques années dans les domaines de la performance, du théâtre, du théâtre de rue, du théâtre gestuel, du théâtre de marionnettes, de la danse, du cirque… Quelques champs seront en ce sens privilégiés, concernant : - le développement de pratiques transversales bousculant les repères établis et les normes à partir desquelles étaient jusqu’alors appréciée et évaluée la création scénique, et qui effacent les frontières reconnues tant entre les arts qu’entre ceux-ci et d’innombrablespetitesformes et qui facilitent le déploiement d’un art scéniquehors limites, - la représentation et la mise en scène de corpsindisciplinaires, qui s’insurgent contre les conventions dominantes et fomentent d’intempestifs débordements salvateurs, en bricolant sans modèles pré-établis et en dérobade constante, de troublantes et de provocatrices figures en tension, - les rapports complexes entre esthétique et politique, les nouvelles formes d’engagement et l’analyse de démarches, d’œuvres et de spectaclesradicaux qui, refusant la logique de la domination et la soumission aux aliénations contemporaines, participent à l’émergence d’uneesthétique de l’émancipation.
Sous la direction de Jean-Marc LACHAUD et Olivier NEVEUX Une esthétique de l’outrage ?
L’HARMATTAN
© L'HARM ATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96338-2 EAN : 9782296963382
Sommaire
Présentation ...............................................................................................7
Jean-Marc Lachaud et Olivier Neveux
Les derniers outrages au théâtre de l’impossible.......................................9
Cécile Croce
Opalka, outrage au temps qui passe.........................................................23
Izabella Lubiniecka
Tania BrugueraCocaïne Controverse.....................................................33
Florent Schmitt
Le Sida ou la morsure du serpentSans titre, Sang titre, Cent titres(1995) de Bruno Pelassy ..........................................................................................45
Marie CanetArts contemporains et pornographie : vers une transgression des limites ? ..57Jean-Marc Lachaud«Shit !» (variations pornographiques)..........................................................77Francesco RubinoDrague et amour. Surwww. webcamde Lionel Soukaz ..................................91Olivier Neveux
Pose et outrage dans la photographie « obscène ».................................107
Frédéric Tachou
Notes introductives au travail de Masao Adachi ...................................117
Nicole BrenezOutrage au commanditaire :Le Rapport DartyAnne-Marie Miéville & Jean-Luc Godard (France-Suisse, 1989, 41’, vidéo)..............................129David FaroultOutrage au « bon sens » : l’exemple deUmiliatide Danièle Huillet et Jean-Marie Straub..............................................................................................143Thomas Voltzenlogel
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Barricader l’assemblée, re-senser la masse à grands coups.Tête-à-têteavec Antonin Artaud au Théâtre du Vieux-Colombier..........................155Magali MougelLes Paraventsde Jean Genet (1966) etLa Passion du Général Francod’Armand Gatti (1968) ..........................................................................167Marie-Ange RauchL’outrage et ses vertus dans le théâtre de lutte contre le racisme..........177Christine Douxami
Rodrigo Garcia : le spectacle passe-t-il les bornes ? .............................189
Christophe Greilsammer
Le Clown : une figure transgressive ? ...................................................197
Martine MalevalÉcoute impossible LesDésertsde Varèse et l’acoustique tortionnaire d’Abou Ghraib .....................................................................................................209Stéphane RothLan(Beyrouth, 1960), ou la subversion du langage poétique arabe....231Leyla MansourLa copie .................................................................................................245Alessia J. MagliacaneLe rap français : une pratique littéraire de l’outrage ?...........................259Bettina Ghio
Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu: prédiction, reflet ou instigation ? Le rap sur le banc des accusés ..........................................273
Marie Sonnette
Le spectateur outré et outragé. Notes sur un plaisir esthétique contrarié face à l’art contemporain .......................................................................285
Christian Ruby
Présentation
Jean-Marc Lachaud et Olivier Neveux
Je pense que scandaliser est un droit et être scandalisé est un plaisir. Pier Paolo Pasolini
Les textes ici rassemblés sont issus des interventions prononcées lors de deux journées d’étude organisées les 4 et 5 mars 2010 par l’Equipe d’AccueilApproches contemporaines de la réflexion et de la création artistiquesl’Université de Strasbourg. Le mot outrage de (offense, blasphème…) renvoie au fait de dépasser des limites envers une autre personne ou, par extension, envers une institution. Le délit d’outrage est ainsi puni comme le rappelle le Code pénal français. Ces réflexions interdisciplinaires (voireindisciplinaires) interpellent différents champs artistiques. Sans prétendre épuiser la question, certaines contributions proposent d’utiles détours historiques, alors que d’autres questionnent diverses démarches et productions actuelles. e Tout au long du XX siècle (pour ne pas remonter au-delà), des artistes et des écrivains, notamment en relation étroite avec l’émergence des avant-gardes, pratiquèrent au travers de leurs manifestes et de leurs créations un art de l’outrage. Dans un contexte évidemment différent, de nombreux artistes contemporains assument volontiers leur volonté de produire des œuvres choquantes et, affirment-ils, transgressives, prétendant ainsi porter atteinte aubongoût, auxbonnesmœurs, aux idées dominantes, aux pouvoirs institués (religieux, politique…). Face à ces productionsscandaleuses, les critiques usent aisément d’un vocabulaire adapté en les qualifiant d’impertinentes, d’irrévérencieuses, de blasphématoires, de sacrilèges, voire de subversives. Certes, régulièrement, ces propositions dont les auteurs (plasticiens, cinéastes, dramaturges, chorégraphes…), le plus souvent subventionnés, revendiquent le caractère radical (et parfois violent) font l’objet de polémiques (médiatiquement relayées). Certaines d’entre elles se confrontent à des procédures d’interdiction (si, dans les sociétés démocratiques-libérales, l’Etat rechigne à endosser le rôle du censeur, les décideurs territoriaux pour préserver la susceptibilité de leurs électeurs n’hésitent pas à censurer les œuvres
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supposées être dérangeantes) ou à la justice (suite aux plaintes déposées notamment par des associations). Mais qu’en est-il vraiment ? Comment appréhender et comprendre cesfoucadesartistiques ? Comment approcher leur éventuel (relatif) potentiel critique ? Comment distinguer les démarches et les œuvres qui répondent simplement aux exigences du spectacle et celles qui, malgré tout (tout en évaluant le risque d’être récupérées), relèvent franchement d’un parti pris rebelle ? Mais encore,franchir les limitesetbafouer les valeurs suffit-il pour déstabiliser les idées reçues et convenues, pour fragiliser l’ordre existant, pour faire que l’art échappe à ce que Noam Chomsky appelle la « fabrication du consentement » ? Au-delà, en invoquant une absolue liberté artistique, les artistes peuvent-ils toutefois s’affranchir de toute loi et de toute morale, se prévaloir du principe d’irresponsabilité ? En analysant quelques exemples significatifs, il s’agira donc d’évaluer les enjeux liés à de tels parti pris et, en pointillés, d’esquisser ce qui pourrait être une authentiqueesthétique de l’outrage.
Les derniers outrages au théâtre de l’impossible
Cécile Croce
Il est évident que chacun est muni d’un métabolisme personnel, mais, en plus, il existe des « pensées opératoires » à l’échelle nationale. C’est en fin de compte le socius qui décide de ce qui est fou et de ce qui ne l’est pas. 1 J. Mc Dougall
Hypothèses Mc Dougall conçoit la psyché comme l’espace de théâtres intimes au répertoire secret où leJejoue ses personnages : l’un, le théâtre de l’impossible, selon les visées narcissiques du sujet cherchant à franchir les frontières duje(par-delà l’altérité, la différence des sexes, le vieillissement et la mort) ; l’autre, le théâtre de l’interdit, comme une tentative des désirs libidinaux rendus irréalisables par la barrière du refoulement. A ce dernier la voie de la névrose et ses conflits ; au premier les solutions oniriques ou délirantes (psychoses), les enjeux transitionnels ou transitoires (addictions, proches des scénarios pervers), auxquels l’auteur ajoute le théâtre psychosomatique, véritable « jeu de mime » qui s’exprime dans les corps, sans métaphore ni symbolisation, privé de mots pour les émotions (alexithymie). C’est ce dernier théâtre que la performance (considérée dans le champ élargi des arts plastiques) nous apparait tenter de soulever : l’impensé, l’irreprésenté, l’in-dit, fond traumatique bousculant la « normopathie » de l’individu social enchainé dans ses actes et ses pensées opératoires, travaillant à la frontière de l’impensable, l’irreprésentable, l’indicible, contenu (socialement) interdit. Selon
1 J. Mc Dougall,Théâtres du Je, Paris, Gallimard, 1982, p. 174.
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nous, la performance n’est pas seulement un reflet (même révélateur) de la société, mais elle apporte l’action (politique) avec appel à 1 participation ; elle n’est pas une simple critique (même pertinente) d’instances contraignantes, mais une tentative pour rendre sensibles ces lois, interrogées dans leur faculté de devenirnoslois ; sa fonction ne se résume pas à ouvrir la brèche de l’expression de pulsions fondamentales débordantes (sexuelles ou agressives), mais elle brise leur carcan de représentances afin de réinjecter du sens et du possible dans les représentations évidées ; enfin, elle n’emprunte pas l’apparence de perversions, mais serait incidemment nourrie par les processus pervers qui s’avèrent une issue possible pour remonter le chemin qui irait du théâtre de l’interdit au théâtre de l’impossible et, peut-être, en recommencer le dessin en sens inverse. La performance chercherait donc alors à révéler la loi en la bousculant, à la remettre en cause en l’exaspérant, posant une véritable « esthétique de l’outrage » selon l’heureuse formulation de J.-M. Lachaud et O. Neveux. Non seulement il s’agit de montrer combien la loi existe, jusqu’où il est possible de la transgresser, mais aussi d’en changer la donne (le sens) en ré-offrant à l’individu social sa part d’implication, de responsabilité, d’action. Sans cela, rien ne la distinguerait du jeu savamment institué par la société capitaliste de consommation d’images telle que P. Ardenne la dépeint dansExtrême. Esthétique de la limite dépassée: « La société libéraliste se doit d’éprouver sans cesse sa valeur dans deux sens opposés mais pourtant solidaires : d’un 2 côté, la capacité à la licence ; de l’autre, la capacité à l’interdit » . Produisant des images choc, violentes, dégueulasses, inacceptables (comme dans la campagne Benetton prenant pour modèles des condamnés à mort), afin de secouer l’individu, de le sortir de son état d’apathie, selon l’auteur, la société capitaliste vise, dans cette excitation, à conduire vers le produit attaché à l’image sidérante. Au contraire, la performance ne se contente pas d’exciter l’interdit : elle fait outrage à la loi pour la reconstruire autrement – en tout cas en signaler cette possibilité – à plusieurs niveaux : celui du spectateur, heurté, celui de l’institution (artistique), bafouée, celui de l’artiste
1 Au sens d’H. Arendt (cf.LaCondition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961. 2 Paul Ardenne,Extrême. Esthétique de la limite dépassée, Paris, Flammarion, 2006, p. 131.
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