Géographie sentimentale du documentaire
301 pages
Français

Géographie sentimentale du documentaire , livre ebook

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301 pages
Français

Description

L'exotisme peut-être autre chose qu'un univers trompeur, celui des faux-semblants des images sur papier glacé pour agences de voyage. Il peut être un appel à mieux apprécier les écarts entre cultures, à mesurer les distances pour mieux s'en imprégner. Quelques-uns des grands représentants du cinéma documentaire sont revenus à plusieurs reprises vers les paysages et les pays qui les ont fascinés. C'est leur monde exotique à eux, inspiré par l'esprit des lieux, qui sera évoqué dans les pages de ce livre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 458
EAN13 9782296447479
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait










Géographie sentimentale du documentaire































































© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13168-2
EAN : 9782296131682
Guy Gauthier




Géographie sentimentale
du documentaire.



L’esprit des lieux























L’Harmattan











Ouvrages du même auteur :
Andrei Tarkovski, Edilig, 1988
Les chemins de René Allio, Le Cerf, 1993
Chris Marker, écrivain multimédia, L’Harmattan, 2003
1960. Le documentaire passe au direct (co- Philippe Pilard et
Simone Suchet), VLB éditeur, Montréal, 2003
Un siècle de documentaires français, Armand Colin, 2004
èmeLe documentaire, un autre cinéma (3 éd), Armand Colin,
2008
Édouard Riou, dessinateur, L’Harmattan, 2008



















Documentaire et horizons lointains

« Les autres sociétés ne sont peut-être
pas meilleures que la nôtre ; même si nous
sommes enclins à le croire, nous n’avons à
notre disposition aucune méthode pour le
prouver. À les mieux connaître, nous gagnons
pourtant un moyen de nous détacher de la
nôtre, non point que celle-ci soit absolument
ou seule mauvaise, mais parce que c’est la
seule dont nous devions nous affranchir : nous
le sommes par état des autres »
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques.

Il y a un siècle environ, quand le mot « documentaire »
apparut dans les catalogues destinés aux établissements
scolaires et aux associations d’éducation populaire, on ne se
posait pas la question : les films ramenés du monde entier par
les opérateurs d’actualités étaient des « documents », des
images insoupçonnables. Du temps des lanternes magiques
éclairées au pétrole, le ministère de l’Instruction publique et les
associations d’éducation populaire adressaient à leurs
correspondants des boîtes de « vues », ancêtres des diapositives,
1aides pédagogiques pour les enseignants et les conférenciers .
C’étaient des documents, réputés irréfutables. C’était le temps
de l’innocence iconique.
Depuis, les fonctions didactique ou pédagogique ont été
reléguées au second plan. À défaut d’être reconnu comme l’égal
du film romanesque dans les salles que fréquente le grand
public, le film vécu (au tournage) a été accueilli, avec réticence
d’abord, avant d’être considéré comme une création artistique
assez originale pour ne pas être classée simplement parmi les
« genres ». Dès lors, on a voulu le débarrasser de son
encombrante étiquette documentaire. On a tout essayé : cinéma
du Réel (nom d’une manifestation consacrée), cinéma direct (à
partir de la synchronisation de l’image et du son), cinéma-vérité

1
Pour plus de renseignements sur cette période méconnue, je renvoie
à un précédent ouvrage : Guy Gauthier, le documentaire un autre
cinéma, Armand Colin Cinéma, 2008 (p. 37 à 46).



















à la même époque (appellation disparue dans un tollé général),
cinéma du vécu (Pierre Perrault), puis documentaire de
création, forme légitimante des ambitions esthétiques de
l’antique documentaire. Cette dernière désignation restant un
peu lourde, on dit désormais tout simplement « documentaire ».
Retour aux sources, après un long parcours enrichi
d’expériences et de débats.
Les Anglo-saxons, qui ont d’abord retenu
« documentary » à la suite de John Grierson, lui-même
2influencé par les classifications des premiers catalogues , ont
ensuite introduit une distinction entre « fiction » et «
nonfiction » qui ne facilite pas la réflexion, car elle réduit le
territoire du documentaire à tout ce qui n’est pas fiction,
appellation un peu vague, non spécifique du domaine
cinématographique, qui englobe le fantastique aussi bien que le
réalisme. Fiction, appliqué au cinéma, n’est plus que
l’équivalent de littérature pour la chose écrite, incluant le
roman, la poésie, l’essai, le pamphlet, le genre épistolaire, la
critique littéraire : pour résumer, le narratif et le non narratif.
Or, le mot fiction, dans la littérature cinématographique,
sousentend récit. L’immense majorité des films dits de fiction
appartiennent à la manière romanesque : comme dans un
roman, l’auteur imagine l’histoire, les personnages et les décors,
même s’il se réfère implicitement à des modèles puisés dans la
réalité. En toute circonstance, ce qui se manifeste sur un écran
n’est qu’image, donc fiction. Le récit qui mène le lecteur ou le
spectateur vers un dénouement plus ou moins imprévisible peut
être une composante du documentaire, mais l’histoire, quand il
y en a une, n’est pas écrite à l’avance. Le mot fiction, employé
à tort et à travers, demeure comme une conjuration naïve de la
trivialité supposée du documentaire.
Le documentaire en son noyau dur élimine le scénario
préalable, le décor construit, l’acteur interprète, la reconstitution
historique. Il s’en tient, lors de la prise de vues, au direct selon
l’acception des années 60, de plus en plus opérationnel avec les

2
Dans la plupart des langues pratiquées dans les pays industrialisés,
on a gardé en traduction une simple transposition du mot d’origine, ce
qui permet de le repérer de loin.

8

















caméras légères et les images électroniques, ce qui élimine les
débats académiques (« réalité ou pas réalité ? »). Le
documentariste filme du réel ce qu’il en voit, la manière dont il
le voit, et ce qu’il en retient (personnages, cadre, action
éventuellement). Quand il se laisse aller sur la pente de
l’imaginaire, il garde, par les méthodes de tournage, un pied
dans le réel, d’où une forme originale de film moins tributaire
du roman ou du théâtre.
Le film romanesque se fonde sur une vision intérieure,
inspirée ou non du réel (acteurs, professionnels ou non, décors
construits ou choisis, histoire inventée ou transposée). Le
documentaire relève d’une méthode pratique d’investigation du
monde sensible. Certains auteurs, et non des moindres,
3attribuent à l’image un pouvoir de voyance, pure supputation
pour qui choisit de s’en tenir à la stricte observation. Le point
de vue personnel (« documenté » selon Vigo), déjà présent à la
prise de vues, se développera au montage (Dziga Vertov) ou au
commentaire (Chris Marker). Rien ne protège des
manipulations et des trucages ultérieurs, si ce n’est l’éthique du
4
cinéaste, souvent en conflit avec l’esthétique , au détriment
parfois de l’une ou de l’autre. Documentaire et romanesque se
partagent la narration comme technique commune, mais le
documentariste, lui, ne choisit pas qui vit et qui meurt, qui
gagne et qui perd : c’

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