Imaginaires cinématographiques de la menace
272 pages
Français

Imaginaires cinématographiques de la menace , livre ebook

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272 pages
Français

Description

Comment les imaginaires cinématographiques de la menace d'origine naturelle, technologique ou sociale traduisent le climat mental qui se développe à notre époque ? L'émergence d'un héros postmoderne semble être le signe d'une mutation du social. La recherche s'appuie sur différentes analyses sociologiques du cinéma, sur l'analyse du contenu d'un corpus de trente films réalisés durant ces dernières années, sur des réponses à divers sondages d'opinion.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2013
Nombre de lectures 18
EAN13 9782296535985
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

films réalisés durant la première décennie du XXI siècle, sur des réponses à des sondages d’opinion auprès de jeunes
Ceci afin de mettre en évidence les interactions qui lient le
Illustration de couverture : Istockphotos.
ISBN : 978-2-343-006543 27 €
Nadine BOUDOU
LES IMAGINAIRES CINÉMATOGRAPHIQUES DE LA MENACE
Émergence du héros postmoderne
Préface de JeanBruno RENARD
Série études culturelles
L O G I Q U E S S O C I A L E S
LES IMAGINAIRES CINÉMATOGRAPHIQUES DE LA MENACE
Collection Logiques Sociales Série : Études Culturelles Dirigée par Bruno Péquignot Le champ des pratiques culturelles est devenu un enjeu essentiel de la vie sociale. Depuis de nombreuses années se sont développées des recherches importantes sur les agents sociaux et les institutions, comme sur les politiques qui définissent ce champ. Le monde anglo-saxon utilise pour les désigner l’expressioncultural studies. Cette série publie des recherches et des études réalisées par des praticiens comme par des chercheurs dans l’esprit général de la collection. Christian APPRILL, Aurélien DJAKOUANE et Maud NICOLAS-DANIEL,L’enseignement des danses non réglementées en France. Le cas des danses du monde et des danses traditionnelles, 2013.Christiana CONSTANTOPOULOU,Barbaries contemporaines, 2012. Barbara LEBRUN (éd.), Chanson et performance. Mise en scène du corps dans la chanson française et francophone, 2012.Isabelle PAPIEAU,Du culte du héros à la peoplemania, 2012. Frédéric GIMELLO-MESPLOMB,L’invention d’un genre : le cinéma fantastique français, 2012. Frédéric GIMELLO-MESPLOMB,Les cinéastes français à l’épreuve du genre fantastique, 2012.Raphaële VANÇON,? LaMusicien amateur ou professionnel construction identitaire musicienne, 2011. Yves RAIBAUD,Géographie socioculturelle, 2011. Françoise CARECCHIO,La culture des jeux. Une poétique enfantine, 2010. Steve GADET,La Culture hip hop dans tous ses états, 2010. Marie-Claude ROGERAT,Les biographies d'artistes. Auteurs, personnages, public, 2010. J. de M. PESSOA et M. FELIX,Les voyages des Rois Mages. De l'Orient jusqu'au Brésil, 2010. Irène JONAS,Mort de la photo de famille ? De l'argentique au numérique, 2010. Martine MALEVAL,L’émergence du nouveau cirque. 1968-1998, 2010. Yvonne NEYRAT,Socio-anthropologie culturelle de l’univers étudiants, 2010.
Nadine BOUDOU LES IMAGINAIRES CINÉMATOGRAPHIQUES DE LA MENACE Émergence du héros postmoderne Préface de Jean-Bruno RENARD
© L’HARMATTAN, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-006543 EAN : 9782343006543
PRÉFACE
Lorsque Nadine Boudou a entrepris sa recherche sur les héros dans le cinéma contemporain, elle était déjà titulaire d’un diplôme de philosophie et d’un doctorat d’ethnologie sur les pratiques culinaires en Provence. Son approche sociologique s’est donc enrichie de cette double compétence disciplinaire : d’une part en s’intéressant à une réflexion sur notre époque, notamment sur ses valeurs morales et philosophiques, d’autre part en s’appuyant sur un terrain concret, un corpus de 30 films classés aubox-officeen France de 2001 à 2010 et leur réception par des élèves de Terminale. Cette recherche a abouti à une belle thèse, dont est tiré le présent ouvrage.
Bien que l’objet de l’étude lie le cinéma et les peurs, il ne s’agit nullement d’un énième ouvrage sur les films d’horreur, ceux « qui font peur », mais sur les films qui traitent des inquiétudes, des menaces, des dangers ressentis par nos contemporains. En ce sens, Nadine Boudou s’inscrit dans la ligne des historiens et des sociologues qui s’intéressent aux peurs et aux inquiétudes collectives, dont les précurseurs furent Jean Palou (La Peur dans l’histoire, 1958) et Jean Delumeau e (La Peur en Occident, 1978). En ce début du XXI siècle – marqué par les risques naturels et les épidémies – une abondante littérature, documentaire ou de fiction, traite des « catastrophes ». Si la perception d’un film est toujours un « choc », comme l’écrit Walter Benjamin, cité par Nadine Boudou, elle l’est doublement lorsque le film met en spectacle une menace ou une catastrophe.
J’aimerai simplement, dans cette préface, souligner ce qui me semble constituer les quatre points forts de cette étude.
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Tout d’abord, Nadine Boudou établit une typologie des menaces, avec la même méticulosité que Roger Caillois – dont il faut se souvenir qu’il était agrégé de grammaire – s’intéressant à la logique de l’imaginaire. Lesmenaces naturelles (dégradation de l’environnement, épidémies, inondations, tremblements de terre), lesmenaces technologiques (effets pervers des nouvelles technologies, inventions dangereuses, machines, robots) et lesmenaces sociales (sociétés totalitaires, violence, guerre, terrorisme) couvrent tout le catalogue des peurs d’aujourd’hui, étant entendu, comme le montre Nadine Boudou, que la plupart de ces peurs cumulent plusieurs types : ainsi la crainte d’une épidémie provoquée par des expérimentations sur le vivant (biotechnologie) associe menace naturelle et menace technologique, et la peur de la vidéosurveillance – ou d’autres techniques de sécurité – mêle menace technologique et menace sociale. Les trois types de peur prolongent et modernisent des motifs mythologiques souvent fort anciens : les menaces naturelles rappellent le mythe de l’Age d’Or et du Paradis perdu, les menaces technologiques réactivent le mythe du Golem tandis que les menaces sociales évoquent les peurs chrétiennes concernant la mainmise de Satan sur le monde. Les films du corpus étudié traitent également souvent de différents types de peur, même si certains mettent plus l’accent sur les menaces naturelles, comme les films-catastrophes (Le Jour d’après,Prédictions,2012), ou sur les menaces technologiques, comme les films de science-fictionMinority Report,Matrix, I,Robot,Clones, ou bien sur les menaces sociales comme300, Inglorious Basterds,District 9,Des hommes et des dieux et mêmeLes Choristes, soumis à la tyrannie du directeur de collège !
Le deuxième point fort est la démonstration d’une congruence entre les menaces au cinéma et les menaces évoquées dans de nombreux essais philosophiques ou sociologiques tels queLa Société du risqued’Ulrich (1986) Beck, Politique de la survie (2006) de Marc Abélès,L’Âge de la peur(2009) de Dominique Lecourt,Rendre la terre habitable(2011) d’Edgar Morin et Peter Sloterdijk, et les ouvrages de
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Paul Virilio,Cybermonde, la politique du pire (2001) et L’Administration de la peur (2010). Nadine Boudou relève les mêmes discours alarmistes dans les médias : télévision, presse, revues de vulgarisation scientifique commeScience et AvenirouScience & Vie. J’ajouterai que l’on observe le même intérêt pour les menaces dans les milieux universitaires, comme en témoigne le nombre croissant de thèses et d’équipes de recherche centrées sur lesrisques (environnementaux, sociaux, etc.). Le cinéma apparaît donc bien comme une production de fictions qui « double » des discours intellectuels ou scientifiques sur l’état du monde. La science-fiction, notamment, en poussant jusqu’à un point extrême des phénomènes présents, effectue une « hyperbolisation du réel » qui constitue à sa manière une réflexion sur nos sociétés.
Le troisième point fort est la mise en évidence de l’apparition d’un nouveau type de héros, lehéros postmoderne, distinct du héros classique. Les héros sont toujours l’expression privilégiée des croyances et des valeurs d’une société. Les héros classiques reflétaient des cultures sûres d’elles-mêmes tandis que les héros postmodernes sont le reflet d’une société qui doute. Le héros postmoderne n’est plus un « sauveur de l’humanité » mais un « sauveteur » de ses proches, c’est-à-dire sa famille, son groupe, son pays parfois. Il n’a plus rien d’un surhomme – d’Hercule à Superman – et il affiche sa fragilité. Il n’incarne plus une idéologie, mais une morale. Enfin, le héros postmoderne est un homme isolé ; il ne peut plus compter sur le gouvernement, l’armée ou les savants. Cette distanciation par rapport aux autorités officielles – au mieux on s’en méfie, au pire elles sont la cause directe ou indirecte des catastrophes – rejoint les discours conspirationnistes contemporains. Ce discours se retourne même contre les films-catastrophes : ainsi Jean-Michel Valantin, auteur deHollywood, le Pentagone et le monde (2010), bien que n’étant pas un adepte de la théorie du complot, pense néanmoins que la production cinématographique américaine (Hollywood) est manipulée par les autorités (le Pentagone) pour cautionner des choix politiques et militaires.
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Enfin, quatrième point fort, l’enquête auprès des lycéens confirme à nouveau cette congruence entre le cinéma et ce que Nadine Boudou appelle le « climat mental » de notre époque. L’image du héros postmoderne coïncide avec les valeurs des adolescents : les lycéens insistent sur la moralité et le courage du héros plus que sur sa force ou son idéalisme, et pour eux le héros doit délivrer un message éthique plutôt que rétablir l’ordre ou risquer sa vie. Le héros postmoderne ne défend ni sa propre personne, ni l’humanité tout entière, mais son groupe, ses proches, c’est pourquoi il est en phase avec le « temps des tribus » (Michel Maffesoli). D’ailleurs, comme le remarque pertinemment Emmanuel Ethis, il est fréquent que les adolescents aillent voir ces films en bande et non individuellement.
Nadine Boudou a judicieusement étudié chez les adolescents la perception croisée de lacertitude d’une menace et de sa dangerosité.Les résultats sont très intéressants. Des menaces considérées comme certaines sont perçues comme peu ou moins dangereuses : catastrophes naturelles, terrorisme, criminalité, changement climatique, épuisement des ressources énergétiques. À l’inverse, des menaces jugées comme moins certaines sont vues comme plus dangereuses : guerre nucléaire, épidémie, raréfaction de l’eau, fin de l’espèce humaine, fin du monde. Tout se passe comme si l’on se rassurait par rapport aux menaces perçues comme réelles et proches, tandis que l’on joue à se faire peur avec des menaces lointaines. La date du 21 décembre 2012, prétendument annoncée par le calendrier maya comme étant celle de la fin du monde, n’a pas été l’objet d’une croyance notable dans la population mais, en revanche, elle a servi de prétexte à une prolifération dans les médias d’articles et de numéros spéciaux de magazines sur les scénarios possibles de la fin du monde. L’ethnologue Françoise Zonabend, dansLa Presqu’île au nucléairea montré que les habitants (1989), proches de la centrale atomique de la Hague ont moins peur des risques nucléaires que ceux qui habitent plus loin. Quant à l’effroi, il semble correspondre à des items associés à des visions d’horreur, réelles ou imaginaires : catastrophes naturelles, guerre nucléaire, terrorisme, épidémie, fin du monde.
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Nadine Boudou émet l’idée quecinéma contemporain« le présente l’humanité comme une menace pour elle-même ». On peut en effet penser que si, dans le passé, la cause des catastrophes a été successivement attribuée à Dieu ou aux dieux, puis à la Nature – à partir du débat sur le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, qui a vu s’affronter les partisans de la « punition divine » et ceux de l’origine naturelle –, c’est l’Homme qui est aujourd’hui fréquemment désigné, à tort ou à raison, comme le responsable direct ou indirect des maux qui nous menacent ou qui nous accablent. Ainsi le message écologiste s’impose dans le cinéma contemporain.
Jean-Bruno RENARDProfesseur de sociologie à l’Université Paul-Valéry – Montpellier 3
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