Le Partage de l intime
168 pages
Français

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Description

L’intime, qui est généralement tu, caché, privé, est de plus en plus exposé à l’écran et se trouve transformé du fait de cette exposition : il devient partagé, dans une sorte d’intimité à distance de soi et à destination d’autres personnes secrètes et multiples. Ce faisant, il nourrit la sensibilité du spectateur en même temps que celle du cinéaste et des artisans du film.
Dans une série d’essais riches et contrastés, les auteurs de ce livre réfléchissent à la question paradoxale de l’intime au cinéma, par les archives, les affects, les formes narratives ou les dispositifs. Ils explorent l’univers de cinéastes aussi différents que Jean Eustache, Richard Linklater, Carolee Schneemann, Jean-Luc Godard, Leighton Pierce, Chris Petit, Xavier Dolan, Paolo et Vittorio Taviani, Jean Renoir, Lars von Trier, Laure Vermeersch, Sarah Polley, Yasujiro Ozu et quelques autres. Au fil de leurs analyses, ils font apparaître le film comme un acte, un événement, avec ses ramifications et ses conséquences sociales, politiques, esthétiques et éthiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782760639317
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sous la direction de Frédérique Berthet et Marion Froger
Le partage de l’intime
Histoire, esthétique, politique; cinéma
Les Presses de l’Université de Montréal
Merci au Centre d’études et de recherches interdisciplinaires en Lettres Arts Cinéma (CERILAC) et à PluriGenre (Action de recherche structurante pluridisciplinaire en études de genre) de l’Université Paris-Diderot et de l’Université Sorbonne Paris-Cité (USPC). Merci également à l’Observatoire du cinéma au Québec (OCQ) de l’Université de Montréal. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Le partage de l'intime; histoire, esthétique, politique; cinéma / sous la direction de Frédérique Berthet et Marion Froger. (PUM) Comprend des références bibliographiques et un index. Publié en formats imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-7606-3929-4 ISBN 978-2-7606-3930-0 (PDF) ISBN 978-2-7606-3931-7 (EPUB) 1. Intimité au cinéma. 2. Intimité dans les médias. I. Berthet, Frédérique, éditeur intellectuel. II. Froger, Marion, 1970-, éditeur intellectuel. III. Collection: PUM. PN1995.9.I575P37 2018  791.43'653  C2018-941249-6 C2018-941250-X Mise en pages et ePub: Folio infographie Dépôt légal: 3 e trimestre 2018 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2018 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Table des matières
Introduction
Évolutions récentes
L’intime à l’œuvre, partage du cinéma
Spécificités du cinéma en matière de partage d’intimité
Des démarches de recherche pour explorer l’intimité
CHAPITRE 1
L’intime en trompe-l’œil
Les photos d’Alix, Jean Eustache (1980)
Un air de famille – le partage des rôles
Portrait d’Alix en photographe – dans l’intimité du geste artistique
Autoportrait de l’absent(e) – discerner et entrecroiser les intimes
Vertiges, Vertigo: le sujet est dans le tableau
Détachement, rattachement – faire de l’intime une belle histoire
CHAPITRE 2
Le temps de l’intime, un défi pour le cinéma
The Before Trilogy, Richard Linklater (1995-2013)
Prolégomènes philosophiques
L’intimité, la temporalité: une préoccupation constante pour Linklater
La série télé comme lieu de l’intimité
Pour une philosophie de l’intimité
CHAPITRE 3
Visions tactiles: l’étreinte à l’écran
Fuses, Carolee Schneemann (1965), Sauve qui peut (la vie), Jean-Luc Godard (1980), A Private Happiness, Leighton Pierce (2003), Unrequited Love, Chris Petit (2005)
Fuses (1965)
Sauve qui peut (la vie) (1980)
A Private Happiness (2003)
Unrequited Love (2005)
CHAPITRE 4
La discrétion en question
Laurence Anyways, Xavier Dolan (2012)
Intime et intimiste
La discrétion comme art de la disparition et de la bonne distance
Continu et discontinu
Retour au concept d’agacement
CHAPITRE 5
Du sens de l’intimité dans la polismédiatique globale
César doit mourir, Paolo et Vittorio Taviani (2012)
Athènes est le film
La puissance du cinéma
L’intimité est politique
CHAPITRE 6
Intimités en révolution, intimités révolutionnaires
La Marseillaise, Jean Renoir (1938), Dogville, Lars von Trier (2003), Alcyons, Laure Vermeersch (2015)
La Marseillaise ou la communauté des affections
Dogville, l’amour bafoué est contre-révolutionnaire
Alcyons, une civilité révolutionnaire dans la Grèce de 2015
CHAPITRE 7
Explorer l’intime familial à travers la reconstitution
Stories We Tell, Sarah Polley (2012)
Entre image-vérité et stéréotype social
Stories We Tell: l’intime à la croisée des récits
La reconstitution, une méthode de compréhension de l’intime
Variations narratives et partage de l’intime
CHAPITRE 8
Intimité et liminalité
La vieille sage-femme de Bonjour (Yasujirō Ozu, 1959)
CHAPITRE 9
Du partage de l’intime à l’intimité en partage: quelques scènes de lit
Flânerie en cinématographie française (1960-1970)
Un lieu d’intimité où s’invite le spectateur
Quels imaginaires de l’intimité?
Une scène sociale recouvrant un modèle de socialité
Le lit, l’écran, et la clôture du monde
Bibliographie
Filmographie
Les auteurs
Les directrices
Introduction
Sur l’intimité, et le partage paradoxal qui la caractérise, le désir de parler et d’écrire est grand, notamment au regard de l’évolution récente qui accentue le tournant pris dans les années 1960: les pratiques artistiques, qui ont permis à l’intime d’investir l’espace social à un degré spectaculaire, le font de manière de plus en plus frontale et explicite. Citons quelques-unes de ces pratiques, sans prétention à l’exhaustivité: l’art performance qui met en jeu – la plupart du temps – le corps (et la vie) des artistes dans son intégralité ou son intégrité, les autofictions comme stratégies discursives d’énonciation de l’intime, ou encore l’extimité assumée d’artistes médiatiques contemporains 1 . Ces derniers démultiplient par exemple les formes d’exposition et d’extériorisation de soi pour mieux s’approprier intimement leur propre existence, tout en incitant à suivre la même démarche ou à réinvestir l’intime en tant que lieu du politique. Sur le plan critique, l’attention à la réception intime des œuvres nous pousse à revenir sur la caractérisation de l’œuvre elle-même. Celle-ci n’est plus seulement un texte à lire. Elle est aussi pourvoyeuse de sensations à éprouver, source de transformations, y compris dans la relation objet regardé/sujet regardant. Ainsi les chercheurs, en particulier depuis ce que les Anglo-Saxons ont appelé the affective turn in humanities 2 , s’intéressent de plus en plus aux modalités de la transmission des émotions et des affects dans leurs travaux; partant, chaque approche s’interprète également comme autant de gestes créateurs.
Évolutions récentes
Le contexte culturel dans lequel nous sommes amenés à penser l’intimité et ses formes de partage artistique peut être considéré sous plusieurs éclairages.
La légalisation de la contraception et de l’avortement, la levée des tabous liés à la sexualité et, plus largement, la remise en cause des valeurs patriarcales ont joué un rôle considérable dans la libération des mots, des gestes intimes et de leurs représentations depuis le début des années 1970. La lutte pour la dignité et la reconnaissance – y compris sur le plan juridique – des personnes aux identités et sexualités non normatives a déconstruit en partie l’ordre symbolique de nos sociétés, trop souvent générateur de violences politiques, sociales et domestiques, et qui faisait de l’intimité de ces personnes un objet de mépris ou une source de honte. Il s’est alors avéré nécessaire d’exprimer, de montrer et de rendre visibles des intimités autrement condamnées au secret, ce à quoi se sont attelés un nombre toujours plus important d’artistes, tous secteurs confondus, épaulés par des organisations qui facilitaient la diffusion de ces textes, images et mots par voie de presse, de circuits médiatiques ou d’événements culturels.
Cette évolution a aussi touché au cœur le régime des discours qui, en France notamment, avait longtemps banni la parole intime de la sphère publique. On pense ici à l’exemple paradigmatique de la parole des rescapés juifs des camps d’extermination au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Cette parole fut d’abord jugée indécente, parfois même exhibitionniste 3 , et toujours discordante par la société. Elle fut enfouie au plus profond des sujets pour être libérée après-coup, dans un tout autre contexte (la recrudescence des tensions militaires entre Israël et ses voisins arabes, la réaction au révisionnisme et au négationnisme, le moment «mémoire» 4 , etc. 5 ), et de façon massive dans les années 1980-1990, en s’appuyant justement sur des pratiques alliant art et technique (les entretiens audiovisuels) et sur l’idée nouvelle d’articuler les différentes focales de l’histoire pour révéler ce qui avait pu être refoulé. La petite échelle de l’intime est devenue nécessaire à l’écriture de la grande histoire. Plus encore, cette perspective représente la condition sine qua non à la qualification et à la compréhension de tout événement historique, comme par exemple le cas des femmes tondues à la Libération en France 6 – sujet magistralement introduit par Alain Resnais dans Hiroshima mon amour (1959) et dont on retrouve les échos dans quelques films récents 7 .
Du point de vue des valeurs sociétales, la prééminence de la relation intime a formé pour les sociologues un nouveau terrain phénoménologique, qu’il s’agisse du couple, de la famille ou des cercles d’amis, par opposition aux autres formes de rapports sociaux. Si dans l’intimité de ces relations, la vulnérabilité des personnes peut aussi être extrême – violence conjugale, inceste, dynamique groupale de coercition, etc. –, être capable d’intimité avec autrui est fortement valorisé, comme enjeu vital ou épreuve morale 8 . La qualité relationnelle des personnages est d’ailleurs la source scénaristique inépuisable de bon nombre de séries télévisuelles et de comédies dramatiques, qui misent sur l’identification, l’empathie ou l’élan compassionnel des spectateurs conviés à ce partage d’intimité. Ainsi, la production audiovisuelle contemporaine produit des modèles d’intimité bien partagée, notamment par les protagonistes entre eux. Elle favorise aussi une intimité imaginée avec un autre, supposé éloigné ou distant, socialement ou culturellement. Cet autre se trouve alors mis en scène en tant qu’altérité radicale, et il va s’agir précisément de s’en rapprocher en créant des liens neufs. Les chercheurs en arts et médias soucieux d’interculturalité étudient donc de très près les représentations, récits et dispositifs qui fabriquent et déconstruisent «l’altérité» de l’autre, et ce faisant, accompagnent, balisent et orientent l’expérience contemporaine de la diversité culturelle et sociale 9 .

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