Lelouch (Claude), Retenez bien ce nom…
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Description

Dans leur majeure partie, les intellectuels n'aiment pas Lelouch ! Trop faciles, toujours identiques à eux-mêmes, laissant la part belle à la vie, à l'innocence et à l'amour, les films de Lelouch ne semblent pas écrits. Et c'est bien là tout le problème. Dans ce court essai, Bruno Lavillatte analyse, à partir des déclarations du grand cinéaste et celles des critiques souvent formatés par la littérature les origines de ce désamour entre ceux qui ont dit jadis que "vous n'entendrez plus jamais parler de ce nom" et celui qui, aujourd'hui, a réalisé plus de 50 films !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 avril 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9791096382101
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bruno LAVILLATTE
lelouch (claude), retenez bien ce nom...
Petite histoire d’une incompréhension critique
Copyright é ditions Ocrée
contact@editions-ocree.fr
www.editions-ocree.fr
Photo de couverture : Un homme et une femme de Maurice Douard
ISBN : 979-10-96382-18-7
Toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue une contrefaçon sanctionnée par la loi sur la protection du droit d’auteur.
Table des matières La sincérité cinématographique Hors de l'émotion, point de salut ! Action ! Rien ne vaut la vie ! Rien que la vérité, toute la vérité ! Plus loin que la raison ! Caméra au poing ! De la musique avant toutes choses ! Il se fait son cinéma ! L'amour au cinéma, le cinéma de l'amour ! "Retenez-bien ce nom..." Mes divagations sur Lelouch
Landmarks Cover

C’est l’automne en son début. Tout début. Rien ne me disposait à écrire sur Claude Lelouch. Peut-être un vague souvenir d’une mélodie sur la mer, belle à en crever la mélodie ! Peut-être un reflux d’images, aussi, et qui se pressait comme une étrange nécessité d’aller se promener dans une œuvre cinématographique seulement effleurée du bout des doigts, jusqu’à ce jour.
Un homme et une femme, 2009 - Maurice Douard

La sincérité cinématographique
Toujours, et sans raison aucune, sans raison apparente, le cinéma de Lelouch m’avait procuré une curieuse impression, teintée à la fois d’un certain malaise — sans doute la folie douce des amours enfuies et qui serrent les yeux à en presque pleurer — et de l’attrait bizarre de découvrir ce qui est planqué derrière. Essentiellement derrière. C’est-à-dire, enfoui au creux d’un flot d’émotions pures, totalement envisagées dans un premier temps, puis submergées par l’afflux d’images, dans un second, et qui vont toujours plus loin que ce qu’elles veulent bien nous montrer. Quoi qu’on dise et qu’on fasse. Avec Lelouch, le problème est là, ses images sont d’abord les miennes, les miennes parce qu’elles tapent en plein cœur, pleine gueule, en plein ventre, plein bas-ventre, et que je n’aime pas vraiment me voir en peinture sur une toile. Non merci. Bye ! Pas pour moi. Je ne veux pas d’écho, pas de résonnance, aucune réverbération émotionnelle, pas d’effet miroir, pas de surbrillance de mes sentiments, pas de flash-back façon floutée sur quelque aspect de mon existence, pas de mise au point, encore moins de mises au point, pas de mise au point du tout, je ne veux pas que l’on me mette en scène, pas de mise en scène à mon insu, rien de tout ça, rien du tout. Je ne veux pas d’empathie avec moi-même, la pire de toute car elle double la vie, la redouble, la triple et la multiplie même à l’infini. La calque et la surligne. Et la claque en plein soir, comme un clap de fin. Un point à la ligne. J’ai parfaitement conscience de l’incongruité de mes propos : Lelouch, c’est le cinéma du bonheur ! Et de l’amour ! Sans cesse, Lelouch le clame, mode Evangile de Mathieu : « N’ayez pas peur d’être amoureux. » Moi si ! Des yeux, je prends le film de Lelouch Salaud, on t’aime , d’assez loin. Du plus loin possible pour être tranquille, jusqu’au moment où Sandrine Bonnaire s’adresse à Johnny Hallyday : « Je vais tout faire pour ne pas tomber amoureux de vous ! » « Moi pas ! », lui réplique Johnny. Deux phrases, deux mouvements, deux vies, celle d’en face, celle d’en-dedans-de-moi et en deux temps, en une scène et quelques secondes, une même et une seule vie. Soudée. Très difficile à dépêtrer. Une pelote d’émotions tissées à fond sur une seule et même pellicule. Même pas une surimpression ! Une fusion. La vie. Comme si la mienne ne me suffisait pas ! Comme s’il fallait en rajouter ! En redire. Comme s’il fallait la rejouer ! En double ! Mais aussi... comme si l’une avait besoin de l’autre pour exister... Au fond, son cinéma n’était pas pour moi. Je n’aimais pas vraiment son cinéma parce que je n’aimais pas ma vie, vraiment !
Et pourtant... comme si l’une avait besoin de l’autre pour exister. « Et si ce n’était qu’amour », comme l’écrivait Henri Michaux à propos d’un visage qu’on lui a dérobé après qu’il l’eut volé au coin d’un magasin, un visage pour s’y reposer ? Et si quelque chose se cachait dans cet apparent désamour, quelque chose que Lelouch donnerait de tout son cœur et que l’on ne verrait jamais au premier coup d’œil ? Un petit rien qui me reposerait, tiens ! Ce petit quelque chose qui emmerde les critiques depuis des années et que j’aurais aussi fait mien à mon insu, totale insu : une vision du monde parfaitement bien cachée et que ces critiques-là auraient tenté en vain d’élucider parce que toujours articulés aux discours théoriques, empêtrés dans l’évidence terrible de l’image telle qu’en elle-même, englués dans la certitude de leur raison, le cœur oublié ou délaissé, lassé de l’émotion qui emporte tout et le scénario toujours réduit, pensent-ils, à être encore le même. Et encore le même. Le cinéma de Lelouch est de l’évidence mise en forme et mise en forme. Il apparaît tel qu’il est. On le lui a assez reproché. Tellement une évidence qu’il apparaît souvent comme un premier jet, ou plutôt un laisser-filmer , qui a de quoi laisser perplexe en ce qu’il contient la spontanéité de la beauté avant défiguration. Avant explication. Avant conceptualisation. Surtout, avant formalisation définitive, sans appel. Son auteur l’avoue implicitement dans une interview sur Télé Québec en 2011 à propos de Ces amours-là : « J’ai fait que des brouillons. Y a rien de plus beau qu’un brouillon. » Et il conclut, non sans une ironie toute philosophique : « Il va falloir un jour que je mette au propre mon travail ! » Il y a une évidence du brouillon qui fait toute la force du cinéma de Lelouch, une évidence qui tient lieu de vérité absolue de son cinéma parce qu’il est, avant tout, l’expression immédiate d’une redoutable sincérité. Déconcertante sincérité. Si déconcertante que toute explication ne peut que tomber à plat et manquer son but, abolissant cette sincérité comme moteur et ressort émotionnel de l’œuvre de Lelouch. Face à quelques critiques, le 28 mai 1981, sur la Radio Télévision Suisse, il rétorque : « Je n’ai rien compris à ce que vous avez dit ce soir. Vous avez parlé de tout, sauf de cinéma ! » Voici l’une des clés possibles de l’incompréhension de la critique à l’égard de Lelouch : la double volonté de ne pas voir que c’est l’évidence — comme vérité et adéquation absolues entre l’image et le sentiment — qui œuvre en son cinéma et que cette évidence se fonde sur l’absence totale de distanciation entre l’image et le porteur de caméra. Pour une critique adepte d’une espèce de rationalisation souvent « structurale » d’une œuvre cinématographique — quels sont les invariants qui modèlent un film ? — il y a de quoi y perdre un structuralisme qui ne peut que difficilement rendre compte d’une œuvre aussi singulière que celle de Lelouch. Eh oui, chaque scène, chez lui, peut être un film, c’est-à dire qu’elle ne se réduit pas à un pur élément imbriqué dans un autre mais acquiert l’étrange et unique statut d’une « scène en soi ». En réalité, d’un film pour demain. Cette idée de mise en image et de mise en œuvre, donc de mise en scène, Lelouch en a parfaitement conscience, à tel point qu’il l’exprime à l’envers, comme en creux. Presqu’en rupture. En négatif, pour ainsi dire, lors de l’émission de Laurent Ruquier, On n’est pas couché , du 29 mars 2014 : « Dorénavant, je vais tourner tous mes films en continuité. » Et il concède, à propos de Salaud, on t’aime , que « chaque scène a préparé et inventé celle d’après ». Mais la marque de fabrique de cette sincérité cinématographique qui colle l’évidence de l’image, de la parole, de la musique même, à la peau de la vérité d’une scène en soi, tient la route. Et tant mieux, je crois ! Au Festival du film francophone d’Angoulême, Jean Dujardin parle en ces termes du tournage du dernier film de Lelouch et de, précisément, ce qu’est sa sincérité cinématographique : « Là, ouais, j’peux tout dire, encore plus ! Oh oui, pendant vingt minutes ! Si tu veux, chaque scène est le film ! »
Cette sincérité cinématographique, Lelouch la défend et l’affirme à sa manière, avec ses mots, simples et dénués de toute tentative de théorisation intellectualiste. Tout au long d’interviews riches d’enseignements, il rappelle, par exemple dans l’émission de Ruquier citée auparavant, qu’il « n’a jamais quitté l’adolescence », âge de la sincérité, de l’engagement sans autre but que lui-même, âge où le sentiment l’emporte sur la raison, la conviction sur la sagesse et où l’on fait corps avec la naissance de ses désirs. Désirs qui ne cessent d’accompagner Lelouch dans le processus même de sa création cinématographique, désirs mis en images et portés, dans leur immédiateté absolue et totalement nécessaire, par la musique. Alors, rien d’étonnant à ce que le cinéaste ajoute qu’il a le « sentiment qu’on a toute notre vie le même âge ». Et puis, dans un moment de vraie confession, il conclut radicalement sur ce qui le pousse à dire « moteur », en accord parfait avec ce qu’il est en profondeur depuis les années Quarante, au moment où « caché dans les salles de cinéma, j’ étais au paradis 1 », il rappelle son crédo : « Je fais des films sur mon intime conviction 2 ». Voici Lelouch dans toute sa splendeur. Brut de décoffrage. Dénudé de toute explication autre que celle de sa propre vérité. Alors, évidemment, difficile l’expertise de la critique ! S’appuyer sur quoi ? La référence, les références, où sont-elles ? Mais tout simplement, en lui et sur cette sincérité cinématographique qui le contraint à n’être toujours que lui-même. Et justement, encore lui-même. Donc, au bout du compte, c’est toujours le mê

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