Je veux être pingouin

Michèle Letellier

Description

À la loterie de la vie, chacun a sa chance, ses batailles à mener, chacun sa vie, chacun sa mort. Chacun a sa place de clown, de dompteur ou de funambule. Une société de mères porteuses transporte vos ovules dans l’utérus des vaches, mais le troupeau se met en grève et l’enfant veut être pingouin… Je veux être pingouin aborde avec humour, entre sketches et chansons, le grand cirque de la vie, où l’on nous vole notre naissance avec les manipulations génétiques, où l’on brade en permanence notre liberté, où l’on codifie l’Amour et où notre propre mort est l’objet du marché indécent des pompes funèbres.
Créé au Festival d’Avignon en 1981, joué plus de 300 fois à Paris, visionnaire à l’époque, Je veux être pingouin est de pleine actualité aujourd’hui. Extraits de critiques : « Michèle Letellier parle du quotidien imprévisible pour arriver à l’essentiel… La fantaisie et l’intelligence de ce spectacle nous réconcilient avec nous-mêmes… Fable d’humour et d’émotion… Si le thème est grave, le spectacle est franchement drôle, corrosif, impertinent… Un spectacle bien écrit, de l’insolite, de l’original, du mordant… Tendresse et justesse du regard… Paillettes sur fond grinçant. »

Informations

• Publié par: Les Éditions du Net
• Date de parution: 24 avril 2017
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782312051536
• Langue: Français

Extrait

Je veux être pingouin
Michèle Letellier
Je veux être pingouin

LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur (aux Editions du Net)

- RACONTEZ-MOI VOTRE ENFANCE ou Ah ! Laissez-moi mes névroses et reprenez vos endives cuites ! (théâtre)
- AU BOUT DE MA SOUVENANCE (roman)
- AU CLAIR DE LA MORT, MON AMI PIERROT (roman policier)
- CE JEUNE HOMME A TRÉBUCHÉ SUR LE TEMPS… ET QUELQUES NOUVELLES DU JARDIN DES HOMMES (nouvelles)
- LE LIEN INVISIBLE (roman)

© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05153-6
Le succès de « Racontez-moi votre enfance ou Ah ! Laissez-moi mes névroses et reprenez vos endives cuites ! », ma première pièce, m’avait permis de lâcher mon métier de psychologue et de me lancer, à plein temps, dans le théâtre.
J’écrivis, sur la lancée, « Je veux être pingouin » et repris la même équipe : compositeur, comédienne et Philippe Brigaud. Très inspiré par le thème du grand cirque de la vie, il nous concocta une mise en scène poétique et délirante. Une vraie gageure pour les petites scènes sur lesquelles nous évoluions.
Le Festival d’Avignon nous accueillit. Quelle découverte, quelle folie, quel enthousiasme permanent, quel épuisement aussi. Une aventure formidable, qui marque une vie. Nous faisions la parade, chaque jour, sur la place de l’Horloge. Les gens accouraient, le bouche à oreille était excellent.
En 1981, certains sujets, comme les manipulations génériques, étaient avant-gardistes. Les spectateurs riaient, un peu jaune, et se rassuraient : heureusement, ça n’arrivera pas ! Pourtant… On y est. Inspiration prémonitoire ? Ma formation paramédicale et scientifique me faisait pressentir ce qui allait se réaliser dans ce domaine. Il n’y avait qu’à pousser l’imagination un peu vers l’absurde…
Ce spectacle est, donc, toujours d’une brûlante actualité. Les thèmes y sont universels, la folie des hommes éternelle…

Michèle LETELLIER
Spectacle pour deux comédiennes,
sketches et chansons :

- OÙ EST LE BOA ?
- À LA LOTERIE DE LA VIE (chanson)
- MOI, J’FAIS PAS LE TROTTOIR, J’FAIS LE PLATEAU
- DES FOIS QUE JE M’OUBLIE…
- T’ES DEVENU FRAGILE
- EN VOIE DE DISPARITION
- LE PARLOIR
- LA S.M.P.M.S.E
- JE VEUX ÊTRE PINGOUIN
- DE MAL EN PIS
- ET SI JE LEUR OFFRAIS MA COQUILLE ?
- QUOI… L’AMOUR ?
- UN FANTÔME D’ARLEQUIN (chanson)

Durée du spectacle : environ 1h20’

Auteur : Michèle LETELLIER
Chansons : paroles Michèle LETELLIER
musique Loïc ÉTIENNE

Création au Festival d’Avignon, juillet 1981
Et à Paris le 12 octobre 1983 au Petit Casino.
Pour les droits de représentation, contacter l’auteur par l’intermédiaire de son site : www.michele-letellier.fr
Droits d’auteur réservés, gérés par la SACD et la SACEM
Où est le boa ?
ELLE1 arrive par la salle, cherche partout, derrière les spectateurs, remontant vers la scène. Elle effraie un peu le public, croyant le voir là, ou plus loin, ou dans le sac d’une spectatrice…

ELLE1 (aux spectateurs)
Où est le boa ?... Z’avez pas vu le boa ?... Z’avez pas vu passer un boa ?

Levant la tête vers la scène, elle voit ELLE2 qui semble attendre.

ELLE1 (à ELLE2)
Eh !... Z’avez pas vu passer le boa de 9h23 ?

ELLE2
Moi, j’ai raté celui de 7h12, mais j’ai réussi à attraper celui de 8h18. Un sacré spécimen !

ELLE1 la rejoint sur scène
ELLE1
Alors, celui de 9h23 ne va pas tarder. C’est mon préféré. Il m’attendrit.

ELLE2
Surtout depuis qu’ils sont bleus.

ELLE1
Qu’ils sont bleus ?

ELLE2
Ses yeux… Ça lui donne meilleure mine.

ELLE1
Ça fait plus frais.

ELLE2
Ça cache son bec de lièvre.

ELLE1
Ça fait ressortir la plume.

ELLE2
On en oublie sa myopie… Un vrai jeune homme.

ELLE1
Ou une vraie jeune fille. Boa-Boa, comme dirait l’autruche !

ELLE2
Boa-Boa… Très drôle !

ELLE1
N’empêche, il est en retard.

ELLE2
C’est à cause du message.

ELLE1
Quel message ?

ELLE2
Celui que lui a glissé le troisième barreau de la cage aux fauves. Z’avez jamais remarqué qu’il était bizarre ?

ELLE1
Non… Il a du mal à se tenir droit.

ELLE2 se penche vers ELLE1, en confidence- révélation :
ELLE2
C’est un ancien boa raté qui, après avoir mené une vie de bâton de chaise, s’est recyclé dans le camouflage… Il est creux de l’intérieur. Il passe tout ce qu’il veut. Je l’ai surpris, l’autre jour, avec le boa blanc.

ELLE1
Alors ?

ELLE2
Rassemblement général. De tous les cirques, de tous les zoos, de toutes les forêts, les boas se font la malle.

ELLE1
Ils s’en vont où ?

ELLE2 (chantonnant sur l’air connu, comme un code)
Dans les plaines du Far-West, quand vient la nuit…

ELLE1 (même jeu)
Boa-Boa…
Silence pesant. Puis, réalisant :
C’est une blague ?

ELLE2
Ce n’est pas une blague… C’est la guerre !

ELLE1
Les boas sont en guerre ?

ELLE2
Parfaitement ! On fait des sacs avec leur peau. Il y a de quoi combattre, non ?

ELLE1
Vous avez raison, moi je serais boa… J’en aurais la chair de poule.

ELLE2
L’autre jour, Ginette arrive…

ELLE1
Ginette ?

ELLE2
La copine à ma sœur… Le petit boa grincheux, vous savez ?... Il voit le sac de Ginette, il est devenu vert.

ELLE1
Le sac ?
ELLE2
Non, le boa.

ELLE1
Il a toujours été vert.

ELLE2
Il a changé de vert.

ELLE1
Je n’ai jamais remarqué qu’il porte des lunettes.

ELLE2
Il a changé de couleur… Il était furieux, quoi ! Il a d’abord voulu l’étouffer…

ELLE1
Le sac ?

ELLE2
Non, Ginette !... Je le voyais gonfler ses petits anneaux, gonfler ses petits muscles, mais quand on se trouve face à Ginette…

ELLE1
On hésite !

ELLE2
Il a renoncé.

ELLE1
Évidemment !

ELLE2
Alors, il est allé se pelotonner près du sac et est entré en extase, fasciné par le sac… comme en prière.

ELLE1
Prière pour un petit frère qui a fini en gibecière, amen. C’est émouvant.
Elle s’enroule machinalement un boa de plumes autour du cou.

ELLE2
Qu’est-ce que c’est que ça ?

ELLE1
Rien, une doublure !... Mais, dites-donc, si les boas sont en guerre, moi je connais des déserteurs. Il y a trois jours, le petit boa jaune, celui de 10h10… Il est venu, une fois de plus, me supplier de le cacher

ELLE2
Mais comment ? 3m60 de boa, ça ne se dissimule pas facilement.

ELLE1
Il veut que je l’avale. Rien de plus facile, dit-il. Évidemment pour lui !

ELLE2
Il a voulu vous faire avaler une couleuvre.

ELLE1
Non, il était sérieux. Je crois plutôt qu’il est en pleine régression orale.

ELLE2
Alors ?

ELLE1
Je lui ai expliqué que c’était aussi difficile pour moi que si je voulais lui apprendre à faire de la couture.

ELLE2
Il a compris ?

ELLE1
Comment coudre ?
ELLE2
Non, votre refus.

ELLE1
J’espère. Je lui ai dit que j’étais absolument contrite, mais que…

ELLE2
Il a dû rire !

ELLE1
Pourquoi ?

ELLE2
Contrite… un boa… constrictor.

ELLE1 (sans comprendre)
Il a montré les dents. Et il est reparti en glissant silencieusement. À mon avis, c’est un espion.

ELLE2
Attention au complot !

ELLE1
Il a déjà un lourd passé de terroriste. Les trois dompteurs, l’an passé, c’était lui. Gobés entre deux coups de fouet et un roulement de tambour.
ELLE2
Et le rapt du petit jongleur ? Balles comprises.

ELLE1
Sans compter la grève des serpents de cirque et de zoos qu’il avait déclenchée, il y a deux ans, sous prétexte qu’on l’avait changé de cage et qu’il ne pouvait plus voir Zippy, la petit chèvre dont il était amoureux…

ELLE2
L’amour cannibale… Il l’avalait un jour sur deux. On la délivrait. Il la ravalait. Il a fallu intervenir 126 fois, les gardiens en avaient assez.

ELLE1
Pauvre Zippy ! Depuis cette histoire, elle est traumatisée à vie par tout ce qui rampe. Même la vue d’un ver de terre lui provoque une crise aigüe d’hystérie.

ELLE2
Pauvre