Rameau
229 pages
Français

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Description

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) n'est pas simplement le grand musicien du XVIIIe siècle, ni même l'illustre théoricien de l'harmonie moderne. C'est un penseur très original qui a développé une intuition sublime qui l'a accompagné toute sa vie : l'ouïe est à l'origine de l'entendement parce que le son est le véhicule physique de la conscience, de sorte que c'est en analysant la structure fondamentale du son que l'on peut dévoiler les clés qui ont permis la naissance des idées, le développement des civilisations, l'émancipation des sciences et des arts.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 50
EAN13 9782296802643
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rameau
Un musicien philosopheau siècle des Lumières
Univers Musical Collection dirigée par Anne-Marie Green
La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse concernant le domaine musical.
Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveil la réflexion sur l’ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués.

Déjà parus
Franck FERRATY, Francis Poulenc à son piano : un clavier bien fantasmé , 2011.
Augustin TIFFOU, Le Basson en France au XIXe siècle : facture, théorie et répertoire , 2010.
Anne-Marie FAUCHER, La mélodie française contemporaine : transmission ou transgression ? , 2010.
Jimmie LEBLANC, Luigi Nono et les chemins de l’écoute: entre espace qui sonne et espace du son , 2010.
Michel VAN GREVELINGE, Profil hardcore , 2010.
Michel YVES-BONNET, Jazz et complexité. Une compossible histoire du jazz , 2010.
Walter ZIDARIČ, L’Univers dramatique d’Amilcare Ponchielli , 2010.
Eric TISSIER, Être compositeur, être compositrice en France au 21ème siècle, 2009.
Mathilde PONCE, Tony Poncet, Ténor de l’Opéra : une voix, un destin , 2009.
Roland GUILLON, L’Afrique dans le jazz des années 1950 et 1960 , 2009.
H.-C. FANTAPIÉ, Restituer une œuvre musicale , 2009.
Christian TOURNEL, Daniel-Lesur ou l’itinéraire d’un musicien du XXe siècle (1908-2002) , 2009.
Franck FERRATY, La musique pour piano de Francis Poulenc ou le temps de l’ambivalence , 2009.
Christophe CASAGRANDE, L’Energétique musicale , 2009.
Françoise ROY-GERBOUD, La musique comme Art total au XXe siècle , 2009.
Jean-Paul Dous
Rameau
Un musicien philosopheau siècle des Lumières
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54321-8
EAN : 9782296543218
« Tout se tient dans l’esprit »
Goethe
L’assomption
Tout le monde connaît de nom Jean-Philippe Rameau, né en 1683, mort en 1764 : présenté pour la postérité comme le plus digne représentant de la musique française à l’époque classique (sorte de second Jean-Baptiste Lully ayant vécu sous le règne de Louis XV), Rameau est considéré généralement comme le plus grand musicien français avec Claude Debussy, et, plus largement encore, comme un des grands maîtres de la musique occidentale.
Si avantageux soit-il, ce portrait d’artiste est cependant bien incomplet. Rameau fut aussi un grand théoricien de la musique: sur une période de quarante ans, il écrivit des traités de musicologie qui ont fait de lui, jusqu’à ce jour, le fondateur de l’harmonie moderne. Un peu à l’image de Marin Mersenne, l’ami de Descartes, qui, le siècle précédent, multipliait les échanges avec les hommes de science, il s’intéressa aussi à l’acoustique musicale, débattant ou correspondant avec les principaux savants de son temps : d’Alembert, Maupertuis, Dortous de Mairan, Fontenelle, Réaumur, Euler, Bernoulli, Cramer, Wolff. Rameau fut à la fois un artiste et un scientifique, à la manière d’un Léonard de Vinci ou d’un Goethe.
Pourtant, cette étiquette de musicien savant ne touche encore que l’écorce du personnage : loin de se cantonner à la stricte musicologie, ses recherches théoriques relevaient plutôt d’une quête de sens spirituelle. Toute sa vie, une intuition, perçue très tôt, dès sa jeunesse, le poursuivit, qu’il s’efforça de clarifier jusqu’à sa mort: l’ouïe est à l’origine de l’entendement parce que le son est le véhicule physique de la conscience, de sorte que c’est en analysant la structure fondamentale du son (ce qu’il appelle le corps sonore ) que l’on peut dévoiler les clés qui ont permis la naissance des idées, la formation des pensées, la constitution des langues et, conséquemment, l’apparition des sciences et des arts.
Loin de constituer une fin en soi, la théorie musicale représenta donc pour Rameau le moyen d’étayer cette intuition. Pourtant, paradoxalement, tant son œuvre musicale que son travail musicologique occultèrent cette ambition : dégager scientifiquement les principes d’une métaphysique de l’ouïe ou, plus exactement, d’une métaphysique du son .
Tant que ses travaux musicologiques, axés sur une approche rationnelle de l’harmonie, paraissaient conforter l’esprit du projet de l’Encyclopédie, Rameau put collaborer, dans le cadre de ses recherches, avec les personnages clé du monde intellectuel du siècle des Lumières : les pensionnaires de l’Académie royale des sciences (Mairan et Maupertuis notamment), les figures évoluant dans le milieu encyclopédique (d’Alembert et Diderot en particulier). En revanche, dès que ses intuitions transparurent davantage dans ses textes, contrariant le matérialisme et l’agnosticisme qui étaient alors en vogue, Rameau fut progressivement déjugé par ces mêmes interlocuteurs, puis marginalisé comme intellectuel pendant les dix dernières années de sa vie, alors même qu’il continuait à être encensé comme artiste.
Il faut dire que, autodidacte comme Léonard de Vinci (personnage avec lequel il partage bien des accointances), Rameau eut toutes les peines à exprimer clairement ce qu’il entrevoyait. Apparaissant un peu comme un clerc moyen-âgeux au siècle des Lumières, il fut, en dépit d’un soutien notable du public, discrédité tant des artistes qui déconsidéraient ses prétentions intellectuelles que des philosophes qui déjugeaient ses obsessions métaphysiques. Mais il assuma la dignité d’être lui-même, tout entier, de faire face, seul, à une pensée unique qui était le produit de la révolution culturelle du XVIII° siècle, et de suivre le fil de ses intuitions jusqu’au bout. A ce titre, et plus que nul autre, de par cette fidélité admirable à sa nature, Rameau représente pour nous, avec le recul, l’esprit véridique des Lumières, auquel l’avait initié intellectuellement Descartes, qui fut son véritable père spirituel.
Bien entendu, il y eut des raisons objectives à ce rejet: la Querelle des bouffons, sur le plan politique, joua évidemment son rôle ; la personnalité rugueuse du compositeur aussi, contribuant par exemple à ce que lui soit ôtée la protection dont il bénéficiait auprès de son ami d’Alembert, le jetant en pâture à ses diffamateurs les plus acharnés (parmi lesquels Rousseau). Mais, plus centralement, la raison du blocage fut ontologique : sans qu’il s’en rendît compte tout à fait, Rameau bénéficiait d’une intuition spirituelle exceptionnelle, lui permettant de saisir spontanément des vérités essentielles. Tout le problème est que cette ouverture d’esprit ne pouvait être à l’époque reçue, le projet culturel de l’Encyclopédie, en effet, étant de tout ramener à l’humain, réduisant l’horizon de l’intelligence au strict registre de la rationalité, assimilant la métaphysique à de l’irrationnel pur et simple. C’est pourquoi le milieu intellectuel dominant de l’époque prit majoritairement les intuitions de Rameau pour du délire, sans autre forme de jugement, l’imputant même (comble d’injure) à son grand âge.
Ce constat de cruauté nous semble d’autant plus intéressant à relever que tous ceux qui se penchent, de nos jours, sur le cas intellectuel du musicien français continuent de s’imaginer que ses intuitions relèvent de l’élucubration pure et simple. C’est en ce sens que ce travail de réhabilitation de l’intelligence de Rameau nous paraît non seulement utile mais actuel , car il est clair que, pour nous tous, il ne peut y avoir de construction durable, pour l’avenir, sans une assomption positive de ce qui nous a été légué.
LIVRE PREMIER
Un clerc au siècle des Lumières
CHAPITRE I – L’amnésie
UNE STATUETTE MISE EN VITRINE
Tous les historiens de la musique l’attestent : sur le plan musical, Jean-Philippe Rameau a été oublié par les Français pendant près de deux siècles: son oeuvre disparaît du répertoire de l’Opéra vers la fin du XVIII° siècle, un peu avant la Révolution de 1789, pour réapparaître dans la seconde moitié du XX° siècle, en dépit de courtes retrouvailles au début du même si

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