Restituer une oeuvre musicale
240 pages
Français

Restituer une oeuvre musicale , livre ebook

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240 pages
Français

Description

C'est le parcours de la composition devenue oeuvre-objet avant d'être une oeuvre restituée, médiatisée, publique et partagée que nous propose Henri-Claude Fantapié, chef d'orchestre, compositeur, pédagogue et musicologue. Il considère l'oeuvre musicale à chacun de ses niveaux, dans chacune des disciplines de la composition, de l'interprétation, mais aussi comme auditeur.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 280
EAN13 9782296238398
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PREFACE
« Abstraire une vache pour en tirer du lait et tirer de ce lait le portrait d’un brin d’herbe que la vache a brouté. »(Jacques PREVERT,La pluie et le beau temps : Art abstrait)
Est-il envisageable, souhaitable, possible, de donner vie à une œuvremusicale de telle façonqu’elleressemble à la composition qui a été imaginée par son auteur, qui que ce soit et quelque soit le genre de musique, le style, l’époque ?Que serait une interprétationexacteet quels en seraient les critè-resd’authenticité ?Faut-il d’ailleurs rechercherà reconstituer fidèlementce qu’on imagine avoir étésa première exécution (privée, publique, approuvée par le compositeur ou donnée par lui-même, restituée par un enregistrement sonore) ?Au-delà, faut-iltenter de retrouver ce qu’on croit être la conception virtuelle du compositeur, avantqu’ilne couchel’œuvre sur le papier et, dans ce cas, selon quels critères objectifs ? Ou peut-on se contenter d’essayer simplementde réaliser le plus fidèlement possible ce qui est écrit sur la page ?
Le mode de transmission directle plus courant d’une œuvre de musique reste, de nos jours (et pour combien de temps ?), le support papier de la partition et donc la transcription du monde imaginaire du compositeur par le biais de l’écriture et d’une sténographie musicale qui n’est qu’unetranslation imparfaite et incomplète de sa pensée, sorte de squelette qu’il faut habiller de sa chair et de ses habits et à laquelle il faut donner vie. Pour cela, l’interprète dispose de ses instruments personnels: son éducation musicale et ses connaissances, ses facultés d’analyse et de synthèse et ses qualités propres, critiques, techniques et
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imaginatives. Pour se nourrir, il peut également puiser dans toutes les iŶfoƌŵatioŶs Ƌui ĐoŶĐeƌŶeŶt l͛œuǀƌe et Ƌu͛il pouƌƌa ƌĠuŶiƌsous le contrôle ou en tenant compte de témoignages directs du compositeur, en suivant ses écrits, ses enregistrements ou ceux de ses interprètes favoris, les souvenirs des interprètes de son époque, les analyses de contemporains, les traités théoriques et techniques, Ƌu͛ils soieŶt d͛ĠpoƋue ou de spĠĐialistes aĐtuels. C͛est de la sLJŶthğse de tous Đes paƌaŵğtƌes ;et de ƋuelƋues autres encoreͿ Ƌu͛ilpourra tenter de donner naissance à un analogon de Đe Ƌu͛oŶ pouƌƌait appeleƌ leconceptdel͛œuǀƌe daŶs sa plénitude, c'est-à-dire que partant duconcept imaginé (par le compositeur) et en passant par le filtre de la partition écrite, l͛œuǀƌe ǀa ǀiǀƌe une existence sonore et temporelle, éphémère ƋuaŶd il s͛agit du ĐoŶĐeƌt, pĠtƌifiĠe loƌsƋu͛elle est eŶƌegistƌĠe, en tous cas uniqueă ĐhaƋue fois Ƌu͛ellerenaît dansl͛espaĐe etle temps. Comment en arrive-t-on là ?
Résumé (très) accéléréet (particulièrement) simplifié deschapitres précédents
Il était une fois ce qu’on appellera beaucoup plus tard un musicien (compositeur, interprète, exécutant…), qui émit des sons ou des bruits, plus ou moins organisés, pour invoquer une divinité, pour accompagner le travail ousimplement parce qu’il était heureux (ou malheureux) et ne trouvait pas les mots pour le dire. Plus tard, beaucoup plus tard,un autre eut l’idée de les ordonnancer et ces bruits devinrent des hauteurs, des rythmes et des timbres qu’ilassembla selon son idée.Ce germe de ce qui devenait une musique organisée, se transmettaitoralementet mémorialementet des savants, convaincus des vertus de la musique, commencèrentà théoriser cetacte.Pour jouer cette musique, qu’elle soitreligieuse ou profane, il fallait des chanteurs et des instrumentistes en plus des compositeurs-interprètes qui jouaient leurs propres œuvres.
Rapidement, le nombre de musiciens et de chanteurs e augmenta et, dans le courant duXVIIIsiècle ces instrumentistes s’organisèrenten ensembles et familles instrumentales. L’orchestre, dans son acception moderne, naquitalors.Le compositeur-interprète va alors partager ladirection de cette formationavec un ou plusieurs codirecteurs.Parallèlement, il va confierses œuvresà des interprètes, plus spécialisés et virtuoses etqui, parce qu’ils sont peut-être moins capables de créer, deviennent des médiateurs et des diffuseursd’œuvresde collèguesabsents ou moins qualifiés instrumentalement (ou vocalement).L’invention de l’imprimeriepermit égalementà d’autresmusiciens, en des contrées lointaines, d’avoir accèsaux œuvres nouvelles, en des lieux où les habitudes musicales étaient
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très éloignées de celles de la cité du compositeur. Mais, depuis longtemps, insidieusement, la trahison, se répandait. Car en réalité, elle existait dès l’origine. Entre la conception idéale, dans la pensée du compositeuret l’exécution par lui-même, il y a déjà un monde. L’interprétation de l’œuvre rêvée est soumise à tout un contexte déformant qui gauchit la pensée originale. La technique instrumentale (vocale) du compositeur peut être en cause, son évolution technique et stylistique dans le temps également, tout comme les qualités de son instrument (de savoix, de son ensemble instrumental).Les caractéristiques acoustiques du lieu, la qualité de l’accueil des auditeurs, celle des éventuels autres participants, l’état d’esprit dans lequel le musicien se trouveà cet instant donné, tout concourt à faire d’une interprétation un instant unique, qui ne se renouvellera jamais d’une manière identique.Plus grave, le fait de devoir traduirel’œuvre imaginée sur une feuille de papierpuis de la jouer à partir de celle-ci ajoute à la trahison. Je ne dirai rien del’histoirede lanotation musicaestle, qui passée par des stadesaussi différents que lanotationalpha-bétiqueounumériquede l’antiquité grecque,neumatiqueet byzantinedu hautMoyen-âge, des débuts de la notation diastématiquepuisproportionnelledu second Moyen-âge, et de leurs particularismes locaux ou temporaires, et je partirai de la partition écrite selon les principessolfégiquesqui se sont e répandus au XVIIIsiècleavec lagénéralisation d’un vocabulaire qui reste, aujourd’hui encore, notre modèle de référence.
Plustard encore, le compositeur s’étant éloigné, dans l’espace ou le temps, seule demeure cette partition qu’un interprète découvre, derrière des signes graphiquesqui n’ont d’autre signification que celles qu’on voudra (pourra) bien leur attribuer.Il ne possèdealors, pour les comprendre et les interpréter, que son bagage scolaire etartistique, des traités, souvent contradictoires, des on-dit, des soi-disant ‘traditions’. C’est avec ce bagage qu’il pourra reconstituer une œuvre qu’il appréhenderaforcémentà la lumière de sa propre époque et avec le sens critique et les moyens qu’il a lui-même forgés et appris auprès de ses maîtres. Comment rapprocher son interprétation de
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