Chroniques d'Elles - Vol. 2

Jeanne Desaubry

Description

Elles racontent leurs quotidiens faits de riens qui constituent cependant un univers.

Sujets

• Littérature
• Couple
• Famille
• Chronique

Informations

• Publié par: Ska Éditions
• Date de parution: 21 juin 2013
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9791023402131
• Langue: Français

Extrait

Jeanne Desaubry

Chroniques d’ Elles Volume 2 _______ Nouvelles Collection Mélanges

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A tire d’Elles

Ces micro nouvelles flashent des instantanés de vies féminines, exclusivement. Des femmes : jeunes ou vieilles, malades, aigries ou optimistes, alcooliques ou artistes, pleines d'illusions ou de chagrins, mère attendrie, amoureuse comblée, surprises dans un moment d'abandon ou de crainte. Ce « pointillisme littéraire » obéit à des règles strictes : chaque texte compte environ mille mots, ne comporte ni nom, ni dialogue. Une narration clinique, attachée aux détails, ceux qui comptent.

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Elle, belle

Elle est parfaite. Sa silhouette harmonieuse est soulignée par un maillot de bain d’une simplicité hors de prix. Un catogan court rassemble des cheveux blond cendré, la peau dorée luit d’un doux éclat satiné. Sur fond de pelouse verte, avec les parasols jaunes qui cernent l’eau de la piscine, elle incarne la perfection des vacances réussies. Les femmes ne s’y trompent pas qui la surveillent d’un coin d’œil jaloux. Quant aux hommes, ils la contemplent sans vergogne au moment où elle fait glisser sa robe de bain le long du corps. Les deux beaux enfants blonds qui parlent doucement, qui rient en sautant dans l’eau, n’ont laissé aucune trace sur le ventre plat, sur les seins hauts et fermes.

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Dès sa plus tendre enfance, elle a appris à se tenir droite. Tout le temps. Elle ne crie jamais. Sa voix est modulée dans la précision, la douceur et la clarté. Elle n’a jamais proféré la moindre grossièreté en public. On sait, rien qu’en la voyant, que sa maison est impeccable : absence de poussière et bouquets de fleurs fraîches. Ses robes lui ressemblent. Pas de faute de goût. Simplicité et bon ton. Un rien d’audace parfois dans la longueur ou le décolleté, mais jamais, non jamais de vulgarité ! Ce n’est pas seulement génétique. Sa mère avant elle avait ainsi incarné la féminité et lui a transmis, par l’exemple avant tout, ce niveau d’exigence et les moyens d’y parvenir, d’y rester. Ses admirateurs masculins n’imaginent ni la discipline inflexible, ni la rigueur qu’implique cette perfection. Les femmes autour de la piscine le savent, elles. L’homme posé sur la chaise longue voisine n’a pas sourcillé. C’est à peine si, la 4

voyant arriver, il lui a jeté un regard clairement indifférent. Elle est là qui le contemple. Son homme, beau, mince, bronzé. Sur sa poitrine soigneusement huilée, des boucles de poils luisent au soleil. Elle y pose une tendre main amoureuse. Comme elle se penche pour l’embrasser, il s’écarte vite, le baiser à peine toléré. Il a dans sa ligne de mire le cul d’une petite garce de seize ans qui depuis tout à l’heure l’aguiche. Elle joue au ballon en poussant des cris exagérés et l’a déjà éclaboussé deux fois. Pour admirer la cellulite qui frémit quand elle sort du bassin pour récupérer le ballon, il s’est écarté de sa femme. Dans un calme tranquille, elle confirme que la partie de tennis de demain est réservée.

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