Contes pour enfants précoces et adultes infantiles
49 pages
Français

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Contes pour enfants précoces et adultes infantiles , livre ebook

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Description

Entre le conte et la nouvelle, des récits nostalgiques, étranges, initiatiques, qui reflètent une atmosphère surannée et parlent de l’enfance et de la mort.

Informations

Publié par
Date de parution 15 décembre 2022
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312129839
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Contes pour enfants précoces et adultes infantiles
Laurence Guillon
Contes pour enfants précoces et adultes infantiles
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12983-9
Avoir des ailes
Aux abords de Paris vivait un petit garçon qui s’y était toujours senti étranger bien qu’il n’eût jamais connu d’autre endroit. Il était toujours pâle, il avait des allergies et des angines, il s’ennuyait et dépérissait et ses parents s’en apercevaient à peine : quand ils ne travaillaient pas, ils étaient bien trop occupés à se disputer.
Le petit garçon avait un rêve : il aurait voulu avoir des ailes, pour s’élancer vers le ciel, vers ces énormes gouffres bleus qu’il voyait s’ouvrir entre les crevasses des nuages. Il regardait les oiseaux qui planaient et s’y perdaient, argentés et minuscules. Et son cœur qui s’élançait à leur suite retombait d’autant plus lourdement dans sa poitrine, comme une pierre.
Lorsqu’il était seul, il fermait les yeux et étendait les bras et il faisait semblant de voler, dans la cour de l’école, dans le jardin public, le long des rues. De la sorte, un jour, il faillit se faire écraser par une grosse voiture noire. Le chauffeur se porta au secours de l’enfant qu’il avait heurté. Le petit garçon n’avait pas de mal : seulement des bleus et un genou couronné. À l’intérieur de la voiture se tenait une petite vieille dame aux cheveux tout blancs. Elle portait un manteau de velours lilas et plusieurs rangs de perles autour du cou : « Dis -moi, mon garçon, demanda-t-elle, comment t’appelles-tu ?
– Je m’appelle Pierre, madame.
– Petit Pierre, pourquoi marches-tu les yeux fermés dans la rue, c’est terriblement dangereux…
– C’est que, madame, lorsque je ferme les yeux et que j’étends les bras, je me prends pour un oiseau et je rêve que je m’envole dans le ciel.
– Voilà un très beau rêve, petit Pierre. Et maintenant me croiras-tu, si je te dis que je suis une fée ? »
Pierre avait toujours pensé que les fées étaient jeunes et jolies. La dame n’était plus jeune mais on ne pouvait dire qu’elle ne fût pas jolie, avec ses cheveux comme un nuage blanc autour de sa figure ridée mais claire et rose, aux yeux violets étincelants. « Oui, répondit-il, je vous crois.
– Eh bien alors rentre chez toi et attends que tes ailes poussent. Quand elles auront poussé, tu jetteras une de tes plumes au vent, si tu as besoin de moi, et j’accourrai. »
Pierre rentra chez lui raconter son aventure à ses parents qui se moquèrent de lui : « Cette vieille s’est payée ta tête et s’en tire à bon compte. »
Et de fait, petit Pierre n’avait pas les ailes promises.
Cependant, au bout de quelques jours, il s’aperçut qu’il était gêné pour dormir sur le dos et que ses omoplates pointaient bizarrement. Il le fit remarquer à sa mère qui haussa les épaules : « C’est une idée que tu te fais. »
Au bout d’une semaine encore il devint évident que quelque chose se produisait : les chandails de Pierre étaient déformés par deux étranges protubérances. À l’école, on le regardait drôlement. « Ce sont mes ailes qui poussent », expliquait-il joyeusement mais personne ne semblait le croire et finalement, sa mère l’emmena chez le docteur.
Celui-ci l’examina attentivement, prit des radios et, d’un air grave, demanda si, dans la famille, des cas semblables s’étaient déjà produits : « Oh non docteur, protesta la mère du malade d’un ton offensé, c’est la première fois que nous voyons cela, qu’allons-nous faire ? »
Le docteur répondit qu’il fallait amputer Pierre de ses ailes si l’on voulait qu’il redevînt un petit garçon normal, et il se mit à écrire une lettre pour le chirurgien de l’hôpital. Pierre éclata en sanglots : « Je ne veux pas qu’on me coupe les ailes ! » s’écria-t-il. Mais sa mère le regarda sévèrement : « Qu’est ce que c’est que ces histoires ? Les ailes ne sont pas faites pour les enfants ! Tu te vois aller à l’école avec ta paire d’ailes ? Déjà tout le monde te regarde et l’institutrice m’a fait honte de ne pas m’être occupée de cela plus tôt ! »
Pierre ne répondit rien : il voyait tout à coup très clairement qu’il ne pouvait attendre d’aide de personne, sauf de la vieille fée qui lui avait fait ce cadeau encombrant. De retour chez lui, il s’en alla dans sa chambre, se mit tout nu pour regarder, dans la glace de l’armoire, ses ailes naissantes. Elles étaient blanches et lui allaient très bien. Il arracha une petite plume et ouvrit la fenêtre. Le vent soufflait fort entre les immeubles, il l’enleva vite, haut et loin.
***
Le lendemain, en sortant de chez lui pour aller à l’école, Pierre aperçut la longue voiture noire de la vieille dame. Il faisait encore nuit, mais l’habitacle était éclairé et Pierre pouvait distinguer, dans un flacon de verre accroché entre deux fenêtres, un bouquet de toutes petites roses. La fée lui fit signe d’une main scintillante de bagues. Il s’approcha et le chauffeur lui ouvrit la porte. Alors, dit la vieille dame, les ennuis commencent déjà ?
– Ils veulent me couper les ailes ! S’écria Pierre, essoufflé par l’angoisse.
– Allons faire un tour, proposa la vieille dame.
– Et l’école ? protesta Pierre.
La vieille dame haussa les épaules : « Que peut-on bien apprendre de gens qui ne songent qu’à vous couper les ailes ? »
Effectivement, pensa Pierre et il se laissa aller sur le dossier de la banquette moelleuse.
La voiture traversa la banlieue et s’en alla vers la campagne. Les maisons se raréfiaient et Pierre voyait apparaître de grands champs ridés et bruns, des bois roux et dorés, d’énormes nuages dont les ombres bleues couraient à fleur de terre. Il en avait des démangeaisons dans les ailes.
La voiture s’arrêta dans la cour d’un petit château en ruines et la vieille dame en sortit, aidée par son chauffeur. Son manteau de velours glissa et Pierre vit avec stupéfaction, sur sa longue robe de dentelles mauves, s’allonger deux grandes ailes grises : « Tiens, vous en avez aussi ? s’exclama-t-il.
– Naturellement. Et pourtant, on me les a coupées plusieurs fois. Cela fait très mal mais Dieu merci, en principe, elles repoussent toujours. »
La vieille dame occupait la seule tour intacte du château en ruines. Le chauffeur leur servit le thé et des petits gâteaux puis il alla se coucher sur un gros coussin en ronronnant. La vieille fée hocha la tête, comme pour l’excuser, et le toucha du bout de sa canne : il se transforma aussitôt en un vieux chat tigré aux moustaches blanches. Pierre applaudit et prit le chauffeur sur ses genoux. Le piano jouait tout seul un air mélancolique et des dizaines de bougies tremblotaient sur un lustre de cristal. La fée avait beaucoup de livres ; Pierre n’en avait jamais vu autant et surtout, n’en avait jamais vu de tels : quand on regardait les dessins qui les ornaient, on voyait bouger les arbres, tomber la pluie, se mouvoir les personnages, comme s’ils étaient vrais, et l’on pouvait même converser avec eux. « Tu vois, Pierre, expliqua la vieille dame, être une fée et avoir des ailes, c’est bien mais l’on est souvent tout seul. Alors on lit de plus en plus et l’on devient de plus en plus seul et de plus en plus fée.
– Je ne veux pas être seul, décréta Pierre.
– Eh bien, il te faut donc trouver l’âme sœur.
– Qui est-ce ?
– La princesse dont tu seras le roi.
– Où la trouverai-je ?
– Cela , je ne le sais pas, sinon, je serais princesse ou reine et non pas fée. Mais ce que je sais, c’est qu’elle aura des ailes, comme toi. »
La vieille dame se leva et monta par un escalier en colimaçon tout en haut de la tour. Pierre la suivit. Le vent soufflait et les gros nuages bleuâtres glissaient dans le ciel, comme d’énormes et molles fleurs au fil d’un fleuve sans limites. Le soleil éclairait les bosquets de feux jaunes et brefs. Pierre monta sur le créneau. Il avait le vertige, mais ses ailes s’ouvraient d’elles-mêmes et froissaient le vent qui lui sifflait aux oreilles. Il s’élevait en tournoyant et la vieille dame étincelait au-dessous de lui, de toutes ses perles et de toutes ses bagues.
***
Pierre monta si haut que toute la ville lui apparut, comme un amas de pierres bleues pailletées de vitres et grouillantes de lumières. Il fila le long de l’autoroute, regardant courir son ombre sur les voitures et les camions. Puis il survola son jardin public, rasant de l’aile les canards du lac et les enfants qui faisaient des pâtés de sable : « Je vole, je vole ! » criait-il aux mères épouvantées qui s’enfuyaient en poussant leurs landaus et tirant leur marmaille.
Il vit au dessous de lui le toit de son école et ses camarades qui jouaient dans la cour fermée par des grilles. Comment avait-il pu jouer lui-même dans un espace aussi petit et aussi triste, avec ces trois malheureux arbres cernés par le goudron, ces maîtres et ces maîtresses qui déambulaient l’air ennuyé, ces gamins surexcités qui hurlaient ? Une vraie prison, une vraie maison de fous !
« Je vole, je vole ! » s’écria-t-il, en regardant tournoyer son ombre sur la foule des écoliers. Une grande clameur lui répondit : « Ouh, ouh, ah, ah ! » Il ne pouvait dire si on l’appelait, si on riait ou si on le huait, mais toute l’école ressemblait à une fourmilière éventrée, les maîtres et les maîtresses agitaient les bras dans tous les sens, entraient, sortaient, surgissaient aux fenêtres, déboulaient sur le toit en lui faisant des signes. Plus personne ne pourrait dire qu’il avait menti, qu’il n’avait pas d’ailes, que la vieille fée n’existait pas et Pierre, jubilant, s’apprêtait à atterrir quand il ressentit une brusque douleur au front et vit, perché sur un arbre de la cour, Grégory du café d’en face qui le visait avec sa fronde : il lui tirait dessus, comme il tirait sur les moineaux, et les autres riaient et lui fournissaient les cailloux.
Pierre, d’un coup d’ailes, se mit hors d’atteinte sur le toit de la tour voisine pour reprendre haleine. Il entendait à présent les sirènes de la police et des pompiers et voyait clignoter leurs gyrophares. Pourquoi la police, pourquoi

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