Course lente en Pyrénées
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Course lente en Pyrénées , livre ebook

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Description

Nous sommes en 1972. Le récit nous plonge au cœur du Pays Toy et plus particulièrement dans le village de Gèdre, dans une maison pleine de vie qui en sera le camp de base. À partir de là, l’auteur reprend une définition du Pyrénéisme de Henri Beraldi, « Le pyrénéisme traduit une façon d’être et de ressentir la montagne ». Sa réalité rayonne dans notre pensée comme ces horizons surnaturels qu’on voit quelquefois au fond de nos rêves.
Tout au long du récit il nous présente des personnages attachants, historiques qui ont marqué la vie de la vallée et bien au-delà. Sa rencontre avec un ancien guide de Gavarnie nous plonge dans les réalités d’un été 1943 au cours duquel le passage des clandestins a confirmé les valeurs des pyrénéistes. Mais le cœur du livre nous tient souvent en apnée pour atteindre le fameux trois-mille, une conquête qui marque une étape importante pour chaque jeune pyrénéiste.
Cette course lente n’est pas seulement une marche pour atteindre un sommet, mais aussi une ambition pour préserver l’oeuvre de la nature qui est à la fois artiste et alliée de l’art.
La course lente en Pyrénées permet d’affirmer que si l’humilité pouvait se dessiner, ce serait ici, au pied de la montagne.

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029012075
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Course lente en Pyrénées
Denis Garnier
Course lente en Pyrénées
Les Éditions Chapitre.com
31, rue du Val de Marne 75013 Paris
Du même auteur


Libérez-vous ! De l’économie contre le travail , éditions Le Manuscrit, 2011
L’hôpital disloqué , éditions Le Manuscrit, 2011
Travail : des traumatismes à l’espérance , éditions Le Manuscrit, 2014
Les Pacific’acteurs, Voyage conflictuel à Saint-Pierre-et-Miquelon , édition Chapitre.com, 2014
Si l’humilité peut se dessiner, c’est ici, au pied de la montagne
Le pyrénéisme
Il fut défini par Henri Beraldi {1} en 1898 :
« C’est le fait de savoir à la fois ascensionner, écrire et sentir ». La notion, parfois discutée et réduite à une équivalence avec « l’alpinisme », ne saurait selon nous se limiter à l’ascension, voire à l’exploit sportif.
Elle englobe l’idée de découverte d’un espace géographique précis dans ses divers aspects humains, scientifiques et culturels, la perception de la nature en étant elle-même la résultante.
Le pyrénéisme traduit une façon d’être et de ressentir la montagne.

P REMIÈRE PARTIE : Retour en Pays Toy

Enfin Gèdre
Nous sommes le vendredi 30 juin 1972, il y a cinquante ans. Premier jour des vacances scolaires. Après quatre heures de voyage, la voiture dépasse le panneau de l’entrée du village. Sur la droite, en contrebas, cinq maisons bordent la route principale. Elles affichent un ensemble triste, aux murs gris et délavés. Des barrières de chèvrefeuille, d’un mètre de haut, délimitent leurs jardins abandonnés. Des masures en piteux état. Les toitures trouées, les ardoises décalées, les vitres des lucarnes cassées, les trous noirs des embrasures sans fenêtres, les volets en biais tenus par un seul gond et les murs fendus par de larges fissures, témoignent d’un renoncement. Au cœur de la commune, il n’existe pas d’autre maison abandonnée. De l’autre côté, à gauche de la rue, le grand hôtel-bar-tabac des Pyrénées. Il domine l’entrée du village. Les propriétaires possèdent aussi la boucherie, un autocar réservé aux transports dans la vallée et le fils tient une petite épicerie aux prix qui flottent au gré des saisons.
Au pied de la rue principale, sur la droite, une porte cochère surmontée d’un plein-cintre en pierres grises des Pyrénées, abrite l’entrée de l’épicerie de Louise ; « Au gagne-petit ». Madame Louise a dû fêter ses soixante-dix années il y a bien longtemps. Tout le monde l’appelle « La Louise ». Appuyée sur sa canne en buis, elle accueille les clients d’un mot aimable. Un geste de la main en signe de bonjour. Son sourire embellit les rides de son visage. Coiffée d’un foulard noir, elle prolonge ainsi le deuil de son défunt mari. Il était capitaine au long cours dans la marine marchande, dit-on dans le village. Il serait mort en mer, il y a quarante ans de cela, sans revoir sa Louise.
Le temps ne semble pas avoir de prise sur elle. Toujours la même. Toujours au même endroit. Le châle de laine sur les épaules recouvre les nombreuses pelures et la protège du froid. Ses congénères disent d’elle qu’elle superposerait plus de sept épaisseurs de liquettes sous son châle. Une invraisemblance, au regard de sa frêle silhouette.
La porte en bois aussi grise que les murs, s’ouvre sur le hall d’entrée mal éclairé. Il donne accès à la boutique. Une pièce de quinze mètres carrés, éclairée par une simple ampoule pendue sous sa coupole d’acier blanc. La petite fenêtre carrée, versée sur la rue, lui permet d’observer l’approche des clients. Au fond, dans la pénombre, sur un comptoir en bois vermoulu, se trouve d’un côté une caisse enregistreuse aux allures d’une machine à sous, de l’autre, une balance Roberval aux plateaux de cuivre ternis par le temps. Seuls les poids en laiton rangés à côté, renvoient leurs reflets dans l’obscurité de la pièce. Au bord de la cheminée, deux coffres en bois. Sur l’un d’eux, repose un sac de pelotes de laine et les manches d’un tricot en cours de confection avec des aiguilles en croix. L’hiver, elle se chauffe par deux bûches, aussi croisées que ses aiguilles. Elles suffisent à l’entretien d’une petite flamme et réchauffent l’ambiance. Les clients s’en amusent.
– Z’avez pas froid la Louise, lance un habitué qui n’a quitté ni son écharpe, ni son bonnet en la saluant.
– Oh non, jeune homme, répond-elle au monsieur qui doit compter dix ans de moins qu’elle. J’ai allumé un feu. J’aurai près de dix degrés en soirée… Je pourrais finir mon tricot.
– Dix degrés s’exclame-t-il… ben c’est pas mon Yvonne qui support’rait ça !
– Le froid conserve, répond-elle de sa voix claire que les années n’ont pas froissée.
Sur les murs latéraux, les étagères à la peinture écaillée supportent les conserves, sucre, farine, café, boîtes d’allumettes. Des bonbons et diverses épices s’entassent dans un panier sur un présentoir. Il pourrait avoir l’âge de la propriétaire. Un gros sac de pomme de terre en toile de jute repose à même le sol. À gauche de la porte d’entrée, un garde-manger au fin grillage protège les fromages du pays.
La Louise est toujours belle. Son regard vif s’ouvre aux autres. Il n’enferme pas l’air cupide de ceux qui mirent la bourse de leurs clients. Il reste curieux de la personne et attentif aux souhaits de ses fidèles clients. Elle recherche toujours le bon service qu’elle peut rendre. Les Gédrois lui achètent les produits de première nécessité pareils aux donateurs des bonnes œuvres.
Tous les jours, dans l’après-midi, à la suite de la sieste de Louise que tout le village respecte, la Jeanne vient lui rendre visite. Elle doit être plus jeune que Louise. Qui sait ? Son abord est bien moins agréable pour ne pas dire désagréable. Les rides de son visage pourraient se comparer aux cernes d’un arbre qui décomptent les années. Ses petits yeux plantés au fond de ses orbites surmontées d’épais sourcils lui donnent le regard d’une fouine. Son nez crochu n’arrange pas le portrait. À ses côtés, Cruella passerait pour une miss. Elle rapporte les cancans du village dans lequel Louise ne se déplace plus. Pas besoin de journal, de radio ou de télévision. Elle s’assoit sur l’unique chaise en face du comptoir pendant que Louise se pose sur le coffre proche de la cheminée, tricote au chaud et l’écoute.
Tout y passe. Le sermon du curé le dimanche matin qui s’écarte de l’évangile ; la jeune touriste qui aguiche les hommes du village ; les travaux de la route qui prennent du retard à cause des fainéants d’ouvriers ; les Bordelais qui s’emparent du pays et achètent les granges et qu’elle surnomme les doryphores ; l’épicier d’en face qui monte ses prix, même pour les gens du village.
La Jeanne discourt sur les gens, parfois au-delà des vomissures des écrivailleurs de la mauvaise presse. Elle marmonne le français et patoise dans un timbre de voix proche de celui d’une crécelle. Elle enchaîne les évènements à vive allure. Seule la Louise peut encore suivre, voire la supporter. Il semblerait même que les gens du village préfèrent changer de trottoir plutôt que d’engager la conversation avec elle. Son physique peut engager un mouvement de répulsion. L’écouter aurait pu la rendre sympathique. Tous les jours à dix-huit heures, après avoir acheté quelques bricoles, elle boucle son monologue ainsi : « Allez, la Louise… faut que j’m’en aille. J’va préparer mon souper ».
Nous rendrons visite à Louise. Il nous manquera bien des allumettes et quelques pommes de terre. Nous irons après dix-huit heures.
Derrière la poste, au fond d’une impasse bordée d’un mur coquille d’œuf, se dresse la maison de Pierre et de Margot. Pierre, c’était l’ami. Nous louons sa maison. Un personnage de roman à la voix caverneuse, rocailleuse, puissante. Il roulait les « rrrrr » comme personne. Son large béret tombait sur le côté pareil à celui des Landais. Il dissimulait trois millimètres de cheveux clairsemés ; ils apparaissaient chaque fois qu’il croisait une dame ; c’était un homme aux bonnes manières. Sous les sourcils en broussailles, son regard rieur semblait toujours prêt pour une farce. Il imposait. Il devait dépasser le quintal. L’organisation des dernières chasses à l’ours dans la vallée relevait des initiatives de Pierre. Il racontait ses exploits aux enfants du village. Sa voix sépulcrale embellissait l’intrigue du récit et captait tous les sens d’un jeune public figé, semblable aux statuettes du musée de Lourdes. L’intrigue de l’ours féroce aux énormes griffes qui menace, accompagnait la poésie de l’isard aux élégantes cavalcades.
Il y a quatre ans, il m’invita. Il s’agissait de taquiner la truite avec sa canne à pêche, derrière l’hôtel de la grotte . Un endroit ombragé au fond duquel, d’entre les rochers, une cascade se déverse dans un large bassin. Un ponton métallique facilitait l’approche au plus près d’un spectacle unique ; le bal des truites ! Chaque minute, une truite bondissait des eaux qui tourbillonnaient. Elle tentait de franchir le déversoir. Il voulut m’initier aux gestes du bon pécheur. Il eut beau me montrer la technique du lancer, l’hameçon côtoyait davantage le feuillage que la surface de l’eau. La leçon fut interrompue lorsque la truite qu’il venait de pêcher, s’échappa de l’épuisette qu’il m’avait confiée. Sans se fâcher, il me fit comprendre que je n’avais peut-être pas les dispositions d’un grand pêcheur. Il n’y aura pas d’autre leçon.
« Sa disparition eut un douloureux retentissement dans tout le pays, tout au long de la vallée, du gave de Gavarnie, à Lourdes, dans les vallées adjacentes et les au-delàs, ainsi que chez toute la famille pyrénéenne. Lors des obsèques à Gèdre, le 3 octobre, plus d’un millier de personnes s’étaient rassemblés auprès de sa veuve et des siens. L’assistance était tellement nombreuse que l’église de Gèdre n’en put contenir que la moitié environ.
Point n’est besoin de longs discours pour exprimer le vide que sa disparition a créé à Gavarnie et aux environs.
C’est que Pierre Vergez n’était pas seulement un étonnant Montagnard ; mais surtout, il y avait chez lui l’expression de qua

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