Fachinèira
53 pages
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Fachinèira , livre ebook

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Description

Il est des rencontres que l’on regrette à jamais...

Fachinèira, fée noire, ombre fascinante ; vue partout et présente nulle part. Elle est de ces créatures que l’on invoque pour mieux les conjurer. Son nom flotte dans les esprits et ouvre les frontières d’une autre réalité, entre imaginaire et perfidie.

Pourtant, personne ne la connait vraiment.

À part une vieille conteuse du Velay.

Mais qui sait quels autres secrets cache cette femme ?

Alice Grèzes, jeune journaliste de l’Essor de la Haute-Loire, la contacte pour écrire un article sur les légendes locales. Rien ne l’avait préparée à la suite.


TW : transphobie, paranoïa, violences.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 septembre 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782492240652
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FACHINÈIRA
La fée noire
Il est des rencontres que l’on regrette à jamais.
Par Orezza d’Antes
© Orezza d’Antes, 2022
© Éditions Octoquill, 2022
Pour la couverture
© Inda Ashes Art

Tous droits réservés.
Dépôt Légal : 3 ème trimestre 2022
Le présent ouvrage est protégé par le Code de la Propriété Intellectuelle. De ce fait, toute reproduction partielle ou totale est interdite sans l’accord de l’éditeur et de l’auteur.
Attention :
Le présent ouvrage est un récit horrifique comportant plusieurs scènes graphiques. Il aborde également des questions sensibles telles que la transphobie et la paranoïa.
Prologue
Fachinèira, fée noire, ombre fascinante ; vue partout et présente nulle part. Elle est de ces créatures que l’on invoque pour mieux les conjurer. Son nom flotte dans les esprits et ouvre les frontières d’une autre réalité, entre imaginaire et perfidie.
Fachinèira ! murmure-t-on en se signant, lorsqu’une silhouette ténébreuse se dessine au détour d’un chemin forestier.
Fachinèira ! dénonce-t-on entre soi, pour causer méchamment de la vieille qui erre en marge du village. Celle à qui on demande de l’aide tard le soir, en cachette de ses voisins, parce qu’elle connait les plantes et les démons, mais à qui on n’avouerait jamais parler.
Fachinèira ! Fachinèira ! scande-t-on ensuite, bravache, bave de mépris au coin des lèvres, pour évoquer ces femmes qui ne sont pas « comme les autres », ces êtres souillés ou aberrants, hors l’église, celles dont on ne veut pas et dont on dit qu’elles font tourner le lait rien qu’à toucher l’écuelle, pour pouvoir mieux les chasser.
L’insulte perce toujours sous les atours de la noire enchanteresse, sans que l’on sache où finit l’imaginaire et où commence la réalité. Derrière les viles perfidies du quotidien et les bassesses du genre humain que cache opportunément le nom fourre-tout, personne ne se donne la peine de le savoir. On parle cependant souvent de la fée noire au coin du feu lors des veillées, ces moments de rencontres et d’échanges à la mauvaise saison où l’on se reçoit pour s’écouter cancaner dans les fermes isolées de Haute-Loire.
Dehors, la burle souffle depuis les hauts plateaux du Mezenc, à vous écorcher les lèvres de ses volutes de baisers glacés, levant tourbillons de neige et endiablant les flocons qui virevoltent dans l’air.
Après l’argent qui manque toujours — parce qu’on est pauvres par définition dans ce coin de France, et que nul ne songerait à étaler ses richesses sous peine de déclencher les potins — vient l’heure des contes et des légendes. Ces histoires dont on ignore si elles sont vraies ou fausses, car elles sont arrivées si près d’ici à des gens que l’on connait, ou presque.
Alors, on les répète, et on les enjolive au passage, sans penser à mal, pour se divertir et aussi pour tenir les jeunes, plus particulièrement les filles, ces têtes de linotte vite amourachées et déshonorées. Peu importe la vérité. L’essentiel est que les écervelés des deux sexes y croient. Loup-garou, Drac, poltergeist, tout est bon pour les intimider. Comme à l’église quand on leur parle de damnation éternelle à la moindre faute ou pensée coupable.
Le moment aide tout particulièrement.
Repus de victuailles et de libations, les corps se serrent autour de l’âtre béant de pierres sombres, sur des chaises brinquebalantes, et les oreilles se tendent sans en avoir l’air. Pour une heure ou deux, les corvées qui abrutissent, usant les dos et les mains, sont abolies. Dans les lueurs rougeoyantes du feu, les voix chuchotent le nom des êtres maléfiques qui guettent ceux qui ne font pas comme les autres. À leur suite apparait celui maudit entre tous. Celui de la fée noire. Il crée le frisson, édifiant les esprits sur les filles de « mauvaise vie », celles qui se sont perdues par leur comportement marginal, celles qui ont préféré choisir leur voie plutôt que de se conformer à ce qui était attendu d’elles.
Puis, les conteurs se taisent, roulant des yeux entendus, de peur d’attirer la ténébreuse enchanteresse dont l’aura assaille déjà les âmes de ses miasmes ensorcelés. Qui sait de quelle magie, cette terrible et mystérieuse Fesica , la Fachinèira pourrait user pour « enfachiner » les bavards qui ont dévoilé ses secrets les plus inavouables ? Prière de Saint Expédit à l’envers ? Sortilèges du crapaud ou des œufs ?
On raconte tant de choses sur les exactions de cette vilaine femme ! Une femme sans homme, sans famille, sans enfant, une honte, une paria ! Voilà tout ce qu’elle est, tout ce que sa « mauvaise vie » en marge des gens « bien » lui a apporté. Elle s’est desséchée de l’intérieur, le cœur crevé de misère humaine, de solitude et de haine.
Et, lorsque vient le temps de se séparer, on se quitte en regardant autour de soi, l’œil aux aguets, terrifié par une branche dans le vent dont le profil rappelle un serpent à tête de chat, ou par le craquement des bois de résineux que l’on traverse sur le chemin du retour vers sa ferme.
Qui sait si la Fachinèira ne s’y cache pas pour envouter et jouer ses mauvais tours ?
1.
« Conjuration : par le feu, écarte l’esprit de l’hiver. Fuis-le, car il est ta perte. Dans l’obscurité, la fée noire sommeille. Elle attend que s’ouvre la brèche, avide d’âmes et de corps. »
— Livre d’ombres et de Fesica.
— Qui peut le bien peut le mal. Qui peut le mal peut le bien…
Les derniers mots de madame Cubizolles au sujet de la Fachinèira se répètent dans l’esprit d’Alice Grèzes, jeune journaliste missionnée par L’Essor de la Haute-Loire pour un article sur les légendes locales. Cette grand-mère, isolée depuis la disparition de son petit-fils deux ans plus tôt, possède un vrai talent de conteuse. Elle l’a accueillie ce soir pour une veillade, autour d’un bol de soupe, de tranches de lard blanc et de fromage aux artisons, avant de lui livrer pêle-mêle, au gré de sa fantaisie, des années de souvenirs et de récits.
Maintenant qu’elle se tait, dans la lumière tremblante de l’âtre gigantesque de sa ferme de famille où elles ont trouvé refuge pour enregistrer son reportage, la jeune femme ne peut s’empêcher d’observer le visage à peine marqué par les rides de la vieille dame. Un effet du grand air et du savon de Marseille qu’elle a toujours utilisé pour sa toilette, selon l’intéressée. Elle lui a fièrement asséné un peu plus tôt qu’elle proscrivait de sa peau toutes les coquetteries onéreuses, crèmes de prétentieuses comme maquillage de filles de joie.
En entendant cette répartie outrancière, Alice ne s’y est pas trompée. Sa fibre féministe a vibré d’un mauvais frisson.
Plus qu’un non-sens dermatologique et esthétique, la précision de l’attaque marque l’héritage de l’éducation reçue ; le genre de restrictions invalidantes inculquées aux filles pour les tenir, dans ce coin de campagne reculé. Dans les esprits, une femme « bien » n’attire pas l’attention. Une fille « bien » non plus. Elle est discrète et docile avant le mariage. Économe et bonne ménagère aussi, pour plaire aux maris potentiels. Elle ne s’encombre pas de fanfreluches ni de coquetteries.
Habituée à entendre ce genre de discours dans la bouche des « anciens » et des gens « bien », la jeune journaliste n’en a pas été surprise, juste peinée. Elle venait de complimenter son hôte pour son teint frais et légèrement rosé, en dépit de ses quatre-vingts ans bien passés. Elle pensait lui faire plaisir, tout en étant sincère.
Grave erreur !
Sa gentillesse lui a été retournée avec aigreur sur un ton sentencieux. La duègne s’est autorisée à lui rappeler les règles à propos des femmes, notamment la nécessité d’éradiquer leurs penchants à la vanité pour qu’elles restent à leur vraie place. Un poison lent et acide de mots et de remontrances moralisatrices, généreusement distillé par les familles. Surtout par les mères et les grand-mères chargées de perpétuer « la bonne éducation » chez leurs descendantes.
À présent, les yeux sombres de la vieille se perdent dans les flammes, explorant un temps révolu connu d’elle seule, et de quelques autres mémoires vivantes de ce Velay ancien.
— J’espère que toutes ces histoires vous ont plu ? interroge la conteuse, sortant soudain de ses pensées, comme si sa diatribe précédente ne comptait pas. Il est rare que l’on me les demande encore. Les jeunettes n’ont plus besoin de ça, maintenant… Il y a internet et les téléphones. Elles savent tout ! Ou, du moins, elles le croient. Plus personne ne vient me voir. En plus, en partant, mon petit-fils ne m’a rien laissé… Ni bru ni descendance ! Si ce n’est pas malheureux. Chienne de vie, va !
Un coup de tisonnier dans le feu ponctue sa rancœur, embaumant l’air chaud d’odeurs de bois de pin brûlé et de charbon.
Gênée par l’invective et le relent de colère, Alice ne répond d’abord pas.
Que dire à cette femme âgée, veuve, endeuillée, et délaissée dans ce coin de montagne austère ? Elle n’aime pas sa mentalité et sa tyrannie morale qu’elle devine à ses saillies, mais comprend sans peine son amertume et sa résignation acerbe devant sa destinée.
— Vous pourriez enregistrer des vidéos avec ces légendes et les mettre sur YouTube ! propose la jeune journaliste avec le sourire, pour dévier la conversation sur un terrain plus positif. Je suis certaine que cela marcherait et que vous feriez plein de connaissances de cette façon !
— Quoi faire ? hoquète la vieille, interloquée.
— Enregistrer vos histoires et les diffuser sur internet…
— Ah non, non ! Pas de ça chez moi. Les ordinateurs, ça coûte cher et ça consomme de l’électricité ! Et moi, je n’y comprends rien à toutes ces touches ! En plus, la mère Chouvier qui m’amène le pain et mon épicerie m’a dit que ça émettait des ondes, comme ces satanées antennes de téléphone ! Alors, pas question ! Je ne veux pas attraper un cancer du cerveau à vivre à côté d’un ordinateur ! Tout ça pour parler à des individus dont on ne sait rien. Jamais de la vie !
Haussant les sourcils d’étonnement devant cette réaction imprévue et absurde, la jeune journaliste choisit la diplomatie en guise

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