Insomnies
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Insomnies , livre ebook

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Description

« J’ai enfin commencé à écrire un soir d’insomnie. Depuis le temps que j’en rêvais. Sur la surface hideuse j’ai osé poser la pointe divine. Elle était glaciale, comme à son habitude. Puis dans un mouvement sec, elle a tranché. Merci, mon séjour fut charmant. On entendait tomber la neige… » Il en résulte ce recueil, débutant par la prise de la plume et se terminant par une révolution. Entre les deux : l’émotion. Brute. Toutes les émotions. Mais quelle que soit la direction empruntée, une chose fondamentale reste inchangée : on y plonge fiévreusement et tout entier, jusqu’au bout et même au-delà ; s’abandonnant avec fureur et intensité pour en explorer les recoins les plus secrets, quitte à se perdre au cours du voyage dans les fractales d’un paysage sensoriel bâti de poésie.

À PROPOS DE L''AUTEURE

Céline S. Henry est née à Istanbul en Turquie en 1990, d’un père turc et d’une mère française. Elle grandit en France puis s’installe en Suisse pour suivre ses études d’ingénieur, qu’elle complète ensuite avec un doctorat en neurosciences. Elle découvre l’écriture en 2014 et autopublie son premier recueil de poésie, Foreigner, sous le nom de Selin Anil. Elle reprend la plume en 2019 pour donner naissance à Insomnies.

Informations

Publié par
Date de parution 21 mai 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782889492688
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Céline S. Henry
INSOMNIES


À mes parents

Le monde secret lové entre le jour et la nuit regorge de tant de vie ! Un monde à part, pas tout à fait dans l’éveil ni vraiment dans le sommeil ; un monde débordant de trésors, refuge d’une beauté sensible dérobée ; un monde où bourgeonnent avec délice des univers entiers ; un monde où naissent, fleurissent et flétrissent des personnages hauts en couleur, des émotions chamarrées, où se développent des histoires fulgurantes et cristallisent des images flamboyantes de clarté. Des images inédites, exacerbées par la fatigue lancinante, apparaissant comme grossies sous une loupe déformante qui semble rendre saillantes des caractéristiques jusque-là jamais révélées. Soudain l’image s’impose, plus équivoque que le galimatias d’émotions informe dont elle jaillit. Soudain l’image semble être la source même de tout, à elle seule plus limpide que tout autre forme de ressenti et d’expression. Elle se dresse comme une évidence et n’exige qu’à être (d)écrite par la plume esclave de l’auteur.
L’auteur, docile servant, apprend alors à se laisser guider au cours des insomnies. Les filtres se lèvent, la logique faillit, les barrières chavirent et la porte des possibles s’ouvre. La conscience enfin baisse la garde et laisse ainsi le loisir à l’image autonome de cristalliser des états intérieurs jusqu’alors inexplicables et inexpliqués, comme séquestrés. De la même manière que la plus infime particule primaire déclenche la cristallisation d’un fluide métastable : une fois que l’image a décidé que son temps est venu, les éléments se mettent en place à une vitesse foudroyante, dans une évidence éblouissante.
Alors l’auteur s’empare de la plume. Exilé au creux de ces heures tues qui n’existent que pour les rares âmes sachant les accueillir, il offre son corps dans cet état tiers à la délivrance des images dans le tangible. En les couchant non seulement il leur donne naissance, mais également les pérennise ; si bien que, dès le moment même de leur genèse, elles s’inscrivent dans le domaine sécurisé interdit à l’oubli. Alors après, seulement après, après l’enfantement le sommeil est possible. L’esprit est soulagé de cet état obsédant auquel il était assujetti ; il est libéré, rincé sans avoir pour autant pris le risque d’égarer l’essence de la substance qui l’accablait : la boue qui le souillait ou le nectar qui le colorait, et qui maintenant teinte harmonieusement une paisible page de cahier. Alors pour une nuit au moins, l’esprit à nouveau serein et léger enfin peut en un souffle se dissiper dans le sommeil.

À présent, je souhaiterais partager avec vous, lecteurs, un voyage. Je vous invite à un itinéraire à travers mes images : des instants d’amusement ou d’effondrement, des rebondissements et des plongeons le long des pérégrinations de la vie ; des suspensions, des fêlures et des fragments de beauté qui garantissent que l’émerveillement jamais ne s’épuisera. Je vous invite, chers lecteurs, à un voyage dans le brut de l’émotion.

À Tania

J’ai commencé à écrire un soir d’insomnie. Il était tard et j’avais des choses à dire. Et personne pour les écouter. Alors je me suis emparée de ce vieux stylo, celui au fuselage rouge scintillant estampillé du nom de cet institut psychiatrique bourré d’incompétents. Un peu comme un cadeau sournois, rappelant à chaque liste de course, chaque post-it destiné à la porte du frigo la douleur nourrie de honte tassée sous l’oubli ; comme un souvenir de parc d’attractions ou d’hôtel de luxe qui crierait : « N’oublie pas notre histoire passée ! » Merci, mon séjour fut charmant.
Et pourtant ce stylo, j’aurais pu m’en séparer, depuis le temps. Des stylos, distribués à tout va par les compagnies d’assurances, banques et autres activités tertiaires, il y en a à la volée. Certes, ils manquent de panache, pleurent tous leur sempiternelle encre bleue ou noire de leur tube en plastique bon marché marqué lui aussi de leur parenté. N’oublie pas l’histoire qui fut la nôtre ! Ils sont là, nombreux, dans un coin ou l’autre de l’appartement, vestiges de rendez-vous passés, tant qu’ils ont encore un filet de bave à cracher ou une dernière larme à verser – et parfois même longtemps après, pour des raisons mystérieuses que je ne m’aventurerai pas à tenter d’expliquer, au risque de m’éparpiller. Mais celui-ci, ce stylo bleu au fuselage rutilant n’appartenait simplement pas à la même race. Il était aussi unique dans la population de stylos de ces compagnies d’assurances qu’un pinceau l’aurait été au milieu des crayons. Tout d’abord, il avait ceci de spécial qu’il était en métal, assurant ainsi au bout de l’index une surprenante fraîcheur d’une constance exemplaire. Mais sa particularité résidait véritablement en sa veine. Une veine chargée d’un sang noble qu’il savait distiller avec la parcimonie de ceux qui dévoilent un trésor, avec une grâce et une mesure, résultat d’un mariage étrange entre une fierté à peine cachée et une réticence des plus jalouses. Sa pointe effilée assurait un frottement exagéré sur le papier, qui, semblait-il aux doigts gouvernant ladite torture, marquait un franc sillon, profond mais si étroit qu’il s’apparentait plutôt à une entaille. Et de cette lame acérée l’encre précieuse ainsi déposée avec avarice conférait à l’écriture la plus médiocre une élégance quasi-divine. Cela ne laissait aucune place au doute, il s’agissait d’un stylo d’exception. Merci, mon séjour fut charmant.
J’ai donc commencé à écrire un soir d’insomnie. Il était tard et j’avais des choses à dire. Et personne pour m’écouter. Équipée de mon stylo, je me suis emparée du petit cahier à la couverture rigide ornée de volutes nacrées violettes, qui s’est toujours imposé à moi comme l’allégorie même de la hideur, et que je conservais malgré tout pour la seule raison évidente qui fait que l’on conserve ces choses que l’on abhorre – raison imposée par un constat empirique indéniable, ce qui par ailleurs ne la légitime en rien : il s’agissait d’un cadeau. Et, par un souci de cohérence qui poussait l’abjection jusqu’à de coupables extrêmes, les lignes imprimées sur ses pages jouissaient d’une ergonomie à l’absurdité stupéfiante, si bien que mes premiers écrits, un soir d’insomnie, ont marié en quelques mots le sublime de la lame à la bassesse du corps ainsi signé.
J’ai enfin commencé à écrire un soir d’insomnie. Depuis le temps que j’en rêvais. Sur la surface hideuse j’ai osé poser la pointe divine. Elle était glaciale, comme à son habitude. Puis, dans un mouvement sec, elle a tranché. Merci, mon séjour fut charmant. On entendait tomber la neige.
Émotion
Nous.
Nous ne vivons pas dans le même monde.
Nous nous mouvons à travers la vie
Comme un personnage à travers un roman,
Nous brodons notre chemin au sein d’une symphonie de notes.
Nos mains, désespérément à la recherche de chairs
Ne rencontreront jamais qu’emplâtres bariolés,
Somptueuses vibrations et mouvements délicieux.
Nos yeux, perçant les surfaces matérielles comme invisibles,
Décèlent nichée dans les plus infimes fractales du monde
Sa beauté jalouse et secrète.
Et lorsqu’il arrive à d’autres d’être émus, nous,
Nous explosons.
Nous nous décomposons. Nos notes se délient, nos lettres pleurent
Lorsqu’elles se heurtent à ce qui semblerait le plus banal,
Le lisse le terne le gris dont tant semblent ignorer le
Chatoiement exquis.
Alors nous volons en éclats,
Hurlant les mots, inondant de notes, éclaboussant de peinture
Le monde alentour.
Celui qui nous colle obstinément à l’âme comme une camisole.
Et malgré la déflagration
Reste immuable.

Nous sommes le drame, nous sommes la poésie.
Nous sommes l’intense rendu vivant.
Nous sommes
L’émotion.
Evanescence
À Thomas B.

Blotti au fond d’un corps cassé
Parce que la fortune n’eut rien de mieux à offrir.
Regard tordu tête penchée,
Il avançait, le garçon.

Et chaque jour à coups de bras ouverts,
Plantant sa plume en quelque cœur étranger
Se libérait de sa gangue traîtresse
Et il flottait, le garçon.

Ainsi d’une vie mille autres
Payant de son âme le loyer,
Léger comme un souffle
Heureux comme un souvenir,
Enfin, il s’envola
Le garçon.
Génération terrorisme
Imperceptiblement, la peau tiède et rosée se détend,
Étirée par l’inexorable écoulement
De cette chair liquéfiée,
Contaminée par la tête et son poison.

Cette tête surdimensionnée,
Enflée aux coups de vos violences creuses
Telle un noyé centenaire
Gonflé par la pourriture du temps.

Et ce cœur qui se voulut d’orfèvre –
Fut-ce par naïveté ou par vanité ? –
Finement ciselé,
Façonné de patiences
Et de forces insoupçonnées ;
Ce cœur –
Celui-là même dont vous eûtes enfin raison –
Ce cœur,
Ironie grinçante d’une vengeance volée
Ce cœur maintenant
Privé même de son ultime battement.

Comme glacé au fond d’un souvenir.
Naissance du bébé zèbre
À Adrien

Recroquevillé au fond d’un œuf
Devenu trop exigu au long des années essoufflées ;
Un œuf aux coquilles stériles et impénétrables,
Si nombreuses qu’on a oublié depuis longtemps de les compter
Renforcées chaque jour par la sédimentation du monde,
Comme pour s’assurer de ne jamais laisser paraître
L’embryon déjà trop vieux
Qui pourrit et macère dans son bain d’ignorance.

Exsangue, le corps malade et étriqué
D’avoir grandi malgré lui ; flétri,
Du pas hésitant mais enjoué de l’enfance,
Il se fraie un chemin à travers les gravats.
Tout ce temps il avait oublié
Qu’il n’attendait qu’une permission.
Alors les coquilles ont cédé sans résistance aucune
À l’écho bienveillant venu embrasser les parois de la

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