L Apprentissage de l incertain
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L'Apprentissage de l'incertain , livre ebook

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Description

« Lorsque j'ai obtenu mon diplôme de l'École des Mines, je ne savais rien faire de mes mains. Rien d'étonnant à cela : j'étais un pur produit de la pédagogie française. J'ai pris conscience qu'il serait utile d'apprendre aux élèves à mettre la main à la pâte : éduquer les futurs ingénieurs en leur inculquant d'abord les sciences par une approche expérimentale, les envoyer sur le terrain, leur faire enfiler le bleu de travail de l'ouvrier, leur faire partager les préoccupations du technicien, les associer aux problématiques de l'état-major, préparer des ingénieurs ingénieux. Je ne savais pas alors que Robert Germinet accorderait à mes opinions l'attention de quelqu'un qui avait longtemps réfléchi à ces questions. Il a introduit à l'École des Mines de Nantes l'apprentissage par l'action. Grâce à une série d'expérimentations réalisées par l'élève dans le secret de sa chambre, cette méthode sème la valeur de l'interrogation, le souci de l'observation, le sens de la créativité. » Georges CharpakRobert Germinet, docteur en physique, est directeur de l'École des Mines de Nantes et directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement des Pays de la Loire.

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 1997
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738162878
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

©  O DILE J ACOB, OCTOBRE  1997 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6287-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préface

Ce livre, véritable profession de foi, a été écrit par le directeur d’une école d’ingénieurs fraîchement sortie du sol, à Nantes. Ma participation à son inauguration, en 1995, m’a permis de découvrir une structure architecturale d’accueil somptueuse sans être luxueuse et un dirigeant inattendu : Robert Germinet. Son ambition était de répondre aux besoins du développement de l’industrie et à l’intérêt des élèves en tournant le dos, si nécessaire, aux traditions les mieux ancrées des grandes écoles françaises d’ingénieurs.
Lorsque j’ai obtenu mon diplôme de l’École des mines dans le Paris de l’après-guerre, je ne savais rien faire de mes mains. Ce n’est donc qu’une fois entré dans la vie active à vingt-quatre ans, et non au début de mes études à dix-neuf ans, que j’ai entamé mon apprentissage. Rien d’étonnant à cela, j’étais un pur produit de la pédagogie française : la somme des connaissances théoriques transmises par mes professeurs. La guerre qui avait gravement perturbé mes études était-elle responsable de ce déficit de sens pratique ? Non, car les ingénieurs français qui m’ont suivi n’étaient guère différents. Les années que j’ai passées au CERN où venaient travailler des ingénieurs de tous les pays m’ont fourni, de ce point de vue, un excellent observatoire et m’ont conduit au constat suivant : si les diplômés français étaient parfois des érudits à la tête bien pleine, leur incapacité totale à réparer un matériel en cas de panne les condamnait à travailler en tandem avec un technicien supérieur. Leurs collègues allemands, en revanche, n’hésitaient pas à retrousser leurs manches et à jouer du fer à souder.
J’avais donc conscience qu’il serait utile de modifier la logique pédagogique en vigueur dans les universités et les écoles scientifiques.
Je ne savais pas alors que Robert Germinet accorderait à mes opinions l’attention de quelqu’un qui avait longtemps réfléchi à ces questions et qu’il était décidé à agir aussitôt qu’un objectif clair serait en vue.
Je lui avais expliqué l’intérêt que je prenais à l’expérience que menait alors Leon Lederman à Chicago, pour réformer radicalement l’enseignement dans les écoles publiques américaines. Elle s’appuyait sur une pédagogie scientifique expérimentale appliquée dès l’âge de cinq ans.
Je lui parlai aussi de l’expérience similaire, menée à Pasadena, dans la banlieue de Los Angeles. Elle était dirigée par un physicien de la prestigieuse école américaine d’ingénieurs Caltech (California Institute of Technology), située aussi à Pasadena. Il entendit, avec intérêt, que ce physicien, frappé par la puissance de la méthode pédagogique appliquée aux enfants, avait décidé que les élèves de première année de Caltech tireraient aussi grand bénéfice d’une approche similaire pour leur introduction à la physique. Huit jours après, Robert Germinet était à Caltech pour « voir ». Il décida de passer à l’action et me fit penser à ces sprinters qui partent avant le coup de pistolet.
Je fus rassuré lorsque je vis qu’il avait mis la « main à la pâte » dès son retour et avait décidé, avec un groupe d’élèves volontaires et quelques enseignants, d’expérimenter immédiatement cette méthode d’enseignement à l’École des mines de Nantes.
Quelques mois plus tard, pour la rentrée d’octobre, je fus invité à examiner le bilan de cette démarche. Les acteurs s’étaient convaincus de son bien-fondé et les mesures étaient prises pour la généraliser à tous les élèves de première année.
À l’heure de la construction européenne, à l’heure où l’industrie française noue partenariats et alliances aux quatre coins de la planète pour renforcer ses positions, il me paraît donc vital de modifier notre logique pédagogique. Qu’attendent les décideurs dans le contexte concurrentiel de plus en plus âpre qui est le leur ? Ils veulent s’appuyer sur des ingénieurs dotés de l’intelligence des situations, autrement dit, des hommes capables de comprendre un problème concret et d’agir sur celui-ci, ce qui suppose qu’ils possèdent à la fois l’intelligence de l’organisation et l’intelligence de l’objet. Ce n’est en effet qu’en combinant les deux qu’un ingénieur crée du neuf. Un produit peut bien obéir à la technologie la plus extraordinaire, il ne parviendra à s’imposer sur le marché que s’il correspond à la demande latente de celui-ci et si le processus industriel mis en œuvre permet une fabrication constante.
Depuis quelques années, les écoles d’ingénieurs ont ainsi élargi leur spectre d’enseignement aux questions d’organisation de l’entreprise. On a donné aux élèves des clés de gestion, on les a aidés à décoder la langue juridique, on les a initiés à la gestion des ressources humaines, on les a sensibilisés au marketing. C’est bien mais c’est nettement insuffisant, car les élèves apprennent en res tant claquemurés dans leurs amphis et leurs salles de cours. Il faut rompre avec cette logique, envoyer les futurs ingénieurs sur le terrain, leur faire enfiler le bleu de travail de l’ouvrier, leur faire partager les préoccupations du technicien, les associer aux problématiques de l’état-major si l’on veut faire d’eux des ingénieurs vivants et ingénieux. Je ne crois pas qu’il soit indispensable que celui qui commande soit plus âgé ou plus expérimenté que les autres. Il importe surtout qu’il soit novateur et sûr de son pouvoir.
Les écoles doivent le comprendre et proposer à leurs élèves un apprentissage par la pratique industrielle. Pour en faire des hommes responsables, elles doivent les responsabiliser très tôt au lieu de les materner, et leur offrir une formation au cours de laquelle chacun pourra définir ses forces et ses faiblesses, ses espoirs et ses impasses en se frottant au réel.
Acquérir l’intelligence de l’objet passe par cette même confrontation au réel. L’élève doit négocier des va-et-vient permanents entre la théorie et la pratique, apprendre en agissant, en un mot il doit vérifier ou découvrir les théorèmes en se servant de ses mains.
En même temps, Robert Germinet décida que l’École des mines de Nantes jouerait à Nantes le même rôle que Caltech à Pasadena. Elle servirait d’appui à l’expérience d’alphabétisation scientifique dans l’enseignement primaire, qui démarre aujourd’hui dans quelques régions grâce à l’effort conjoint du ministère de l’Éducation nationale et de quelques centaines d’instituteurs motivés.
Comprendre, parce qu’on réalise soi-même le mouvement, avec un ballon de baudruche et une lampe électrique, comment le soleil, la lune et la terre tournent les uns par rapport aux autres, et comment la nuit succède au jour : voilà ce que les petits enfants de Pasadena, dont certains ne parlent même pas couramment l’américain, n’oublieront plus jamais.
Et c’est l’observation de l’exemplaire qualité de ces classes où enfants et instituteurs semblent travailler dans la joie qui renforça la conviction de Robert Germinet que c’était la meilleure voie pour l’insertion sociale.
Il faut voir aussi comment Jerry Pine avait transposé la méthode à la formation des élèves ingénieurs parmi les plus brillants des États-Unis en leur apprenant à se servir de leurs mains. C’était exactement le chaînon manquant.
ZAP est le nom de la méthode américaine. Grâce à une série d’expérimentations réalisée par l’élève, dans le secret de sa chambre, elle sème la valeur de l’interrogation, le souci de l’observation, le sens de la créativité. APA, « Apprentissage Par l’Action », nom adopté par l’équipe pédagogique de Nantes, part de la même idée que ZAP mais en est sensiblement différente car adaptée au cursus français, lui-même différent du cursus américain.
Il a fallu fabriquer, pour chaque élève, une mallette qui contient les outils dont il devra se servir et je suis sûr que son utilisation donnera aux élèves un profil très différent de celui des élèves formés par une pédagogie passive en écoutant un professeur leur transmettre verbalement des vérités.
Qu’attendons-nous de cette expérience unique en France ? D’abord qu’elle permette aux élèves de première année de se confronter au réel, de maîtriser la matière et les phénomènes scientifiques de base en les incitant à retrousser leurs manches et à trouver la solution qui « marchera pour de vrai ». APA est un apprentissage aux choses. Ensuite, cette méthode, qui ne procède que par expériences individuelles ou en petits groupes, place les élèves face à eux-mêmes. À eux de se poser les bonnes questions, de mobiliser leur stock de connaissances, de prendre confiance pour tester, inventer, créer et de persévérer aussi longtemps que nécessaire. APA est une façon de mieux se connaître pour mieux progresser. Enfin, la méthode d’apprentissage par l’action oblige l’élève qui bute sur un problème à solliciter l’enseignant qui l’encadre, à lui poser des questions pertinentes, à rendre compte de l’expérience mais aussi à travailler en équipe avec ses amis, à partager, à s’appuyer sur les talents de chacun pour aboutir. APA est un apprentissage aux autres.
Ce livre a été écrit dans la foulée des premières expériences.
Les physiciens et ingénieurs qui le liront seront peut-être tentés d’y apporter des modifications ou des enrichissements.
Je suis sûr que Robert Ger

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