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pages
Français
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2019
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Ebook
2019
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Publié par
Date de parution
19 janvier 2019
Nombre de lectures
0
EAN13
9782372225427
Langue
Français
Un accident stupide oblige Norma à rester hospitalisée et incapable de toute activité. Une bonne occasion pour faire le point sur sa vie : sa jeunesse tronquée par la mort brutale de ses parents, une vie de couple qui n’en est plus une, une fille ado qui devient adulte et avec qui sa relation n’est plus la même, un frère trop loin et un voisin plus qu’attentionné... La convalescence sera longue et lui imposera une séparation interminable d’Isadora, sa jument islandaise à qui elle voue une passion sans limite.
Tous les ingrédients pour un roman passionnant sont réunis et nous font découvrir des personnages magnifiques mis en scène sous la plume de Brigitte Lécuyer.Un roman tout en émotion, une tranche de vie hors du commun concentrée dans ces cent-trente pages incontournables.
Publié par
Date de parution
19 janvier 2019
Nombre de lectures
0
EAN13
9782372225427
Langue
Français
BRIGITTE LÉCUYER
La dame qui poussait un fauteuil roulant avec personne dedans
© Brigitte Lécuyer
Bookless Editions
Tous droits réservés
Janvier 201 9
Isbn N ° 978237222 5427
La dame qui poussait un fauteuil roulant avec personne dedans
Attablée en bonne compagnie à la terrasse d’un restaurant, j’aperçu s une dame qui poussait un fauteuil roulant sans personne dedans. Je n’y prêtai pas particulièrement attention et continuai de m’entretenir avec mes amies. Nous venions de commander nos desserts quand la dame en profita pour réapparaître dans notre champ de vision.
On la trouva curieuse sans plus et nous reprîmes nos échanges, regrettant toutes déjà l’insouciance de nos vacances.
C’est alors que l’étrange personne revint avant que nous en ayons fini avec notre repas, enfin avant que la note ne nous soit apportée. Elle repassa de son air dolent, encore une autre fois. Cette fois-ci, je fis davantage attention à elle, à cette femme qui poussait un fauteuil roulant vide. J’imaginais le pire, un cruel accident, la perte d’un mari, d’un parent, d’un enfant.
Elle marchait se concentrant sur l’horizon, semblant ne voir ni n’entendre personne, amarrée aux poignées de son fauteuil, le regard lointain, presque souverain. Elle avançait droit devant d’un pas souple et lent, et personne ne pouvait penser qu’elle avait des difficultés à se mouvoir ou à marcher. L’amie à mes côtés me fit remarquer qu’elle ne portait aucun sous-vêtement, ce que je constatais aussi quand elle réapparut, toujours aussi dolente, ses fesses molles et ses seins lourds ballottant doucement sous le tissu mou d’un survêtement délavé.
Je lui donnais une petite cinquantaine d’années, sa chevelure épaisse et sans cheveux blancs était remontée négligemment en chignon à la Brigitte Bardot et des mèches s’en échappaient de partout. Son visage rond avait dû être beau et ses traits agréables. Elle respirait la sérénité ou l’indifférence au monde et balançait chacun de ses pas chaussés de ballerines, d’une façon presque indécente, comme si elle voulait par ses nombreux passages, attirer l’œil sur elle, bien qu’elle ne regardât nul part.
La femme qui poussait un fauteuil roulant avec personne dedans, passa ainsi devant nous quatre ou cinq fois, je ne sais combien de kilomètres elle fit ce jour-là.
En partant, je la revis encore, pareille à elle-même, aussi absente, aussi impassible, à faire les cent pas devant le lycée, imperturbable. Cette fois-ci, une cigarette extra longue était posée au coin de ses lèvres, mais elle ne semblait pas allumée.
Je me réveillais en sueur, Spartacus m’écrasait la poitrine et ronronnait comme une vieille locomotive ! Ouf, ce n’était qu’un cauchemar, du moins un drôle de rêve. J’en faisais souvent ces temps-ci. Je virais gentiment Spartacus, le persan roux de Camille, qui poussa un miaulement indigné. Je zieutais le réveil, il n’était que 4 h 44. Bien trop tôt pour se lever. Je m’extirpai de mon lit quand même, j’avais trop chaud, j’avalai un verre d’eau fraîche et me recouchai en ruminant mes futurs projets. Je me demandais où était ce fameux cahier sur lequel j’avais noté mes émotions et des pans mités de mon histoire, du moins une partie, bien avant que je ne rencontre Gauthier et que nous ayons Camille. J’ai eu soudain le besoin impétueux de poser des mots sur ce que je vivais ces temps-derniers. Alors je me mis à écrire dans ma tête.
Une heure plus tard, je me levai, ouvris mon vieil ordinateur aussi lent qu’une tortue centenaire. En attendant, je pris ma douche. Sur mon fond d’écran, cranait fièrement la photo d’un cheval bai : Isadora. C’était la dernière folie d’Arthur qui voulait marquer à sa manière mes quarante ans, il connaissait ma passion pour cette race, les chevaux islandais, il savait aussi que rien ne pouvait autant me ravir. Il vivait en Islande depuis tant d’années et me manquait cruellement. On ne se voyait qu’aux vacances et encore pas tous les ans. Je m’appliquais à lui rendre visite une année sur deux. Pour lui, c’était plus compliqué : la logistique et le coût d’un tel déplacement devenait si laborieux pour lui et toute sa famille, que généralement il préférait m’inviter, quitte à m’avancer le prix du voyage si j’étais trop fauchée.
M on cadeau était le plus somptueux cadeau du monde, mais pour en jouir pleinement, Arthur avait dû user de patience pour effectuer les formalités, de la paperasse, gérer les procédures d’exportation, être en règle avec les services vétérinaires et supporter mon impatience et mes questions idiotes. Mais il fallait aussi que je trouve l’endroit où Isadora allait vivre et brouter en paix. Or, je ne vis pas spécialement à la campagne, même si dans mon département, il y a de jolis coins et le Vexin en toile de fond.
Je ne sais plus comment le cheval islandais m’avait envoûtée , je n’étais pas la meilleure des cavalières, mais j’en avais monté chez Arthur. Ce cheval-là, doté d’un caractère docile et plus petit que la moyenne, ne me faisait pas peur. Les plus grands spécimens dépassent rarement un mètre cinquante cinq au garrot. De cette race, j’appris tout sur le tas, qu’elle possédait cinq allures et non pas trois comme la plupart des autre s chevaux : le pas, le trot, le galop, le tölt et l’amble. Le tölt étant un pas typique de la race. Ce cheval est surtout apprécié des femmes qui comme moi, ne sont pas des grandes gigues. Il est aussi l’ami des enfants ou de n’importe quel cavalier qui a le dos ou les genoux fragiles. Imaginez un pas où le cheval s’adapte au terrain accidenté et il l’est assurément en Islande, en limitant la pose de ses sabots. Un peu comme s’il volait dans l’air. Or pour l’avoir vu de mes yeux, je pouvais affirmer que ce cheval volait vraiment.
Quand tout fut fin prêt, j’avais trouvé un havre pour ma jument, en Normandie, du côté d’Ault. Ault m’avait ébloui parce que c’était un endroit beau et pur, isolé et un peu au bout de tout. J’aime les endroits déserts, les plages longues et balayées de vent, les contrées sauvages. Isadora y trotterait donc. L’hiver elle regagnerait une écurie et après son débourrage, les écoliers du coin pourraient même la monter. Cette solution m’avait semblé idéale. Elle m’appartenait, mais vivrait dans un haras, un arrangement entre le propriétaire et moi, je ne payais que sa nourriture et les frais vétérinaires.
Trois années venaient de s’écouler. J’avais organisé une vie rythmée aux pas d’Isadora. Mais il me fallut vite déchanter, la voir une fois par semaine, c’était déjà trop : trop compliqué, trop cher et je m’étais vite rendu compte que les miens ne me laisseraient pas si facilement prendre la poudre d’escampette tous les week-ends. Là-bas, du côté d’Ault, j’étais dans un monde à part, un peu sur une autre planète, loin des soucis, du travail, des courses, du ménage, des relations familiales compliqué e s, et si j’avais tenté d’associer ma fille à cette passion, je devais me rendre à l’évidence, ce n’était pas son truc. Je lui avais raconté que lors de ma dernière visite au haras, j’avais croisé un étalon pie de toute beauté qui je le pensais vraiment, serait parfait pour elle. Camille avait levé les yeux au ciel, comme affligée. J’en avais touché un mot à l’éleveur, qui ne m’avait pas encouragé e dans cette direction non plus. J’étais déjà ravie de savoir qu’elle avait échappé à la dermite estivale qui semblait toucher les chevaux islandais récemment débarqués sur notre sol ou tout sol étranger au leur. Isadora avait déjà connu des hivers autrement plus éprouvants que les nôtres. Au début, j’avais dû la laisser tranquille, zéro stress, zéro travail, pour que son acclimatation soit optimum. C’était frustrant de la regarder s’ébattre et gambader dans son pré, et de pas pouvoir faire un brin de balade avec elle. Il me fallait attendre, alors j’avais attendu qu’elle ait pris le pouls de son nouveau territoire et de ses nouveaux compagnons, pour enfin pouvoir la monter.
L’image de sa longue crinière blonde, sa croupe arrondie et ferme, ses yeux noirs veloutés, ornés de cils recourbés, revenait me hanter. Elle m’obsédait. Je m’inquiétais du temps, d’un hiver neigeux qui bloquerait les routes, et m’empêcherait de la rejoindre. Mais à cette heure matinale, le petit cheptel devait dormir tous blottis les uns contre les autres. C’est ainsi que dans leur pays d’origine, ils affrontaient les pires conditions climatiques. Depuis