La Solitude à deux
154 pages
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La Solitude à deux , livre ebook

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Description

Couples passionnels, faux couples, couples impossibles, couples en détresse, couples au bord de la rupture... Entre un homme et une femme, tous les scénarios sont possibles. Pourtant, étrangement, chaque histoire ramène au premier plan un autre couple, le couple parental, dont les deux protagonistes sont issus. Et si nos difficultés conjugales provenaient en grande partie de l'empreinte laissée par notre famille d'origine ? Et si pour pouvoir inventer son couple, il fallait dépasser le modèle d'origine dont on a hérité ? Et si, pour vivre à deux, il fallait d'abord savoir vivre seul ?Psychiatre, psychanalyste, Alain Valtier est aussi psychothérapeute de couple.

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2003
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738175397
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, F ÉVRIER 2003
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-7539-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Christine, à Aldo, pour la psychanalyse.
Sommaire
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
INTRODUCTION - C’est Robinson qu’on hospitalise
CHAPITRE PREMIER - Le théâtre de l’intime
CHAPITRE II - Isolés, esseulés, désolés mais pas résignés
La confusion des générations
Quand la petite histoire rejoint la grande
La réparatrice de mots
Le poids exorbitant d’un secret
CHAPITRE III - Y a-t-il un couple dans la salle ?
Gloria et Jésus ou les petites différences
Clara et Yvon : la mixité est-elle sexuelle ou culturelle ?
CHAPITRE IV - L’œdipe ? Un pur fantasme !
CHAPITRE V - États du couple
L’état amoureux
Carpe diem
L’état de guerre
À la recherche de l’indifférence
La blanche et le noir
Drame passionnel
CHAPITRE VI - Lucy et André, un couple parental
CHAPITRE VII - Parole et sexualité
Mise en relation
Invention de la sexualité
Invention de la parole
Invention du plaisir
Invention de la pensée
Invention des cultures
Et l’inconscient ?
CHAPITRE VIII - Quand Freud devient Sigmund
CHAPITRE IX - La maison et le monde
CHAPITRE X - Le temps allongé
ÉPILOGUE - Peut-on penser la folie ?
Notes et références bibliographiques
I NTRODUCTION
C’est Robinson qu’on hospitalise



« Contre l’illusion d’optique, le mirage, l’hallucination, le rêve éveillé, le fantasme, le délire, le trouble de l’audition… le rempart le plus sûr, c’est notre frère, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu’un, grands dieux, quelqu’un ! »
Michel T OURNIER 1

« J’ai passé toute une nuit enfermé dans le labyrinthe du Jardin des plantes… Entièrement nu… Je me suis retrouvé, couché contre terre, à écouter les bruits de la ville… Mort de l’intérieur… Les plantes et les animaux vibraient directement dans mes tripes… Un vacarme intérieur explosait tout mon corps, ma tête s’éparpillait en mille morceaux… Aucune prise sur rien. J’ai vu décliner la lumière du soleil sur les façades des maisons… Le minaret de la mosquée avait bizarre figure dans ce paysage effrayant… Peu à peu les réverbères ont pris la relève pour éclairer rues et maisons… La verrière de la Galerie de l’évolution s’est éteinte… J’ai dû m’endormir en entendant le rugissement du lion mêlé au cri de la chouette, le sombre croassement des corbeaux assourdissait l’insouciant bavardage des mouettes… ils se battaient. »
Renaud est comme Robinson, un naufragé solitaire qui n’en revient pas d’avoir débarqué sur terre. Sa solitude est emblématique de l’humanité tapie en chacun de nous qui appartenons à la seule espèce capable de connaître la folie, celle aussi qui a inventé la raison ! Sapiens sapiens est également Sapiens demens .
Lorsqu’il se retrouve nu au Jardin des plantes, égaré au cœur de la ville, complètement démuni entre végétaux et animaux, il questionne implicitement l’origine de son état. Comment se fabrique un fou ? Son errance psychique a atteint une telle amplitude à ce moment-là qu’une institution psychiatrique a dû s’interposer entre le monde et lui pour assurer une continuité dans son univers brisé.
La pièce où nous l’accueillons se prolonge par l’herbe d’un parc, son calme est propice à contenir l’étrange scène qui s’y déroule. Au travers de deux personnes qui se penchent sur son sort, c’est toute une construction collective tissée de liens entre corps et âmes qui se trouve représentée. Renaud revient de loin, mais il n’est encore nulle part. Prudemment, nous tentons d’établir un contact en privilégiant l’état de son corps.
« — En ce moment, est-ce que tu sens le froid sur ta peau ?
— Non, je ne sens rien, je n’ai pas de peau ! Je suis dans le froid, hors de mon corps… Aussi mal ici qu’ailleurs… Quand les flics sont venus me chercher au poste des gardes du jardin, j’ai demandé à ne plus revenir chez moi.
— C’est où chez toi ?
— C’est chez mes parents… ils sont partis tout le mois… en voyage à l’étranger… »
Pour accompagner son atterrissage, nous l’avons entouré dans des draps préalablement trempés dans la glace. Les packs étaient couramment utilisés en pédiatrie, avant les antibiotiques, pour faire tomber la fièvre. Ici, le choc par le froid est un détour pour lui permettre de percevoir les limites de son corps toujours flottant dans un espace indéterminé. Le procédé peut apparaître brutal, il est paradoxalement très apaisant. Le réchauffement du corps par sa propre énergie calme la terrible sensation de mort. Renaud replonge provisoirement dans l’univers glacé et non humain qui est encore le sien.
Nos voix, comme les draps, ont une fonction d’enveloppement. Véritables instruments qui expriment la musique intérieure du corps, elles forment une sorte de peau pour sa pensée. Nous favorisons la traduction de ses émotions par des paroles, espérant qu’ainsi il pourra arrimer son corps à une histoire. Les mots eux-mêmes sont affectés d’un devenir, ils doivent être traités comme des choses ou des corps.
« — Chez eux, tout seul, je me cognais la tête contre les murs. J’ai téléphoné à Sébastien, mon meilleur copain… il avait une drôle de voix, j’ai vite raccroché de peur qu’il me trahisse. Des voix me parlaient sans arrêt. Elles se contredisaient, m’injuriaient ou me cajolaient, selon que j’étais sur mon lit ou dans le salon. Je ne comprenais rien à leurs manigances… Je ne savais plus où me mettre pour que ça s’arrête.
— Tu connais ces voix ?
— Oui et non, c’est comme les hallucinations provoquées par la drogue… on m’en a refilé une fois sans que je sache ce que c’était… l’effet de surprise est terrifiant. »
Un long silence tendu s’installe. Ce temps lui est absolument nécessaire pour transiter d’un lieu à l’autre : de son récent passé solitaire à un présent entouré de deux soignants qu’il n’a pas encore apprivoisés. Progressivement, le dedans de sa pensée rejoint un dehors peuplé d’autrui. L’étrangeté lui est d’autant plus inquiétante qu’elle est trop familière. Pour lui, comme pour beaucoup, le familier procède du familial.
Renaud ne parvient pas à se détacher des siens pour vivre sa vie. Il est encore tout imprégné de la présence des autres en lui. Il n’a jamais pu quitter sa famille, elle lui colle à la peau. Il fuit une maison vide sans parvenir à s’en éloigner. Il délire sa vie faute de pouvoir l’habiter.
« — Que s’est-il passé au Jardin des plantes ?
— Des flics m’ont conduit à l’hôpital Sainte-Anne. J’ai longuement attendu, puis une jeune interne a pris du temps pour m’écouter. Je tremblais. Elle aussi semblait troublée par mon état. Elle m’a gentiment dit qu’elle allait éviter de m’envoyer dans mon secteur géographique. Elle a ajouté qu’elle craignait que je n’apprenne trop vite le métier de malade chronique à l’hôpital psychiatrique… Je n’ai pas bien saisi ce qu’elle voulait dire… Puis elle a fait en sorte que je sois admis dans un lieu qui n’aggrave pas mon état et où je serais vraiment soigné. Comme son ton ne m’était pas hostile, j’ai pu lui faire confiance… elle m’a fait une piqûre, ça m’a vite détendu et je me suis endormi. »
Renaud n’est pas le premier à se retrouver dans ce lieu qui accueille la folie depuis longtemps. Cet asile est pour beaucoup un îlot provisoire de terre ferme, un point de chute où vivre son exil intérieur, une protection pour les blessures de l’âme, une occasion de donner de la consistance à sa solitude.
Marie Depussé 2 en a fait la précieuse expérience. Elle témoigne de l’absence radicale de coupure entre celui qui vient pour soigner et celui qui attend quelque chose des soins. Tous deux sont à la recherche du sens de leur existence. Chacun avec ses moyens tente d’y répondre.
« Il y avait, dans la cuisine, une odeur de pain grillé. Je posai mes bagages. À cause de l’été, peut-être, ou du pain grillé. À cause de cette collection hétéroclite d’êtres qui avaient droit à l’heure du goûter. C’était comme une famille qui rassemblerait des êtres amochés par leur famille, leur en offrant une, de hasard, dépourvue de malédiction particulière…
« Il y avait autre chose. Tout de suite, les fous me reposèrent. Je sus qu’ils se battaient en première ligne, pour moi. Pendant que je traînais ma mélancolie à l’arrière, je savais qu’il y en avait d’autres, au front. Ainsi Beckett était mon représentant, en première ligne, lui et les clodos. »
Une perception poétique se dégage immédiatement de son récit. Marie octroie d’emblée aux fous une place de combattants en première ligne. Le thérapeute se tient en seconde position, accompagne l’autre dans son combat. Il reste à l’arrière-plan.
L’institution apparaît comme une sorte de famille de substitution où Renaud peut délirer sans qu’on le laisse sombrer dans une errance totalement solitaire. Pour assurer cette convivialité, un travail assidu sur les conditions de vie au quotidien est toujours nécessaire.
Prodiguer des soins, c’est aussi prendre soin de quelqu’un ou de quelque chose. L’acte n’est pas seulement médical, il est aussi de simple contact, d’accompagnement, de bon sens. Faire la vaisselle à plusieurs ou le ménage d’une chambre avec son occupant habituel, monter à cheval ou se promener en ville, faire une injection intramusculaire ou lire dans la bibliothèque, organiser une fête ou préparer une pièce de théât

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