Le cordonnier
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le cordonnier , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Qu’est-ce que la pitié quand notre cœur est enrubanné de noirceur ? »

Le jour où Sergueï rencontre la jeune Lananette, danseuse prodige de l’académie de Raken, ses vieux souvenirs le rattrapent et son amertume pour les danseurs aussi vénéneux qu’orgueilleux réveille sa cruauté.
Faisant de l’adolescente sa rabatteuse, il utilise sa magie et son savoir-faire unique pour pénétrer un lieu qu’il ne connait que trop bien. Avec ses chaussons ensorcelés, il entre dans l’esprit de ses victimes, voit ce qu’ils voient, entend ce qu’ils entendent...
Aucun égard pour eux. Leurs peines ne l’atteignent jamais.
Les ténèbres ont voilé les yeux du cordonnier et se sont nouées autour de son cœur...

Est-il déjà trop tard ?


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 janvier 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782492240638
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Cordonnier
N ocmyst
© Nocmyst, 2022
© Éditions Octoquill, 2022
Pour les illustrations intérieures & la couverture
© Inda Ashes Art
Tous droits réservés.
Dépôt Légal : premier trimestre 2023
Le présent ouvrage est protégé par le Code de la Propriété Intellectuelle. De ce fait, toute reproduction partielle ou totale est interdite sans l’accord de l’éditeur et de l’auteur.
Prologue
J’avais voulu réparer mon âme, colmater les fissures de mon cœur, devenir un homme plus respectable et accorder ma sympathie à la danse.
Je l’avais fait…
J’avais succombé à l’envie de me laver de mes crimes passés, dans ma jeunesse. Je désirais être un sauveur ou quelque chose qui s’en approchait.
Traquer la menace, la perversion, la laideur et la noirceur.
J’avais cru me débarrasser de l’être malfaisant qui habitait mes entrailles.
J’étais prêt à courir le risque d’être démasqué pour me racheter une conscience.
Mais, je restais ce que j’étais et les bonnes actions n’y changeaient rien. Sauver une danseuse pure ne supprimait pas mon aversion pour celles pourries de l’intérieur.
Tuer la pestilence.
Tuer tout être qui aurait pu me malmener.
***
Août, 1884, pays d’Hongoria .
C’était un soir pluvieux qui n’avait de particulier que d’exister.
La pluie se tarissait et le sol dallé luisait sous mes pas. Des perles d’eau suintaient des tuiles et des gouttières en argile. Le torrent qui avait jailli des minutes auparavant s’épuisait, laissant des flaques malodorantes. Les rigoles des ruelles, perdues dans le noir et désertées par les foules nocturnes, effaçaient toute trace du liquide glacial. 
Le quartier des horlogers retrouvait son aspect magique et féérique que les enfants admiraient, la bouche ouverte, et que les adultes adulaient pour la poésie qui émanait des murs. Il se baignait sous les enseignes et sur les vitraux chamarrés tandis que, çà et là, des passages naissaient entre les façades rapprochées, menant vers des espaces plus sombres. À chaque instant, je pouvais tomber dans les ténèbres et plonger, des secondes plus tard, en pleine lumière.
J’avançai plus vite. Mon pouls accéléra et mes joues commencèrent à brûler, tout comme ma trachée. L’air humide noyait mes poumons qui recrachaient de la vapeur blanche.
Les deux ombres devant moi avaient pris de l’avance. Il était hors de question qu’elles me filent entre les doigts.
Pas cette fois.
Je me mis à courir, fonçant aveuglément dans un labyrinthe de ruelles, parfois identiques. Les échos grouillaient autour de moi, me désorientant. Heureusement, j’entendais toujours le son des talons de mes proies martelant le sol.
Je n’avais pas lâché mon suspect de la soirée, jusqu’à m’engouffrer dans ces rues plus que glauques, où ma propre ombre me donnait des sueurs froides. Il était rageant de tourner en rond, alors qu’ils étaient là, à quelques pas de moi, dans l’angle d’un bâtiment, à l’ombre des immenses statues des dieux anciens, ou encore derrière les végétaux rampant d’une façade à une autre. Les murs paraissaient se rapprocher de moi, prêts à m’écraser et à faire de mon existence une silhouette rougeâtre gravée sur une surface décrépie.
Je courrai à m’en couper le souffle, avec une seule idée en tête : faire disparaître la pestilence d’Hongoria.
Le ciel sans lune ne m’aidait guère à y voir clair et je virai, tournai à la recherche d’un pas figé dans la boue formée au sol. À l’affut, je guettais le moindre bruissement qui chatouillait mes oreilles. 
Je m’arrêtai, le souffle court, les poumons en feu, fermai les yeux, traquai les sons et flairai les odeurs. Le musc s’infiltra dans mes narines, inondant mon esprit et obscurcissant la voie qu’il traçait et, qu’enfin, je visualisai. Je le humai comme un animal poursuivant sa proie, le nez en l’air et les lèvres retroussées sur mes dents.
Un cri étouffé me parvint.
Ils étaient proches.
Je repris une course effrénée, avec en tête, l’image de la jeune danseuse vue dans la soirée, chez une connaissance. Elle avait donné une si émouvante représentation de l’Enfant Perdue et avait été si douce et aimable avec les convives, qu’elle avait éveillé ma sympathie. La pauvre petite s’était fait bêtement charmer par les paroles rassurantes d’un pervers répugnant. Un homme qui ne m’avait jamais inspiré que du dédain et une profonde colère.
Mille émotions me traversaient. Je ne pouvais pas me sortir cette gamine de la tête. Si jeune. Si Frêle. D’une innocence tragique. Elle ne devait pas avoir plus de dix-huit ans et portait encore sur le visage la douceur de l’adolescence. J’avais vu, lors de sa prestation, une terrible naïveté, et à l’écouter, toutes les âmes, même les pires, étaient à sauver.
Elle représentait l’enfant que, jadis, j’avais été. Une pauvre chose qui pensait qu’avec des sourires l’on pouvait changer les gens.
Je n’entendis plus rien. La peur m’enveloppa. Elle tonnait en moi comme l’orage en début de soirée. Je tournai à l’angle d’un cordonnier, m’enfonçai plus profondément dans le labyrinthe de ruelles. À chaque murmure de la nuit, je pensais à la fille et me désorientais un peu plus. Les minutes s’égrenaient. Je les sentais à chaque pas que je faisais, à chaque chemin vide.
Perdu, je m’arrêtai encore une fois. Il y avait des sons échoïques dans le vent.
J’entendis une masse s’écrouler et un rire.
Vif, je me tournai, le corps bouillonnant et bondis, jusqu’à parvenir à elle.
Aux abords d’une rue étroite, celle qui amenait dans le secteur des couturières et des ébénistes, je vis le corps sans vie de l’innocente jeune femme. Un ruban de sang se déroulait sur sa gorge et un grand sourire épouvantable partait d’une oreille à l’autre. Ses jupons étaient arrachés, ses cuisses ouvertes et son corset tailladé. En m’approchant, je vis ses yeux encore ouverts, braqués dans les miens.
Je me penchai sur elle avec un vain espoir, sentis sa chaleur, vis les larmes de sang qui s’écoulaient et une boule de tissu dans sa bouche. Elle était à peine visible, mais c’était elle qui permettait à sa mâchoire de rester ouverte dans un « o » grotesque. 
Elle n’était plus de ce monde et pourtant, en voyant le sac qu’elle tenait encore entre les doigts bouger, je restai perplexe. J’attendis une nouvelle réaction. Mais rien.
Rien, hormis une masse qui ondoya sur sa robe.
Un serpent…
Un serpent borgne.
Il glissa sur le corps de la fille, ses écailles luisant du sang de celle que je pensais être sa maîtresse.
— Pauvre chose, chuchotai-je.
Il serpenta vers moi. Sa tête carrée et osseuse se posa sur mon genou, le tachant de ce sang d’innocente.
Je le pris entre mes mains. Son corps n’était que muscles et tiédeur. Je le glissai dans ma chemise, acceptai les ondoiements et les caresses qui levaient mille frissons sur ma peau, puis regardai une dernière fois, la danseuse immobile.
Mes poils se hérissèrent et ma mâchoire claqua de colère. Je ne pouvais admettre qu’on tue une personne si talentueuse et dont la personnalité demeurait si touchante et bouleversante.
Encore une…
J’avais pourtant espéré la sauver.
J’étais arrivé trop tard… Mais pas pour son bourreau, celui qui lui avait souri avec malice. Celui qui l’avait raccompagnée en toute discrétion.
Je me détournai de la belle et sillonnai le quartier endormi, à la recherche du monstre. L’animal recueilli s’était enroulé autour de mon torse. La tête contre le col de ma chemise, il semblait scruter les ombres. Sa langue s’agitait. Et où il tournait la tête, je m’empressai de courir. 
L’homme que je traquais, réapparu. Il marchait d’un pas léger et son ombre s’échappait des hauts murs sur lesquels elle se reflétait. Il était là, presque à portée de main : l’Égorgeur de Vénessia. La terreur des pucelles d’Hongoria.
La nuit s’enroulait dans sa cape sombre, figeant la bruine qui tombait à nouveau.
Je marchai dans ses pas.
Toujours plus proche.
Il riait sans se soucier de ma présence, humait des pans de tissu, probablement les jupons déchirés de la danseuse. Je serrai les poings, retenant mon envie débordante de lui tordre le cou.
Son odeur âcre et le parfum du sang qui maculait ses doigts m’attiraient irrésistiblement. Mon cœur tonnait sous mes vêtements humides et une vive chaleur s’éveilla sous ma peau. La voix de mes ténèbres marmonna sans que je ne comprenne ses mots.
J’allongeai le pas, bien décidé à tuer cette chose ignoble.
Il pénétra dans le jardin luxuriant d’une des résidences les plus huppées de la ville d’Embra, à Hongoria. La bâtisse était constituée de nombreuses voutes superposées. Des tours pointues poussaient çà et là, à travers les murs de briques bleuâtres.
Un frisson m’envahit, ma tête tourna et un sourire assassin étira mes lèvres. Je goûtais à mes obscures pensées.
J’avais profondément envie d’en finir. Ici et maintenant. Mais ce serait trop facile. Trop rapide.
— Pas tout de suite, soufflai-je en retenant mes tremblements ainsi que cette masse informe qui désirait prendre le contrôle de mon esprit et de mes actes.
Je désirais explorer sa mémoire avant dans finir. Voir chacun de ses meurtres sordides pour lui tisser les plus atroces cauchemars. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait appel à mon don. Était-il temps de reprendre du service ?
J’opérai un demi-tour et rejoignis mon hôtel, frustrant la chose qui habitait mon corps.
J’avais envie d’un spectacle, de quelque chose de plus extravagant qu’un simple meurtre de quartier.
Dans peu de temps, je ferai parvenir des brodequins à l’égorgeur de pucelles, comme il les aimait, et je rirai de lui par-delà mon miroir de songes.
Sergueï

J’étais parvenu à devenir ce « sauveur », à éradiquer les enragés et les prétentieux mal intentionnés. Mais, je n’étais pas parvenu à me sauver. Je me perdais, m’enlaidissais à chaque pas, à chaque expiration. Le monstre grandissait malgré la cage dans laquelle je l’avais enfermé. Il se répandait et gelait ma sensibilité. Le monde de la danse me promettait des trouvailles intéressantes. Il me promettait de guérir mes plaies, si je me vengeais, et seu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents