Le disque qui accuse
75 pages
Français

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Le disque qui accuse , livre ebook

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Description

Quand on achète, au hasard, des disques dans des bacs d’occasions, on tombe parfois sur de sacrées surprises.


C’est ce que se dit Jacques Laumier, en écoutant, gravée sur sa dernière acquisition, une étrange conversation dans laquelle un homme en menace un autre...


Sketch ? Répétition d’une saynète ?


Les intonations des personnages sonnent tellement vraies et les dialogues ne semblent pas écrits !


Troublé, Jacques Laumier en parle à son disquaire qui décide de confier la « pièce à conviction » à un de ses clients habituels : le brigadier GIRARD.


Le policier remonte la piste et découvre que le rond de cire provient d’une vente après décès, celui du riche banquier Jules-Ernest Ravon, retrouvé suicidé d’une balle dans la tête...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mars 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9791070038802
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INSPECTEUR GIRARD
LE DISQUE QUI ACCUSE
Récit policier

André CHARPENTIER
CHAPITRE PREMIER
CHEZ LE MARCHAND DE MUSIQUE
 
Chez certains marchands de musique qui vendent des phonographes de toutes marques, il y a souvent une boîte de disques d'occasion : ce sont des morceaux démodés, vieilles chansons datant d'une vingtaine d'années, rengaines dont le public ne veut plus, fonds de magasins que le commerçant solde au prix le plus bas. Cependant, parfois, on fait, dans ce lot de disques défraîchis, des trouvailles heureuses, imprévues, charmantes.
Souvent, Jacques Laumier, en sortant de la banque où il était employé, se rendait dans une de ces boutiques et s'amusait à acheter au hasard un de ces morceaux déjetés et prenait plaisir, une fois rentré dans son petit logement de la rue Oberkampf, à mettre sur son appareil le disque inconnu. Certes, il avait plus de déceptions que d'agréables surprises. Ce jour-là, comme il pénétrait dans le petit magasin où il avait l'habitude de s'approvisionner, le patron, le reconnaissant, lui lança :
— Vous allez être heureux, Monsieur. On est venu m'apporter tout à l'heure une cinquantaine de disques provenant d'une vente après décès. C'est une affaire ! Il y a là de quoi vous distraire. Et vous en aurez la primeur, car, inutile de vous dire que je ne les ai pas fait tourner. Faites votre choix. Comme d'habitude, ils sont tous à trois francs, sans garantie.
Un sourire de contentement éclaira le visage du jeune homme heureux de satisfaire, pour une somme modique, sa petite et innocente manie. Il se mit à fouiller parmi les grands ronds de cire avec la ferveur d'un chercheur de trésors : il prit une romance dont le titre, Nuit étoilée, le séduisit, puis un monologue datant des environs de 1900, et une valse lente, etc., etc. Une inscription au milieu du disque le renseignait sur la nature de son acquisition ; mais, parfois, cette inscription était presque effacée et il éprouvait de la peine à la reconstituer. Soudain, ses doigts saisirent un disque qui ne portait aucune indication. Ce détail l'intrigua. Il regarda si le temps n'avait pas usé la marque ; mais non, ce morceau mystérieux n'avait jamais porté d'inscription. Il fut sur le point de le laisser, mais la curiosité l'emporta :
— Est-ce une mélodie, une fanfare, une chansonnette, un sketch ? se demanda-t-il. C'est une devinette comme une autre. Bah ! pour trois francs, je n'en mourrai pas !
Et il le mit de côté avec quelques autres déjà pris dans le lot au rabais.
— J'espère que la cueillette vous donnera toute satisfaction, lui dit aimablement le commerçant en recevant le prix de l'achat de Jacques Laumier.
— On ne sait jamais. C'est cet imprévu qui est amusant.
Son paquet sous le bras, l'employé de banque gagna son domicile.
— Avant de dîner, un petit air de musique, en guise d'apéritif, décida-t-il.
Évidemment, il mit à contribution ses nouvelles acquisitions. Ce fut tout d'abord une chanson d'amour qui avait dû ravir nos grands-mères ; puis un refrain militaire très éraillé. Puis ses yeux tombèrent sur le disque énigmatique, sans indication.
— Et celui-là, que renferme-t-il ?
Il plaça le rond de cire, abaissa la pointe et attendit en souriant. Il y eut d'abord une sorte de grésillement, puis quelques mots dont Jacques Laumier ne put comprendre le sens, et, après un court arrêt, il entendit alors avec netteté ces paroles étranges, dont l'accent l'émut malgré lui :
— ... Puisque tu ne veux pas me remettre cette enveloppe, je te la prendrai de force, par tous les moyens... Par tous les moyens, je te le répète, et tu comprends ce que cela signifie. Cet argent, il me le faut, et je ne reculerai pas devant…
Ici, le disque avait enregistré une autre voix, une voix tremblante :
— ... Pitié !... Je vous en prie...
Mais l'autre voix reprit, implacable :
— ... Je ne suis pas venu ici pour faire du sentiment. J'ai besoin d'argent, et rien ne peut m'arrêter. Pour la troisième fois, cette enveloppe, ou bien...
Des mots entrecoupés de plaintes suivirent :
— ... Cette enveloppe, c'est toute ma fortune !... Je ne puis vous la donner... Vous êtes un misérable !
L'autre individu reprit :
— Pas de grandes phrases !... Le temps presse. J'ai plus besoin que toi d'argent. Tu es vieux, je suis jeune. Allons ! si tu tiens à vivre ce qui te reste de jours, exécute-toi...
— Misérable ! cria l'autre voix pour la seconde fois. J'ai pris mes précautions ! si tu commets ce crime, sache bien qu'il ne restera pas impuni... Un jour, on apprendra...
— Tu ne parviendras pas à m'effrayer, ricana l'autre voix plus menaçante. L'enveloppe ou bien...
Il y eut un grand cri, puis comme un bruit de meubles qu'on renverse, des gémissements que couvraient des imprécations. Un arrêt, puis, tout à coup, le bruit d'une détonation... Un long râle... Enfin, un brouhaha, mais plus aucun son distinct.
Le disque tourna, tourna, l'aiguille au bout des rainures, à vide. Jacques Laumier demeurait interloqué, partagé entre deux sentiments. Cependant, d'un geste machinal, il arrêta l'appareil et fixa d'un œil interrogateur le disque noir.
— Allons, allons, monologua le jeune homme en s'efforçant d'écarter de son esprit une supposition. C'est absurde de voir ou plutôt d'entendre autre chose que ce qui est... Il s'agit certainement d'un monologue dramatique et si j'ai ressenti une impression de malaise, d'inquiétude, c'est que ce disque, par suite d'usure, probablement, ne comporte plus de commencement ni de fin. Ces tirades détachées, sans présentation, donnent une impression pénible...
Il voulait se rassurer, mais sa pensée travaillait malgré lui :
— Ce ne sont pas là paroles d'acteurs... Il y a des accents qui ne sont pas d'un rôle appris... Et puis, ce disque ne porte aucune inscription ; c'est un de ces disques vierges vendus aux particuliers désireux d'effectuer eux-mêmes un enregistrement...
Il haussa les épaules pour chasser de nouveau la vision qu'évoquaient dans son esprit les paroles entendues. Le disque restait sur le plateau, immobile, mystérieux. Il ne pouvait le regarder sans ressentir une certaine angoisse.
— C'est stupide ! se morigéna-t-il.
Mais il interrompit là le petit concert dont il avait escompté le plaisir et qui le laissait troublé, perplexe. Il tenta de penser à autre chose, mais le colloque singulier du disque inconnu revenait impitoyablement à sa mémoire.
 
* * *
 
Le lendemain matin, en allant à son bureau, il entendait encore rouler dans sa tête les phrases perçues la veille. Il ne pouvait se dégager de l'emprise, à tel point qu'il raconta tout de suite à un de ses collègues ce qui lui était arrivé. Ce dernier, comme lui-même, tout d'abord, se mit à plaisanter :
— Ce sont d'excellents interprètes d'un sketch grand-guignolesque. C'est du bien joué, puisque tu t'y es laissé prendre.
Le soir même, cet ami ne refusait pas d'accompagner Jacques Laumier à son domicile pour entendre le fameux disque ; sa curiosité avait été éveillée. En se défendant mal d'un trouble qui l'oppressait, Jacques Laumier replaça le rond de cire noire. L'audition commença. Tout de suite, l'ami, pourtant sceptique, averti, fut pris lui aussi d'une certaine angoisse. Il murmura :
— En effet, il y a là quelque chose d'indéfinissable dans ce dialogue qui le place en dehors de la convention ordinaire ; il y a des cris, un mouvement, des répétitions de mots qui ne sont pas du théâtre... Et ces voix ne sont pas des voix d'acteurs...
Ils refirent jouer deux et trois fois ce disque et ces expériences successives ne firent que confirmer leur première impression.
— Je vais aller soumettre ce cas au marchand de musique, décida Jacques Laumier. Il est de la partie ; son opinion nous fixera peut-être.
Le commerçant éclata d'un rire franc lorsque le jeune homme lui eut fait part de ses observations ; mais, sur son insistance et pour ne pas le contrarier, il se prêta à une audition du dialogue mystérieux. Mais, à mesure que celui-ci se déroulait, son visage prenait une gravité qui révélait qu'il n'était pas loin de partager les soupçons de son client.
— Il est évident que ce n'est pas une prise de son ordinaire, dit-il enfin. Il n'a pour ainsi dire pas servi, constata-t-il. Il ne sort pas d'une fabrique ; il a été acheté vierge, comme vous le pensiez...

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