Les chroniques de Sainte Madeleine
106 pages
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Les chroniques de Sainte Madeleine , livre ebook

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Description


Dissimulé par une épaisse forêt et de hautes grilles, loin des villes aux lumières artificielles naissantes, se dresse l’imposant manoir de Sainte Madeleine, hôpital psychiatrique pour riches patients aspirant au calme et à la discrétion.
Mais entre ces murs sombres, vous ne trouverez nul remède ; la solitude et la souffrance s’insinuent dans les esprits fragiles, entrainant les malades aussi bien que le personnel sur les pentes glissantes de la démence.
Au cœur de cette spirale infernale plane l’ombre inquiétante du Directeur. A-t-il orchestré les funestes évènements qui jalonnent les chroniques de Sainte Madeleine ? À moins qu’il ne s’agisse de l’œuvre de la femme aux yeux absinthe qui hante les couloirs, ou du curieux chat passe-muraille qui rôde dans son sillage...



Au fil des neuf histoires qui composent ce récit, les personnages tourmentés se croisent et lient leur destin, à la recherche du seul bien ayant encore de la valeur en ce lieu oublié du monde : l’espoir.



Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 mai 2021
Nombre de lectures 11
EAN13 9782492240416
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Florence D. Orlhac
 
 
Les Chroniques de Sainte Madeleine
 
 
 
 
 
 
 
 
Éditions Octoquill
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
© Florence D. Orlhac, 2021
© Éditions Octoquill, Lorine Iaconelli, 2021
 
Pour la couverture
© Sheila Rougé – Ouroboros Design
 
Pour la correction
© Zoé Deweireld
 
 
Tous droits réservés.
 
Le présent ouvrage est protégé par le Code de la Propriété Intellectuelle. De ce fait, toute reproduction partielle ou totale est interdite sans l’accord de l’éditeur et de l’auteure.
Apparences
 
Dans le secret de ma chambre, le miroir me reflétait sans mentir. Poussé par je ne sais quelle perversion, je défis la ceinture de ma robe de chambre, qui glissa dans un soupir.
Aucune posture ni aucun artifice ne pouvait m’aider. Face à l’image de ce corps trop bien connu, une amère et immuable déception m’envahissait, jour après jour. J’aurais tant aimé pouvoir l’accepter et cesser de me torturer ! Mais sourd à la raison, mon regard scrutait sévèrement mon reflet, s’attardant douloureusement sur chaque motif de désappointement. Un bassin trop étroit, des jambes maigrelettes, fines et sèches comme des brindilles, une poitrine creuse qui n’avait guère d’allure… Quelle que soit la pose, c’était toujours le même jeune homme efflanqué et pâle qui me lançait un regard abattu à travers le miroir. Ma nudité crue anéantissait tout à la fois les tricheries et les rêveries ; mon corps n’était pas celui d’une jeune fille, encore moins d’une femme. Pourquoi l’évidence de cette vérité ne mettait-elle pas fin à mes tourments ? Quelle cruelle et maladive lubie m’empêchait de connaître la paix, comme tous ceux qui se plaisent tels qu’ils sont ?
Mon reflet se troubla quand les larmes tremblèrent au bord de mes yeux. Les ongles enfoncés dans les paumes, je me détournai de ce triste spectacle. J’aurais aimé croire que je n’étais qu’un fou, habité par un esprit malade dont les aspirations insensées révélaient une rampante gangrène mentale, mais cette hypothèse ne me convainquait point. Si cela se révélait vrai, mon salut résiderait dans des drogues et des médecines prescrites par quelques maîtres-guérisseurs de l’âme et des humeurs. Or cette idée m’insupportait ; jamais je ne pourrais me résoudre à exposer mon tourment pour qu’on me l’ôtât.
Ha ! Voici un bien étrange malade, qui chérissait sa douleur et s’y accrochait, tout en pleurant le mal qu’elle lui faisait ! Mais à quoi bon parler de ce que l’on ne pouvait changer ? Car à qui aurais-je pu oser confier ces désirs honteux ? Personne ne me comprendrait. En vérité, moi-même, je n’y parvenais pas.
Le tintement de l’horloge me rappela que de longues minutes venaient de se perdre en vaines réflexions. Je les rejetai en secouant la tête et en laissant échapper un cri de rage. Que ces sottes idées quittent enfin mon crâne et me laissent en paix !
Je devais à présent me vêtir en hâte. Nous recevions ce soir et l’heure fort tardive me fit supposer que l’on m’attendait.
Une fois encore, mon père avait donné des consignes précises quant à ma tenue. Sur le lit reposait un habit sombre à la coupe élégante, qu’une discrète femme de chambre avait dû apporter pendant que je prenais mon bain. La tenue ostensiblement laissée à mon attention m’arracha un soupir. Il me faudrait lui rappeler qu’à mon âge, un jeune homme se devait d’être autonome pour les choix de cette nature.
Nos domestiques, bien que fort loyaux et honnêtes, étaient de plus en plus troublés par les étranges comportements qui avaient cours dans notre maison. Je le devinais à leurs regards fuyants et aux discussions qu’ils interrompaient à mon approche. Il s’en faudrait de peu, à présent, pour que des rumeurs commencent à courir hors de nos murs. Que dis-je, des rumeurs, c’était un scandale que nous devions craindre ! Et je n’ignorais pas la responsabilité qui était la mienne dans ce risque de déshonneur qui pesait sur notre nom. Si mon père me surveillait étroitement, c’était parce qu’il redoutait de me voir à nouveau descendre le grand escalier vêtu de l’éblouissante robe de brocart de maman.
C’était sa préférée.
La mienne aussi…
La honte me brûla les joues lorsque je me remémorai cet horrible jour. Pensant la maisonnée déserte, j’avais cédé à une envie trop longtemps réprimée et je l’avais revêtue. La joie profonde que j’avais ressentie en me voyant ainsi transformé s’était immédiatement dissoute dans le regard tout à la fois horrifié et consterné du majordome qui me surprit alors, interrompant les quelques pas de valse que je m’étais autorisés dans le couloir.
Ce soir-là, la colère de mon père fut sans égale. Bien qu’il ne levât pas la main sur moi, j’eus pendant quelques secondes l’horrible certitude de ne pas ressortir vivant de son bureau. C’était pourquoi, toute séduisante qu’elle fut, cette expérience ne pouvait en aucun cas être réitérée. Il en allait de la réputation de notre famille et, qui sait, peut-être aussi de mon intégrité physique !
J’enfilai ma chemise en soupirant, les mâchoires crispées. Je me connaissais trop bien pour croire à la vertueuse promesse faite ce jour-là. Mon apparent renoncement avait calmé sa fureur, mais je savais qu’un jour prochain, la tentation serait à nouveau trop forte…
Les premiers éclats de rire de la soirée me parvinrent du rez-de-chaussée, tandis que je bataillais pour nouer ma lavallière. Les amis de mon père se ressemblaient tous et m’ennuyaient avec une constance désespérante. Qui avait-il invité, cette fois ? Tous étaient fortunés bien sûr, nobles si possible, ou investis dans la vie publique et détenteurs d’un pouvoir qu’il était bon de ménager, soigner, flatter… Et pendant qu’en bas mon père cajolait le beau monde, il me forçait, moi, pauvre chose sans intérêt, à porter ces insupportables effets qui…
Qu’en dire, au juste ?
L’honnêteté m’obligeait à reconnaître qu’ils me seyaient plutôt bien, parfaitement adaptés à mon corps étrange et dissimulant au mieux ses formes disgracieuses. Je n’avais pourtant aucun plaisir à les porter et l’apparence distinguée qu’ils me conféraient m’irritait d’une façon tout à fait irrationnelle. Sous la coupe élégante et la richesse des tissus, c’était un autre homme qui me regardait à travers la psyché et son sourire me faisait peur.
On m’appela. J’étais donc, comme toujours, en retard. Je résistai à l’envie de consulter une dernière fois mon reflet ; je savais que la jeune fille que j’espérais y voir ne s’y trouvait pas. Les échos d’une joyeuse soirée m’assaillirent lorsque j’ouvris la porte. Le cœur agité et la tête soudainement vide, je descendis, en souriant, le grand escalier. Ma gaieté n’était qu’un artifice, mais cela suffirait. Cela suffisait toujours.
 
* * *
 
Je crus mourir vingt fois pendant cette exécrable soirée. Le dîner, tout d’abord assez formel, fut vite animé par des discussions d’une futilité grandissante. Les messieurs parlaient très haut de leurs affaires florissantes et baissaient prudemment d’un ton lorsqu’il s’agissait d’exprimer leurs opinions quant à la politique menée dans nos frontières. Comble de l’ennui, ils se montrèrent particulièrement intarissables quand on vint à parler de leurs héritiers — mâles, bien sûr — qui faisaient leur fierté. Les plus âgés venaient de terminer avec les honneurs les classes de l’école militaire. Les futurs prodiges qui auréoleraient de gloire leurs noms, leurs familles et leurs ancêtres auraient pu mériter, pour quelques verres de plus dans le gosier paternel, la béatification immédiate. J’étouffai un soupir derrière ma serviette.
Les dames, quant à elles, se complimentaient avec la sournoiserie d’une passe d’armes mortelle. On louait l’élégance d’une nouvelle coiffure pour mieux souligner la désastreuse allure des précédentes, rejetant la faute sur les exécrables artisans qui échouaient à mettre leurs clientes en valeur, tout en notant avec une feinte légèreté que la tâche était parfois bien ardue… Les nouvelles que l’on prenait avec sollicitude des absentes du soir dérivaient bien vite en un inventaire de leurs plus récentes mésaventures, assorti des plus fantasques et perfides extrapolations. Ce florilège de commérages semblait les rassasier bien plus que les plats raffinés et dispendieux qui refroidissaient dans leurs assiettes, sous leurs éclats moqueurs.
Atterré et nauséeux, je m’interrogeais sur l’incompréhensible logique qui les conduisait à brocarder leurs comparses excusées pour un soir. Un jour ou l’autre, elles seraient à leur tour indisponibles et seraient obligées de décliner une invitation ; ignoraient-elles qu’elles deviendraient alors le nouvel objet des railleries ? Pensaient-elles qu’une grâce particulière les immunisait contre la perfidie de leurs amies avides de médisance, ou bien acceptaient-elles la sournoiserie comme un élément naturel de leurs relations mondaines, avec lequel il était plus aisé de composer que de lutter ?
Assis auprès de cette assemblée, l’étendue de ma solitude m’apparut avec tant de force que des larmes brûlantes me montèrent aux yeux. Les hommes, les femmes… Jamais je ne pourrai prendre place dans l’un de ces groupes. J’aurais pu croire que ma jeunesse expliquait ma révolte devant tant de sentiments fats et contrefaits, si après le dîner je ne m’étais retrouvé seul avec les héritiers de nos invités. J’avais alors découvert la profondeur de l’abîme qui me séparait d’eux, tout autant que de leurs parents.
Après le dessert, les messieurs montèrent dans le salon privé pour y causer en fumant le cigare. D’un geste de la main, l’un d’eux m’invita à les suivre. J’allais accepter cette proposition aussi inattendue que plaisante — pour une fois qu’on s’intéressait à moi et me conviait dans un cercle fermé ! — lorsque mon père s’interposa, repoussant mon épaule de sa main avec un « non ! » qui claqua dans l’air comme un coup de pistolet. Je le regardai alors s’éloigner, suivi de ses amis, riant de quelques mots que je ne pus entendre.
L’hom

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