Les Sciences du patrimoine
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Les Sciences du patrimoine , livre ebook

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Description

Désormais, les traditions n'assurent plus la transmission de notre héritage culturel. Comment, dès lors, garantissons-nous la survie de ce patrimoine? Les sciences jouent à cet égard un rôle clé: ce sont elles, tout d'abord, qui permettent d'identifier les techniques et les matériaux utilisés jadis par les artistes; ce sont elles qui permettent de comprendre les mécanismes naturels d'altération et de destruction; ce sont elles, enfin, qui aident à la sauvegarde et à la restauration des ?uvres, des monuments, des restes du passé. De l'anthropologie à la chimie en passant par l'histoire et la politique, Jean-Pierre Mohen explore les techniques grâce auxquelles notre modernité assure la pérennité du legs des générations passées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1999
Nombre de lectures 5
EAN13 9782738173928
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

D U MÊME AUTEUR C HEZ LE MÊME ÉDITEUR
Les Rites de l’au-delà, 1995.
Collection « Sciences et Art » dirigée par Jean-Pierre Changeux et Jean-Pierre Mohen.
En couverture : Statuette en terre cuite (h : 27 cm ; l : 36 cm) trouvée en 1981 lors des fouilles Macintosh à Jenné-Jeno (Mali) et datée du XIII e siècle après J.-C. Sa découverte a permis d’identifier la civilisation de Jenné dans le Bas Niger. Le personnage féminin qu’elle représente avec ses parures et son couteau attaché au bras n’est pas connu (ancêtre, défunt ou divinité ?). Cette statuette emblématique de Jenné évoque outre la recherche archéologique, les mesures de consolidation et de protection de ces richesses patrimoniales (Bamako, Musée national du Mali).
© ODILE JACOB, JANVIER 1999 15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7392-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C’est pour les cœurs mortels un divin opium !
 
C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte–voix ;
C’est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !
 
Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !
B AUDELAIRE , « Les Phares »,
Les Fleurs du mal, 1857–1861
S OMMAIRE
Couverture
Titre
Du même auteur Chez le même éditeur
Copyright
Introduction
L’héritage culturel : un état des lieux
Le dynamisme des sociétés humaines : don et pardon
I - La transmission millénaire et le malaise contemporain
Transmissions millénaires
L’apparition de la notion de patrimoine
Héritage et malaise contemporain
Le système des valeurs de l’héritage culturel : une méthode pour appréhender l’héritage culturel
Transmissions aléatoires et responsabilité
II - Les causes de l’altération et de la destruction
Les causes naturelles : du vieillissement à la catastrophe
La responsabilité humaine : entre culpabilité et complicité
III - L’approche scientifique et la naissance des laboratoires de l’héritage culturel
L’avènement de la chimie moderne et le patrimoine
La révolution de l’image et de la perception
Les rayons X de Röntgen et les voyages au cœur de l’invisible
De Darwin à Freud : la naissance des sciences humaines
Les laboratoires de l’héritage culturel et la pluridisciplinarité
IV - Tekhnê et les métamorphoses de la mémoire
Identifier les matériaux
Secrets d’atelier : l’homme à l’œuvre
La métamorphose des héritages culturels
La nécessaire métamorphose
V - Que sauvegarder et comment ?
De la poussière à épousseter ou à consolider ?
Dérestaurer ou respecter l’histoire de l’œuvre ?
Restaurer : dans quelle mesure acceptable ?
Quand faut-il restituer la fonction liée à l’œuvre ?
L’œuvre a-t-elle un sens en dehors de son contexte ?
La conservation absolue sous haute surveillance
VI - L’authenticité : les repères du vrai et du faux
La valeur d’authenticité
Les faux absolus
Les degrés du faux et du vrai
Les critères de l’authenticité et la culture occidentale
VII - La loi et l’éthique : l’identité culturelle
De la notion de patrimoine en France à l’élaboration des lois
L’UNESCO et la recherche de l’éthique
Le trafic illicite et le retour des biens culturels
LES SUBTILITÉS DE L’INTERRELATION CULTURELLE
La recherche de l’intégrité des espaces culturels
VIII - Distorsions idéologiques : de la liberté à la pire humanité
La naissance de l’idéologie culturelle
Les régimes totalitaires
Conclusion - Science et conscience
Bibliographie
Crédits photographiques
Introduction

Babel, « ouvrage d’orgueil »

F IGURE  1 –  La tour de Babel, symbole de la transmission cumulée des savoir-faire humains, menace par son ambition l’autorité suprême du Créateur qui interrompt la construction de la Tour, en diversifiant les langues parlées et en introduisant la confusion dans la compréhension des mots. Ce thème est le sujet du tableau peint en 1563 par Pieter Bruegel et conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne en Autriche.
« Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet soit dans le ciel »... ( Bible, Genèse, 11). Ainsi parlèrent les fils de Noé à qui Dieu avait offert l’Alliance du nouvel ordre du monde, après la vengeance du déluge, contre la méchanceté des premiers hommes.
« Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier »...
« Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! »
Un même projet est né de construire, avec un même savoir-faire, les murs de l’ascension vers le ciel. Il est rendu possible par une même communication des mots compréhensibles par tous. Un même nom de baptême sera choisi, qui désignera le peuple unique de cette humanité faite à « l’image de Dieu ».
Mais Dieu s’inquiéta que Babel ne soit un panthéon de dieux. « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. »
En confondant le langage de tous les habitants de la Terre, Dieu introduisit la confusion des savoirs, entraînant l’arrêt de la construction de la tour et de la ville.
Le mythe de Babel, la Babylone du III e  millénaire, mais aussi, selon l’étymologie retenue dans la Bible, « la cité de la confusion », n’est pas seulement le mythe de la variété linguistique mais celui du projet culturel d’une humanité quasi divine, contrariée par l’orgueil : « La tour de Babel fut un ouvrage d’orgueil » (Bossuet, Élévations à Dieu sur tous les mystères de la religion chrétienne , VII).
L’événement de Babel est un mythe dans ce sens où l’aspiration divine de l’humanité créatrice douée de paroles est contrariée par la réalité de la division des groupes humains, voulue par Dieu, père de cette humanité, exigeant le pardon d’humilité.
Le mythe de Babel est aussi le point de départ d’une réflexion du peintre flamand Pieter Bruegel et de la réalisation en 1563 de l’un de ses chefs-d’œuvre, La Tour de Babel , conservé au musée des Beaux-Arts de Vienne en Autriche. L’artiste peint cette toile à Anvers, une ville active sur la rivière Schelde, non loin de son embouchure dans la mer. Les Espagnols occupent les Pays-Bas et veulent imposer leur foi catholique à des habitants gagnés par les idées de réformateurs comme Martin Luther, Jean Calvin et Ulrich Zwingli. N’est-ce pas le drame de la division d’une même communauté qui menace la prospérité et tout simplement l’existence de l’une des villes les plus peuplées d’alors avec ses quelque cent mille habitants en relation commerciale avec l’Amérique, l’Afrique et l’Orient ? Les marchands de soieries et de textiles fins, de colorants et d’épices, de céréales et de bois, de vaisselles glaçurées, d’or, d’argent et d’ivoire, sont italiens, portugais, français ou anglais, parlent plusieurs langues et se distinguent par leurs habits et leurs habitudes. Les souhaits des Anversois, quelle que soit la diversité religieuse, linguistique, ethnographique, convergent vers l’idéal de plus de richesse et de plus d’apparence de richesse. Pieter Bruegel peint Anvers comme si elle était Babylone et les Anversois de son temps comme s’ils étaient des Babyloniens du III e  millénaire. Le rêve de richesse est cette tour qui s’élève jusque « dans le ciel », ce monde de construction, ce vaste chantier où s’entremêlent les hommes de tous métiers, les matériaux de toutes natures, les machines de toutes inventions, ces mécaniques de gestes précis et répétitifs, ces brouhahas étourdissants.
Le goût du détail engendre l’impression d’une vie technique intense avec, pêle-mêle, les abris et les maisons de chantier, les échafaudages, les échelles, les potences, les grues à roue, les charrois tirés par des chevaux, des tonneaux et des brancards portés par des hommes, les baquets, la pelle, la pioche, la taloche, les leviers pour soulever les blocs de grès, les empilements de briques, des tas de chaux, et de troncs, les navires, les barques et les radeaux au niveau du port. Les noms manquent pour désigner chaque corps de métier qui s’affaire dans les sept étages de la tour monumentale disposée dans un paysage rassemblant le ciel, la mer et le fleuve, la terre, la plaine et la montagne rocheuse, la ville et la campagne. Les mots manquent encore plus lorsqu’il s’agit d’identifier le métier de ceux qui se reposent, allongés dans l’herbe. Le roi de Babylone, Nemrod, rend visite aux tailleurs de pierre du premier plan. L’un d’eux a gravé sur son bloc « Bruegel fe (cit) MCCCCCLXIII » (Bruegel a fait [cette œuvre] en 1563).
Le peintre illustre non seulement « la tour de Babel » mais « le mythe de la tour de Babel ». Il rassemble toute la matérialité et les savoir-faire pour un projet de civilisation ambitieux, qui aurait été divin si la « confusion » des langues et d’autres diversités, ethniques et professionnelles, n’était pas intervenue.
Cet échec programmé n’est pas manifeste sur le tableau de 1563, mais il évoque pourtant celui d’Icare, mythe d’un héros plus individualiste, certes,

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