Les Variations Darwin
118 pages
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Les Variations Darwin , livre ebook

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Description

Un homme de théâtre ; un homme de sciences. Darwin, Kafka, Nietzsche, le singe, le cerveau, la place de l’homme dans la nature, le vivant, les OGM, les nouvelles procréations, l’ordinateur. Des comédiens, une scène, des textes qui se déplacent et se répondent. Jean-François Peyret et Alain Prochiantz témoignent de la matière vivante qui leur sert à créer du théâtre. On y trouvera la partition de leurs deux derniers spectacles, Des chimères en automne et Les Variations Darwin, mais surtout un écho direct d’un processus de création unique en son genre. Jean-François Peyret est metteur en scène de théâtre et enseigne à l’université Paris-III. Alain Prochiantz dirige le département de biologie de l’École normale supérieure. Il est l’auteur de La Biologie dans le boudoir, des Anatomies de la pensée et de Machine-Esprit. Tous deux ont publié La Génisse et le Pythagoricien.

Informations

Publié par
Date de parution 15 juin 2005
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738187352
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , JUIN  2005
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
EAN : 978-2-7381-8735-2
www.odilejacob.fr
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Avertissement

Ce livre se donne pour but de mettre à la disposition des lecteurs et spectateurs les différentes étapes de la fabrication des deux dernières pièces que nous avons signées ensemble : Des chimères en automne et Les Variations Darwin . Il s’ouvre et se ferme sur des éclaircissements du scientifique et du metteur en scène sur la raison de cette entreprise. Il faut insister sur le fait qu’il ne s’agit pas ici d’une entreprise du type Sciences/Art (« sci-art », comme disent les Anglo-Saxons). Les deux protagonistes creusent chacun son sillon dans le domaine qui est le sien. Pour le scientifique, il s’agit de faire de la science sur un autre tempo que celui du laboratoire et de nourrir sa réflexion de scientifique, à l’opposé du mythe du savant cultivé. Pour le metteur en scène, la question est celle de l’existence d’un théâtre qui « réagisse » à son temps. Ce qui fait se rejoindre ces voies parallèles, c’est tout simplement l’amitié et surtout une complicité esthétique.
Entre ces deux « manifestes » qui ouvrent et ferment l’ouvrage, le prologue et l’épilogue, est livré un échantillon de matériaux, les matériaux Darwin, à partir desquels les deux pièces ont été écrites, puis jouées.
Il reste à s’expliquer sur le mode de la fabrication. Comment passer des matériaux à un texte représenté ? Les matériaux présentés ici ne sont qu’une petite fraction de ce qui a été écrit ou glâné ; de même les deux partitions, les textes joués, ne sont que l’état final d’un processus de sélection à partir d’une partition – partition 0 – produite par le metteur en scène sur la base du matériel de départ. Cette partition se transforme au fil des répétitions, interprétations et improvisations des acteurs, et des entretiens avec divers scientifiques, philosophes, ou autres intervenants sollicités par les auteurs. Le texte final, le sixième ou le septième état de cette évolution, est donc le fruit d’une sélection pas très naturelle. Il s’agit là d’un travail collectif qui engage principalement le metteur en scène et ses acteurs. Le scientifique n’intervient à aucun stade de la fabrication pendant les répétitions, si ce n’est pour alimenter la conversation, ou pour réécrire certains passages, ou en introduire de nouveaux. D’une certaine façon, il est entendu que, dès que le travail de plateau commence, l’objet lui échappe pour mener sa propre vie. S’il signe le texte final et les pièces, ce n’est pas parce qu’il serait devenu auteur, mais parce qu’il a participé à la fabrication de l’objet et qu’il s’engage au côté du metteur en scène pour en assumer pleinement, la forme et le contenu.
Il demeure vrai qu’au regard du théâtre, le texte a ici un statut particulier. La tradition veut que le texte précède la représentation, du moins la mise en scène, que le texte contienne possiblement toutes ses représentations ou que celles-ci l’actualisent. Un texte est écrit, et le travail du théâtre est de le mettre dans l’espace, de le représenter devant un public, ici et maintenant. Dans notre « creativ method », les facteurs sont inversés. C’est le théâtre (la scène, les comédiens et tout le dispositif artistique et technique) qui écrit le texte dans le mouvement des répétitions. C’est dire aussi l’extrême singularité du texte final, produit par des singularités, à commencer par les comédiens eux-mêmes. D’autres comédiens, et c’était un autre texte. C’est dire que les comédiens ne sont pas utilisés ici pour leur talent d’imitateur, leur habileté à « traiter » le texte, un texte qui existe déjà (incarner un personnage, donner vie à des mots qui sont déjà définitivement fixés par l’auteur), mais comme instruments de recherche et d’invention. S’il y a quelque chose à trouver dans les matériaux proposés, c’est à eux de l’exprimer, au sens où un gène s’exprime. C’est du reste pour souligner l’importance des comédiens que leur nom (prénom) demeure dans les textes présentés ici : question de signature. Respect de l’individuation. Dans ce théâtre, les comédiens sont d’abord eux-mêmes : ils ne jouent pas à être un autre. Ils n’ont pas à faire semblant. Si le comédien n’est pas un autre, il n’en est pas moins altéré par l’expérience, par les mots, les pensées qu’il a à faire passer par son corps. Il fait l’épreuve d’une altérité différente que de coutume, pas de l’ordre de la simulation d’un autre, de l’autre. D’où la gageure : est-ce que ces textes peuvent avoir une existence au-delà de la circonstance qui les a produits ? S’ils sont consignés dans ce livre, c’est qu’ils sont censés être lisibles, c’est-à-dire dignes d’être lus. Sont-ils jouables, c’est-à-dire susceptibles d’être repris par d’autres, d’autres comédiens, d’autres gens de théâtre ? C’est à voir, c’est le cas de le dire. Et si tel n’était pas le cas, serait-ce si grave ? Ils auraient connu le sort de tous les êtres vivants qui, singuliers, uniques ne vivent qu’une seule fois. Ce n’est déjà pas si mal.
 
(L’ensemble des partitions et des matériaux qui ont servi à la confection de ces spectacles est consultable sur le site de la compagnie : tf2.asso.fr)
Prologue

D ARWIN  : « J’ai dit que sur un point précis mon esprit a changé au cours des vingt ou trente dernières années. Jusqu’à l’âge de trente ans, ou au-delà, différentes formes de poésie, comme les œuvre de Milton, Gray, Byron, Wordsworth, Coleridge et Shelley, me donnèrent un immense plaisir et même, enfant, à l’école, je prenais un plaisir intense à Shakespeare, en particulier à ses pièces historiques. J’ai aussi mentionné que, dans le temps, la peinture et, encore plus, la musique me donnaient des joies considérables. Mais depuis de nombreuses années je ne supporte plus de lire une ligne de poésie : j’ai récemment essayé de lire du Shakespeare et j’ai trouvé ça ennuyeux jusqu’à la nausée. J’ai pratiquement perdu tôt le goût pour la peinture ou la musique… Cette perte curieuse et lamentable du goût pour les plaisirs esthétiques les plus élevés est très étrange, si l’on considère que les livres historiques ou les biographies et récits de voyage (indépendamment de tout fait scientifique qu’on pourrait y trouver) et les essais de toute sorte continuent de m’intéresser autant que par le passé. Mon cerveau semble être devenu une espèce de machine à produire les idées générales à partir d’un large rassemblement de faits, mais pourquoi cela devait-il s’accompagner de l’atrophie de cette seule partie du cerveau dont dépendent les goûts esthétiques supérieurs, je ne peux le concevoir. Un homme avec un esprit d’un plus haut niveau d’organisation, ou mieux constitué que le mien, n’aurait, je le suppose, pas souffert de cette façon ; et si je devais revivre ma vie, je m’imposerais de lire de la poésie et d’écouter de la musique au moins une fois par semaine ; car peut-être que les parties de mon cerveau ainsi stimulées et qui se sont atrophiées seraient restées actives. La perte de ces goûts est une perte de bonheur, et pourrait bien être nuisible à mon intelligence et, plus probablement, à mon sens moral, par l’affaiblissement de la part émotionnelle de ma nature. » ( Autobiographie , page 84.)
 
Écrire de la science, ou autour d’elle : histoire, monographies, réflexions sociologiques, tentatives épistémologiques, polémiques. Voici, peut-être, venu le moment de s’expliquer sur cette activité, placée aujourd’hui dans le cadre de la collaboration – longue de plusieurs années d’amitié – avec Peyret, mais en fait bien plus ancienne. Publique, en tout cas, depuis 1987, année des Stratégies de l’embryon , et qui, sous une forme ou une autre, s’est poursuivie sans trop discontinuer. Pas neutres, ces changements de forme, oscillant de l’essai au pastiche en passant par la biographie, ou le journal intime, pour aboutir – provisoirement – à ces Variations . Autant de tentatives, ratées, ça rate toujours, dans la recherche d’un mode d’expression en science, distinct de l’article scientifique. Mise en forme de ces ruminations, monologues qui accompagnent les activités mécaniques, marche à pied, jogging , fragments de nuits les yeux au plafond.
 
Pourquoi écrire la science et comment trouver une forme d’écriture contemporaine ? D’emblée une tentative de réponse, ensuite le développement sur ce que je perçois du comment et du pourquoi. J’écris de la science, parce que je sais, d’expérience, que l’écriture en marge de l’activité normale du laboratoire constitue, pour moi en tout cas, une part importante du travail scientifique. Je n’en fais pas une affaire générale, d’autres s’en passent qui sont de remarquables professionnels. Il ne s’agit pas de vulgariser la science, ni de s’expliquer sur ce qu’elle est, son rôle dans la cité, pas seulement en tout cas. Il s’agit de science, tout simplement. Écrire me permet de penser le travail dans l’épaisseur du temps, et de donner aux idées neuves le temps, justement, de se construire. J’ai remarqué que ça marche, et il me semble que les tournants principaux intervenus dans mes préoccupations scientifiques sont toujours – ou presque – nés de l’écriture. En tout cas, c’est l’écriture qui les a accouchés. J’en donnerai quelques exemples plus loin. De nouveau, il y a sans doute d’autres voies pour aboutir

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