Memento Mori
177 pages
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Memento Mori , livre ebook

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Description

« Ma vengeance est perdue s'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue » — Jean Racine

Ida mène une vie solitaire dans une petite maison au milieu des bois avec son chat Lincoln. Mais son corps porte les stigmates de la violence inouïe à laquelle elle a survécu.
Alors qu’un orage éclate et s’éternise, quelque chose gronde dans sa cave... et coïncide avec le retour de Maxwell à Woodsborough. Dès lors, les souvenirs qu’elle s’était efforcée de refouler menacent de tout ravager sur leur passage.
Ida tente de percer le secret de cette mystérieuse présence et de recoller les pièces de sa mémoire défaillante.
Mais est-ce vraiment la meilleure chose à faire ?


Déconseillé aux moins de 16 ans.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 juin 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782492240645
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Memento Mori
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
© Sara Tyrell, 2022
© Éditions Octoquill, 2022
 
Pour la couverture
© Dehlya Studio Graphique
 
Pour la correction
© Estelle Chariat
 
 
 
Tous droits réservés.
 
Dépôt Légal : 2 ème trimestre 2022
 
Le présent ouvrage est protégé par le Code de la Propriété Intellectuelle. De ce fait, toute reproduction partielle ou totale est interdite sans l’accord de l’éditeur et de l’auteur.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La vengeance est boiteuse. Elle vient à pas lents, mais elle vient.
 
Victor Hugo
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Partie I
 
 
 
Dimanche
 
 
 
 
Et de toutes les questions que l’on peut se poser à ce sujet, la plus terrifiante est sans doute celle de savoir la quantité d’horreur qu’un esprit humain peut endurer en demeurant intégralement lucide.
 
Stephen King
 
 
 
 
BOIS D’EMNA GROVE, Maison d’Ida
 
Le soleil perçait à peine à travers les rideaux de sa petite maison au bord du lac, mais Ida était déjà réveillée depuis un moment. Assise sur le bord de sa baignoire, elle regardait l’eau couler et elle versa du gel douche dont le parfum embauma la pièce. Elle retira son peignoir en évitant son reflet dans le miroir. Ses longs cheveux bruns arrivaient jusqu’en bas de son dos. Lorsqu’elle les releva dans un chignon, elle dévoila les vieilles cicatrices qui marquaient son corps. Elles parcouraient sa peau des épaules aux cuisses, ayant laissé leurs griffes sur ses seins puis son ventre. L’attaque avait été violente : des blessures au couteau, entre les coups de poing et les morsures.
Elle se glissa dans son bain et accentua le débit d’eau chaude. Sa peau rougissait, mais la chaleur l’apaisait. Calmement et sans bruit, Lincoln, son chat noir et blanc, sauta sur le rebord de la baignoire. Ida releva ses jambes et, comme à chaque fois, il bondit sur ses genoux maintenant émergés. Lincoln était sa seule compagnie. Il comprenait en un regard et, au moins, ne posait pas de questions. L'animal la suivait partout comme son ombre, et par-dessus tout, il avait au creux du cou une odeur qu’elle adorait. Elle lui adressa un sourire affectueux alors qu’il nettoyait sa patte avant, installé sur sa propriétaire. Ida se dit que la position ne devait pas être des plus confortables, puis se rappela que les chats avaient cet avantage à pouvoir trouver du confort n’importe où. Et Lincoln en était un parfait exemple, puisqu’elle le découvrait souvent endormi sur ses livres ou dans l’évier.
Un bruit, difficilement perceptible pour une oreille humaine, les fit tous les deux tourner la tête dans la même direction. Ida, d’un air surpris, parla à Lincoln :
— De l’orage   ? C’est pas ce qui était annoncé.
Et d’un coup, un bruyant coup de tonnerre résonna. Lincoln sursauta et s’enfuit hors de la pièce. Ida soupira et sortit de l’eau.
— Lincoln   !
Elle remit son bain à plus tard et enfila son peignoir pour aller chercher son chat terrifié.
Une fois au salon, elle remarqua que la couette épaisse qu’elle gardait toujours sur le canapé tremblotait. Elle la souleva doucement. Roulé en boule, Lincoln s’était caché. Alors, elle se glissa elle aussi sous l’édredon et laissa Lincoln venir à elle. Elle ne l’avait jamais brusqué, jamais étouffé, jamais forcé. Il vint timidement se blottir contre elle, un peu honteux d’avoir peur de l’orage, lui qui était si brave. Ce soir, il n’était plus qu’un chaton apeuré dont les battements du cœur s’apaisaient au contact d’Ida, et tous deux s’assoupirent au son de la pluie battante.
Mais à la cave, quelque chose qui avait sommeillé pendant cinq ans s’étirait.
Elle revenait.
 
 
QUARTIER DE L’UPPER SHERWOOD , Hôtel
 
Sous la pluie diluvienne, Maxwell s’extirpa du taxi et tendit la main à Elsa pour l’aider à en sortir à son tour. Il mit sa veste par-dessus elle pour la protéger et ils s’engouffrèrent dans l’hôtel. Trempés jusqu’aux os, ils se sourirent, rassurés d’être abrités. Elsa jeta un coup d’œil dehors : le ciel était noir et la pluie fouettait avec force les fenêtres du hall.
— Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu d’orage à cette période de l’année, dit-elle.
Elle était grande et mince à la peau brune et son visage, imparfait mais agréable, était perdu au milieu de sa tignasse noire bouclée. Ses yeux sombres scrutaient la pénombre soudaine de la rue.
Derrière elle, Maxwell, qui entamait sa trente et unième année, la regardait, un sourire en coin. Son teint hâlé faisait ressortir le vert émeraude de ses yeux clairs qui avaient toujours laissé filtrer ses sentiments les plus primitifs : ils pouvaient brûler de désir, noircir de rage et glacer d’indifférence. En l’occurrence, maintenant, il fixait Elsa avec envie sans prêter attention à la météo qui semblait surprendre tout le monde sauf lui.
— Allez, viens, j’ai envie de prendre une douche.
Il s’approcha d’elle, l’entoura de ses bras et lui glissa à l’oreille :
— Et j’ai très envie que tu la prennes avec moi.
Elsa sourit et ils s’embrassèrent. Maxwell avait souvent des pulsions soudaines et insatiables qu’elle peinait à combler, mais pour ses yeux magnifiques, elle aurait obéi à ses désirs cent fois plutôt qu’une.
 
 
QUARTIER DE MIDTOWN SQUARE, Cimetière
 
Sous le ciel obscurci, Jimmy déposa une magnifique gerbe de fleurs sur la tombe de sa mère, plus par devoir que par envie. Il l’avait toujours crainte, cette femme sévère à la main lourde et il se demandait souvent si son affection n’aurait pas pu l’aider à chasser les fantômes qui hantaient son esprit. Il se souvint qu’elle n’avait jamais cédé face à sa peur panique du noir, car le noir n’était jamais complet pour lui : il voyait des choses qu’il n’aurait jamais eu le courage de lui décrire. Elle éteignait systématiquement les lumières et fermait la porte : elle disait qu’affronter ses peurs était bénéfique pour lui. Et il essayait de la croire, chaque soir, jusqu’à ce que le soupir froid d’une ombre sans visage vienne lui glacer la colonne vertébrale. Et chaque soir, c’était d’épuisement qu’il s’endormait caché sous sa couverture... Lorsqu’elle n’était pas furieuse contre lui et ne l’enfermait pas dans le placard pour lui faire avouer que ses visions n’existaient pas.
Il resta planté là un long moment, observant les familles endeuillées venant pleurer leurs aimés disparus. Le cimetière, l’endroit le mieux entretenu du secteur, dont les tombes étaient d’un blanc étincelant et espacées de façon régulière et géométrique, était d’un calme reposant pour lui, loin de la folie contagieuse du quartier de Carsoli, où il s’était installé dès sa majorité. Il avait refusé de retourner dans son ancienne maison, avait préféré fuir les souvenirs de sa vie misérable en quête d’un quotidien extraordinaire qu’il n’avait jamais trouvé. À 38 ans, Jimmy, qui n’acceptait pas de se voir vieillir, avait gardé la forme de ses 20 ans, et même si quelques rides venaient creuser son front, ses cheveux et sa barbe blond polaire lui donnaient l’air d’être hors du temps, imperméable aux années qui passaient. Grand de presque deux mètres, son imposante carrure robuste jetait une ombre conséquente sur la tombe de sa mère. Ses yeux d’un bleu givré allaient de passant en passant, essayant d’imaginer leurs vies, leurs peines, et, pourquoi pas, les raisons de leur indifférence.
Un souffle froid raidit sa nuque et il s’immobilisa. Une présence invisible hérissa tous les poils de son épiderme. Il regarda autour de lui d’un air inquiet. Tout était normal et silencieux. Alors, le frisson glacé s’étendit à son corps entier et une brume fraîche et blanche sortit de ses lèvres avant de repartir aussi soudainement qu’elle était arrivée. Il entendit, tout près de son oreille, une voix incertaine et implorante :
— Jimmy.
Elle était aussi familière que lointaine.
Au même moment, quelques gouttes de pluie vinrent assombrir la tombe de feue Mme Karlsson, et rapidement la petite averse fit place à des trombes d’eau agitées par un vent fort. Au-dessus de lui, un éclair perça le ciel et le tonnerre fit trembler les arbres.
Un orage à réveiller des morts , se dit Jimmy en regardant les visiteurs courir vers l’abri le plus proche.
Il imagina des bras sortir du sol.
Une sensation étrange lui ôta l’envie de plaisanter. Une présence. Celle, pesante, d’un inconnu qui l’observait. Mais le cimetière était désert de vivants.
Il salua sa mère et tourna les talons, puis avança calmement entre les tombes jusqu’à la sortie, où sa voiture de sport lisse et noire était garée. Il se glissa derrière le volant et regarda un moment la pluie qui venait mourir sur son pare-brise.
Quelle était cette voix qui l’avait appelé   ?
 
 
BOIS D’EMNA GROVE, Lac
 
Installée sur un banc au bord de l’eau, Ida regardait le soleil se coucher lentement derrière les arbres. La pluie tombait sur son parapluie et l’orage grondait au loin. La forêt paraissait calme mais Ida savait que ce n’était pas le cas. Les animaux ignorant les hommes ne craignaient rien ici : les bois étaient un havre de paix, refuge de tout un tas d’espèces et de légendes effrayantes et poétiques. Ils protégeaient Ida du reste du monde comme ils veillaient sur les animaux sauvages : égoïstement. L’endroit était d’une beauté à couper le souffle. Onirique. À tout moment, fées et lucioles pouvaient être surprises à jouer au-dessus de l’eau, témoignant d’une inégalable puissance magique baignant cette partie (ou même l’entièreté) de la forêt. Pour beaucoup, la présence de ces bois, si proches de chez elle, aurait inspiré de la crainte. Celle de l’inconnu, des bêtes et des légendes. Mais Ida n’avait pas peur. Toute petite au pied de ces hauts arbres qui la séparaient du centre-ville et qui les entouraient, elle et sa clairière, la jeune femme se sentait préservée du monde extérieur.
Ida posa son parapluie au sol et approcha de la rive. La pluie trempa ses cheveux

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