Mille et trois amours : Rencontrer Don Juan

Didier Straitur

Description

Mille et trois amours tente un récit imaginaire des derniers amours d’un personnage fictif, Juan, éponyme du héros de légende, en un lieu improbable et un temps revisité aujourd’hui, à travers les passions de trois femmes, trois rencontres des corps et des cœurs.
Sous le regard d’un médecin fictif, soignant sensible des corps en peine, et confident des méandres amoureux. Une manière d’écouter trois héroïnes trop souvent négligées face au grand séducteur Don Juan.
Comment échapper à cette image du bel homme, grand seigneur, prince charmant de l’amour, qui donne un instant sa flamme aux cœurs qui le courtisent ?

Informations

• Publié par: Les Éditions du Net
• Date de parution: 23 novembre 2022
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782312129440
• Langue: Français

Extrait

Mille et trois amours
Didier Straitur
Mille et trois amours
Rencontrer Don Juan
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12944-0
Avant lecture
Qui est Don Juan ?
Que dit-il dans les livres, au théâtre, à l’opéra ou au cinéma ?
Mille et trois amours tente un récit imaginaire des derniers amours d’un personnage fictif, Juan , éponyme du héros de légende, en un lieu improbable et un temps revisité aujourd’hui, à travers les amours de trois femmes, trois rencontres des corps et des cœurs…
Don Juan , figure mythique du séducteur aux yeux de tous ! Celui des œuvres littéraires, musicales, picturales dans ses tirades et dialogues de conquêtes féminines ! Mille et trois amours, et plus encore partout ailleurs, revendiqués en une longue liste déroulée par son serviteur !
Don Juan , amant désirant, en état d’âme révoltée. Et désiré dans l’attente intime des femmes. Comment échapper à cette image du bel homme, grand seigneur, prince charmant de l’amour, qui donne un instant sa flamme aux cœurs qui le courtisent ?
En même temps, haines, larmes et réprobations entourent les comportements de cet amant. Avec véhémence dans la bouche des femmes bafouées qui ont cru en lui, un moment, sans promesse de retour !
Don Juan mérite de succomber sous les coups du sort, orchestré par la statue d’un Commandeur vengeur dans le mythe, par la société avide de justice dans les tribunaux, ou par sa conscience lucide d’homme libre. Destin paradoxal d’un héros inspiré par le sublime autant que par la vanité de ses amours inconstants.
En distinguant la figure du séducteur de celles des prédateurs, harceleurs, violeurs qui transgressent la liberté de leurs victimes livrées à eux par pouvoir, chantage ou illusion.
Les pages de cet opuscule introduisent pour cela une distance de lecture, sous le regard d’un médecin fictif, soignant sensible des corps en peine, narrateur témoin des méandres de trois passions amoureuses.
Une manière d’écouter les confidences de trois femmes consentant à la séduction d’un homme, en attente de promesses vaines. Trois tentatives aussi pour fuir son emprise, et trouver une issue singulière, assumée corps et âme. Trois figures d’héroïnes trop souvent négligées sur les scènes face au personnage de Don Juan . Pour voir le séducteur en sens inverse…
À chaque lecteur de leur rendre justice en son âme et conscience.
Prologue
Tomasz – Carnet de bord
Depuis cinq ans, Tomasz exerce son métier de médecin au sein d’un village presque abandonné, loin des autres ressources d’une région sévère de causses montagneux. Arbres chétifs autour des maisons sur les plateaux, souffles véhéments du vent sur les crêtes, village étroit au long du lit d’une rivière asséchée, sauf à l’automne précipitée en torrent. Les habitants désertent les rues peu achalandées, le clocher de l’église ne sonne plus les messes, seulement les enterrements au fil des ans…
Tomasz n’y retrouve pas les images de son pays natal, la Roumanie , où il a passé son enfance, dans une famille pauvre, un pays encore en développement. Rien ne ressemble aux lieux et moments de son passé. Aucun point de repère individuel dans cet environnement sévère.
Un événement tragique a tout changé pour l’enfant roumain devenu adolescent. La disparition de ses parents dans un accident de la route, un dérapage contre un camion à la sortie d’un virage. Tout s’efface en un éclair. À peine recueilli par un oncle, il a bénéficié d’une bourse pour suivre un cursus d’études médicales en France . Juste assez pour une formation de médecin généraliste.
Plusieurs années d’études difficiles, avec un minimum de ressources à sa disposition. Peu de liens humains avec le reste des étudiants. Mais une volonté forte d’acquérir une pratique modeste de médecin. Et une occasion unique d’installation proposée dans ce village, cabinet et logement neufs, au service d’une population délaissée, dans un pays de causses arides.
Avec des questions sans réponses sur son histoire d’exilé. Perdre ses parents tragiquement lui a ouvert un destin inattendu en France , au-delà des premiers pas hésitants dans la pauvreté de sa famille. Il garde au fond de lui les marques de ce sort brutal. Comment vivre sereinement ce destin surgi dans le drame ? Personne pour en parler avec lui dans ce pays qui l’accueille seulement pour combler l’absence d’un médecin parti en retraite.
Une seule banque, un comptoir postal à l’épicerie boulangerie, un garage de mécanique auto et agricole, un bar restaurant avec quelques tables au bord d’une petite place. Pas de pharmacie. Tomasz assure lui-même la fourniture des médicaments une fois par semaine, pour les habitants sans voiture.
Non pas un exil forcé. Sans mal du pays vraiment, malgré une absence de famille réduite à deux personnes lointaines en Roumanie . Mais un isolement local sensible. On se méfie de lui, venu de loin. On le consulte pour les fragilités courantes de santé, on s’adresse ailleurs pour les situations plus chroniques, en rejoignant l’hôpital régional, par-delà les virages et les pentes des routes abruptes.
De jour en jour, les mêmes consultations se suivent, quelques enfants, parfois des touristes de passage, beaucoup de personnes âgées. Personne pour établir un lien plus personnel, malgré la bienveillance d’un maire soucieux du bien-être des habitants. Ce médecin venu d’ailleurs reste un étranger auquel on ne confie pas son sort individuel.
Lui , comme devant des pages blanches, ne connaît presque rien des autres habitants qui vivent autour de lui sans le voir vraiment . Sauf trois femmes singulières venues à lui dans l’impasse de leurs amours ballottés au gré des circonstances…
Il décide de relater ses rencontres avec chacune d’elles, en un carnet de bord des rendez-vous qui les amènent en consultation à son cabinet, ou en dialogue improvisé dans le village. Un récit transcrit en trois actes où il se donne le rôle d’un témoin, à la troisième personne, confident de trois amours consentis auprès d’un séducteur. Une manière pour lui de rencontrer les personnages d’une comédie sentimentale où se joue le sort de ses semblables.
A CTE 1 – A NNE : L’épouse abandonnée
Première scène
Parmi les patients de Tomasz , ce matin froid de février, une femme en première consultation, à l’ouverture du cabinet médical.
Cette rencontre est inattendue. Jusqu’alors Tomasz n’a aperçu cette femme que de loin, une fois ou l’autre dans la rue, pour un événement civil, ou une fête locale. Peu d’informations à son sujet, par discrétion, mais sans doute des rumeurs dans les conversations ordinaires du village.
La jeune femme rentre assez brusquement dans le cabinet.
Taille fine, l’air timide dans son corps amaigri, sous une courte chevelure brune, un regard triste sur l’espace étroit, mais bien agencé du cabinet. En pantalon de jean, chaussures de marche, et manteau épais de laine grise sur un chandail blanc, trop large sur sa poitrine étroite. Temps d’hésitation devant le médecin, prête à se retourner et à franchir la porte en sens inverse. Elle sourit à peine en prononçant les premiers mots de son bonjour, du bout des lèvres.
Tomasz l’invite à s’asseoir devant son bureau. Elle marque un temps d’arrêt, encore debout, presque tremblante, comme absente d’elle-même. Elle finit par se laisser tomber sur la chaise tendue devant elle, sans ôter son manteau, son sac en tissu noir sur les genoux. Et sans un mot, elle en tire une grande enveloppe de papier kraft qu’elle tend et pose sur le bureau du médecin.
Tomasz l’invite à préciser le motif de sa visite médicale.
Je voudrais mettre fin à ma vie, dit-elle sombrement, mourir sans douleur ! Pouvez-vous m’aider ?
Vous comprendrez en lisant ces deux pages, les raisons de ma demande, mes souffrances, mes dernières volontés, si vous le voulez bien…
Je reviendrai demain soir connaître votre décision.
Elle se lève, se retourne et franchit la porte sans un mot de plus.
Tomasz en reste muet. Il saisit l’enveloppe et lit la page imprimée, références d’identité en tête, texte serré en caractères standard.
J’écris ces lignes pour authentifier mon choix assumé d’un geste final de ma vie, pris en toute conscience et liberté, avec l’aide d’un produit létal, le plus vite possible et sans regret.
Je me prénomme Anne . J’ai vingt sept ans. Sans enfant. Un mari absent la plupart de l’année. Une grande maison déserte au milieu d’un jardin peu entretenu. Une grande voiture noire, modèle d’un temps révolu, peu approprié aux routes étroites de ce pays abandonné.
Je n’accuse personne, même pas mon mari, Juan , pourtant au cœur de mon état. Je lui dois tout, mon premier bonheur et mon long malheur actuel. Je ne le condamne en rien, mais vois en lui la perte de toute envie de vivre encore, loin de notre mariage perdu. J’ai abandonné tout espoir de trouver un avenir approprié à mes attentes…
J’ai tout investi auprès d’un seul homme, depuis une dizaine d’années, mon amour, mes engagements, mes études et choix professionnels. Nos promesses mutuelles ont guidé nos premiers pas, une errance aléatoire, puis une installation dans ce village, des affaires hésitantes dans l’immobilier… Tout s’est perdu à jamais !
Mettre fin à mon existence reste ma seule obsession. Un jour ou l’autre, dans ma voiture jetée dans un précipice, au fond des eaux d’un étang, au bout d’une corde tendue au crochet d’une fenêtre ? Je ne sais même pas comment aller au bout…
À qui demander de l’aide pour atteindre ce point final ? Sinon à un médecin, à qui je veux confier mon corps pour un suicide assisté, par médicament, sans douleur.
Personne ne pourra être poursuivi en justice pour complicité ou incitation à mourir. Je signerai une décharge pour vous disculper de toute implication dans ma mort.
Aidez-moi à cela, je vous en prie !
La lecture de ces pages laisse Tomasz étourdi, incertain de la réalité des mots qui agitent son esprit. Comment répondre quoi que ce soit à ce désespoi