Opération Sabines
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Opération Sabines , livre ebook

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Description

Londres, 1937. Le jeune enchanteur Carroll Mac Maël Muad et son domestique Julius Khool, vieux soldat maure ayant servi dans les légions de la République romaine de Weimar, sont recrutés par le Special Operation Service afin d'exfiltrer un savant vénitien, dont les travaux dans le domaine de l'atome risquent de bouleverser l'équilibre des forces en Europe.

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Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2020
Nombre de lectures 4
EAN13 9782361834364
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Opération Sabines (Monts et Merveilles, 1)
Nicolas Texier

© 2018  Les Moutons électriques
Conception Mergey CD&E
Version 1.0.1 (30.10.2018)
Londres, 1937. Le jeune enchanteur Carroll Mac Maël Muad et son domestique Julius Khool, vieux soldat maure ayant servi dans les légions de la République romaine de Weimar, sont recrutés par le Special Operation Service afin d'exfiltrer un savant vénitien, dont les travaux dans le domaine de l'atome risquent de bouleverser l'équilibre des forces en Europe.
Ils ignorent cependant que ces découvertes ne sont pas convoitées que par les services de renseignements ennemis, mais également par une société secrète mêlant poètes, sorciers et créatures de l'outre-monde luttant pour leur survie. Loin de se passer comme prévu, l'opération "Sabines" amènera dès lors Carroll et Julius jusqu'au cœur des limbes, au long d'une route rythmée par les rencontres et les périls merveilleux.
Uchronie jouant sur les registres du roman d'espionnage, du polar, du roman d'aventures comme de la fantasy , Opération Sabines décrit une Europe où la magie côtoie locomotives, sabres, fiacres et arbalètes, et où les mages du M.I.6 croisent le fer avec les agents d'un Nouvel Empire romain œuvrant pour le désenchantement du monde. Roman vif et foisonnant, rédigé dans le style fleuri du vétéran qu'est Julius Khool, Opération Sabines se révèle aussi comme une réflexion sur les périls du progrès et sur les conséquences sociales et politiques qu'aurait l'existence d'une magie opérante.
Âgé de 48 ans, Nicolas Texier vit et travaille en région parisienne. Il est l'auteur de trois romans parus dans la NRF, aux éditions Gallimard, et contribue régulièrement à des travaux d'histoire militaire. Opération Sabines est sa première incursion dans le domaine de la fantasy .
PREMIÈRE PARTIE
1. Où je fais la connaissance de maître Carroll
Vous pouvez m’appeler Julius Khool. Je suis né au-delà du désert, et sous un autre nom, perdu désormais dans les limbes de l’enfance. J’ai été esclave, forgeron, mamelouk, légionnaire, porte-glaive, et il y a maintenant bien des années, parvenu au soir d’une vie de batailles, je décidai d’enfin poser les armes et d’embrasser la profession de domestique. Je servais alors depuis longtemps la bannière du roi Edgar, dans les troupes destinées à défendre nos comptoirs en Inde, mais en eus un jour soupé du gin, des currys et des climats extrêmes. Aussi, et sans pourtant posséder, dans les Royaumes-Unis de Grande-Bretagne, du Pays de Galles, d’Écosse ou d’Irlande, aucune attache ni famille, ni le moindre talent, à vrai dire, pour autre chose qu’éventrer mon prochain, panser mes chevaux et brocarder mes supérieurs, je décidai de rendre lance et uniforme puis de m’embarquer à bord du vapeur Excalibur , destination Londres, dans le but de me trouver un maître, un foyer, enfin quelque douceur de vivre…
Et c’est ainsi qu’à l’aube du 4 septembre 1937, je descendais de la passerelle du navire, humais, surpris, l’air vicié de la Tamise, foulais pour la première fois le sol des Royaumes et me dirigeais vers une agence de placement qu’un gabier, à bord, m’avait décrite comme des plus sûres. Les paperasses nécessaires à mon livret de serviteur avaient été remplies par mon chef d’escadron sous d’autres latitudes et après un rapide entretien avec un gratte-papier de ladite agence, j’optais pour le seul emploi digne auquel cet homme me voyait correspondre, entendais prononcer pour la première fois le nom de Carroll Mac Mael Muad et filais aussitôt me présenter au 115 Emhain street, domicile de celui que je me donnais dès lors comme nouveau maître.
Les Britanniques sont étranges, Londres une métropole aux dimensions d’un monde, et le spectacle qui s’offrit à moi sur le bref trajet jusqu’à sa demeure aurait tourné la tête à n’importe quelle bleusaille. Mais j’avais traversé (plus souvent cependant au milieu des flammes, qu’en déambulant ainsi tranquillement sans rien d’autre à la main qu’un baluchon de mes affaires) bien des cités de l’Orient charmeur, nombre de vallées encaissées, de déserts tourmentés, de forêts profondes et de bourgades emplies de senteurs inouïes et de teintes enivrantes. Aussi le tunnel bigarré de brumes, d’effluves, d’agitation et de mines insolites que forma mon trajet jusqu’à Emhain Street ne fit rien pour ralentir mon pas, lequel après des semaines de piétinements entre les plats-bords de L’Excalibur , semblait décidé à reprendre sa cadence virile et militaire. Tout au plus si deux ou trois estaminets s’offrirent d’étancher une soif qui, malgré l’air doux et le ciel un peu couvert du fin voile d’un smog beige, s’était présentée à moi dès l’instant où j’avais quitté la sobre poupe du vapeur – et maudit en fût le sir-capitaine, sire Yder de Gloucester, lequel avait cru bon, en m’ayant vu embarquer sous les traits d’un Maure farouche et solitaire, de me ferrer de deux ou trois façons différentes, les rares fois où je m’étais simplement avisé de partager le rhum avec des compagnons de bord et que ces agapes, débutées pourtant sous les auspices les plus civils, s’étaient malheureusement achevées par des mots, puis d’assez rudes coups, à vrai dire.
Bref, j’étais devant la porte du 115 avant que trois heures fussent passées après midi, et finissais par sonner, après un moment de perplexité, due autant à la digestion qu’au mauvais air de Londres lequel, depuis que j’avais quitté le dernier débit de boissons après une ultime tournée m’ayant laissé pour ainsi dire sur la paille, me semblait voiler tout des tourbillons d’une brume scintillante. Un carillon résonna plusieurs fois, sans effet, derrière la porte sombre. M’avisant cependant que, puisque j’étais précisément là pour cet emploi, maître Carroll ne devait pas bénéficier des services d’un domestique pour venir m’ouvrir, j’actionnai l’huis moi-même, sous l’œil pour le moins circonspect d’une mégère dont j’apprendrai plus tard qu’il s’agissait de mistresse Pye, la logeuse du 115, mais que je voyais pour l’heure me guigner, derrière les voilages, d’une mine sans doute destinée à m’avertir que, si j’étais un voleur, elle saurait appeler Scotland Yard. La porte finit cependant par céder, me dévoilant une entrée des plus banales, flétrie seulement d’une impression d’abandon et de désordre. Jugeant que maître Carroll devait être au logis, et enhardi, à vrai dire, tant par mon cœur de sabreur que par le talent des maîtres-brasseurs que j’avais salués sur mon chemin depuis L’Excalibur , je gravis promptement l’escalier, franchis encore une ou deux portes plus ou moins closes, avant de me trouver, brusquement, devant la silhouette allongée de maître Carroll Mac Mael Muad, esquire .
Il était nu, et il n’était pas seul. La pudeur était sauve, puisqu’un drap de soie pourpre enveloppait les deux corps, suggérant même quelque tableau à l’antique, du genre de ceux dans lesquels s’étendent les corps de Niamh et d’Oisin, au point qu’il est facile de constater que l’intérêt de l’artiste se trouve moins dans l’épisode lointain qu’il illustre, que dans les ombres et les courbes bien plus proches et concrètes de ses modèles. Tournée vers la grande fenêtre en ogive, la tête de la dame ne montrait qu’une ample chevelure brune, alors que ses atours m’étaient mieux soulignés par le drap, que s’ils m’avaient été offerts dans le peu de jours que de lourdes tentures de brocart laissaient passer entre leurs franges festonnées de velours.
Le visage écrasé sur l’oreiller, un bras pendant en dehors du lit, la bouche ouverte laissant filer un peu de bave, le maître des lieux montrait quant à lui les mèches et la bouille fine d’un godelureau sans envergure, fêtard, probablement beau parleur, dont les traits d’elfe et le bouc frisotté devaient empester la garce et le bellâtre. M’eussiez-vous donné une telle recrue, que je l’aurais d’abord rasée avant de prendre le temps de l’abrutir, à force de marches, de corvées et d’entraînements à la lutte, à la course et au maniement du sabre, afin de lui faire gagner en muscles ce qu’il aurait perdu des humeurs féminines dont le commerce du beau sexe avait sans doute empreint ses tissus virils.
Je comprenais à présent ce qu’avait voulu dire le placeur de domestiques, en parlant d’un emploi où la poigne et le tact étaient en même temps nécessaires. Je maudissais aussi le gabier que j’avais naïvement pris pour un ami lorsqu’il m’avait indiqué cette agence, probablement tenue par l’un de ses beaux-frères. La chambre était dans un chaos indescriptible de tissus, de bouteilles, de papiers, de coussins, de livres et de couverts. Il y régnait une odeur de fauve et de stupre, entremêlée à des relents de punch et de parfums vulgaires. La disposition de certaines bougies, voiles, musc, runes tracées à la craie sur les montants de la couche suggéraient probablement quelque rite de magie sensuelle que la morale réprouve. Comme les amants, le poêle ronflait encore, preuve que les tourtereaux pervers venaient probablement de s’assoupir, alors que l’après-midi passait, comme étaient passées la nuit puis la matinée, sans doute à d’interminables débauches. Éprouvant un vif coup de sang autant à ce tableau qu’à l’idée de m’être fait flouer et de devoir dorénavant servir un maître dont j’aurais désapprouvé la conduite, je titubai vers l’ogive, écartai brusquement les rideaux, ouvris grand les hauts battants de la fenêtre et pris sur la rue une grande goulée d’air, qui fit cesser mon tournis, balaya la pièce d’un vif courant d’air et me laissait un instant contempler le ciel vide et clair, suspendu loin au-dessus des toits et des humaines turpitudes.
Derrière moi retentit bientôt un premier grognement. Puis il y eut un juron et un cri étouffé, provenant sans doute de la dame, un « Bon sang mais c’est quoi ce bordel ? » proféré d’une voix râpeuse et suivi rapidement d’un bref et vif échange du couple aux timbres encore alourdis de sommeil. Lorsque je jugeai enfin que la dame avait dû se couvrir, je me tournai vers eux et avisai à deux pas

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