Orages en terre de France
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Description

À la fin du XXe siècle, la Guerre de Mille Ans qui oppose la France et l’Angleterre fait toujours rage dans les Provinces de l’Ouest. Au-delà des question territoriales, ce sont des divergences religieuses qui animent les deux Nations : le pape et l’archevêque de Canterbury se livrent à un véritable bras de fer par pions interposés...


Si bien qu’à travers toute la terre de France, des hommes et des femmes se débattent pour survivre...


Dans le Bas-Poitou, les expériences des médecins anglicans commencent à porter leurs fruits...


Tandis qu’en Île-de-France, les sermons enflammés du télévangeliste Frédéric d’Arles électrisent les foules.



Michel Pagel, que l’on connaît sans doute mieux comme écrivain de fantastique (avec sa vaste fresque La Comédie inhumaine), est également un excellent auteur de science-fiction et il le prouve encore une fois de manière magistrale, avec cette réédition d’une uchronie de la plus belle eau, construite en quatre époques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782361831554
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Orages en terre de France
Michel Pagel

© 2014  Les Moutons électriques
Conception Mergey CD&E
Version 1.0.1 (05.08.2016)
Ouvrage réalisé avec le soutien du Centre national du Livre
À la fin du XX e siècle, la Guerre de Mille Ans qui oppose la France et l’Angleterre fait toujours rage dans les Provinces de l’Ouest.
Au-delà des question territoriales, ce sont des divergences religieuses qui animent les deux Nations : le pape et l’archevêque de Canterbury se livrent à un véritable bras de fer par pions interposés... Si bien qu’à travers toute la terre de France, des hommes et des femmes se débattent pour survivre... Dans le Bas-Poitou, les expériences des médecins anglicans commencent à porter leurs fruits... Tandis qu’en Île-de-France, les sermons enflammés du télévangeliste Frédéric d’Arles électrisent les foules.
Michel Pagel, que l’on connaît sans doute mieux comme écrivain de fantastique (avec sa vaste fresque La Comédie inhumaine ), est également un excellent auteur de science-fiction et il le prouve encore une fois de manière magistrale, avec cette réédition d’une uchronie de la plus belle eau, construite en quatre époques.
Première Partie – Ader
(Comté de Toulouse, 1991)
Jehan Fillioux fut éveillé à l’aube par le son du canon.
Il ouvrit les yeux dans l’obscurité de sa chambre, immobile, attentif. Les explosions retentissaient sporadiquement — une par minute, deux tout au plus —, coups de tonnerre lointains, presque hésitants, comme si les obus s’étaient excusés d’accomplir un travail qu’ils n’avaient pas voulu.
On se battait à la frontière, à quelques dizaines de kilomètres de là. On se battait ? Non : on s’expédiait de part et d’autre ces messages de mort rituels qui, au fil des mois, évoquaient de plus en plus des cartes postales. Bonjour, nous sommes encore là. Bonjour, nous aussi. On se prenait, on se reprenait la même bande de territoire, encore et encore, sans que l’un ou l’autre des antagonistes pût se déclarer vainqueur plus d’une heure ou deux. Désormais, seuls trouvaient quelque intérêt à ces escarmouches ceux qui en faisaient régulièrement les frais, ceux qui recevaient lesdites cartes postales en recommandé — et sans accusé de réception, puisque nul n’en était arrivé à dédicacer la mitraille, fût-ce par dérision.
Jehan poussa un long soupir silencieux. Même si, en bon Toulousain, il éprouvait une antipathie viscérale, quasi génétique pour les Bordelais, il considérait cet échange de coups incessant entre son comté et le duché de Guyenne comme un inutile et épouvantable gâchis. Ni la France ni l’Angleterre n’y gagnaient rien ; seuls les hommes en pâtissaient. Des hommes qui étaient encore compatriotes moins de dix ans plus tôt et qui, cent cinquante ans auparavant, étaient déjà ennemis.
Et ainsi de suite, songea-t-il, amer. Presque mille ans de guerre plus ou moins continue. Record battu. Vive le roi.
Près de lui, couchée sur le ventre, sa femme dormait d’un sommeil de plomb. Il y avait beau temps que l’écho des combats ne l’éveillait plus. Elle s’habituait, comme tout le monde.
Comme presque tout le monde.
Lentement, pour ne pas la déranger, Jehan repoussa les couvertures et se leva. Il enfila slip et pantalon avant de quitter sa chemise de nuit et d’achever de se vêtir. À demi ouverte, la porte de la salle de bains lui proposait d’usuelles ablutions. Il l’ignora. On était dimanche : il ne travaillait pas. Nul ne lui reprocherait d’être sale et mal rasé. Et s’il puait quelque peu, son odeur aurait le mérite de lui rappeler qu’il était vivant.
Il gagna la cuisine et prépara son petit déjeuner. En faisant vite, il arriverait à l’église assez tôt pour assister à la première messe — celle qu’il préférait, car moins fréquentée et plus propice au recueillement.
Après l’envoi, lorsqu’il laissa derrière lui les vieilles voûtes de la cathédrale Saint-étienne et un sermon presque tout entier consacré au conflit, son abattement ne l’avait pas quitté.
Le jour était levé. Petit à petit, la vie renaissait dans la cité. Les boulangeries et les bars ouvraient leurs portes, les volets claquaient contre les façades colorées, les premières voitures démarraient, le bruit de leur moteur couvrant celui des obus.
Jehan rentra chez lui la tête basse, les poings serrés dans ses poches de pantalon. Pourquoi la guerre l’affectait-elle soudain à ce point, lui qui n’avait jamais eu à en pâtir ? Professeur de physique à l’université de Toulouse, il ne serait mobilisable que si le roi levait l’arrière-ban — donc uniquement en cas d’attaque massive des Anglais, ce qui semblait dans l’immédiat improbable. Depuis de longs mois s’étirant peu à peu en années, les souverains des deux nations semblaient se contenter du statu quo bâtard obtenu après la dernière offensive britannique. À en croire la télévision, de virulentes batailles se livraient plus au Nord, sur les berges de la Loire, mais sans résultat décisif.
Vu de ce comté où le Pavillon de l’Union n’avait plus flotté depuis des lustres, le conflit se teintait d’abstraction, prenait des allures de décor flou, de croquemitaine démodé dont chacun connaissait l’existence mais que nul ne croyait plus voir un jour.
Dès qu’il aperçut son épouse, Jehan sut qu’il ne resterait pas longtemps. À peine réveillée, encore en robe de chambre, Anne trempait sa première tartine dans son bol de café. À trente-cinq ans tout juste sonnés, c’était une très belle femme, malgré les quatre grossesses que lui avait accordées Dieu. Ils vivaient en bonne entente, aussi bien sur le plan du quotidien que sur celui du devoir conjugal, et Jehan ne regrettait pas de l’avoir épousée, mais ce matin, elle ne pouvait lui offrir ce dont il avait besoin : une oreille attentive, compréhensive. Anne partageait l’opinion de la plupart des Français — et probablement des Anglais : la guerre était voulue par le roi, donc par Dieu ; aucun effort, aucun sacrifice n’étaient trop importants pour que triomphent la justice et la vraie foi. Apporter le moindre amendement à cette formulation lui aurait semblé stupide, voire sacrilège.
Jehan avait longtemps partagé ce sentiment. Peut-être le partageait-il toujours. Au fond de son âme, il savait qu’il n’existait pas de salut hors l’église catholique, que les anglicans de Canterbury prêchaient une doctrine faussée, à la lisière du satanisme. La France devait gagner cette guerre, oui, bien sûr.
Mais si Dieu était bon, pourquoi permettait-il autant de morts ? Pour nous mettre à l’épreuve, dirait Anne, chaque soldat qui meurt pour sa foi gagne sa place en Paradis. Tiendrait-elle le même langage lorsque son propre fils serait en âge d’aller se battre ? Sans aucun doute, même si cela devait la tuer. Non, décidément, il ne pouvait pas rester.
« Clément m’a demandé de passer le voir, mentit-il après un baiser léger. Ça ne t’ennuie pas de préparer les gosses pour la grand-messe ? »
Sa femme secoua la tête.
« Qu’est-ce qu’il te veut, Clément ?
— Je n’en sais rien. Me montrer ses derniers calculs, sans doute. Tu sais comme il est : tant qu’il n’a pas fait vérifier ses équations par quelqu’un, il doute de lui-même. »
Anne sourit : elle connaissait bien l’ancien professeur de son mari, qui venait souvent dîner chez eux, et elle l’appréciait beaucoup — bien qu’il fît parfois preuve de trop d’irrévérence envers le clergé.
« Tu rentreras déjeuner ?
— Je pense. Sinon, de toute façon, je te téléphonerai. » Il l’embrassa sur le front. « à tout à l’heure. »
Jehan fit un rapide arrêt dans la chambre où son fils et ses trois filles, l’aînée n’ayant que dix ans, dormaient encore. Il consulta sa montre : sept heures et demie. Anne ne les éveillerait pas avant le milieu de la matinée, une fois rentrée de la messe de huit heures. Qu’ils dorment, songea-t-il en contemplant les visages enfouis dans les oreillers. Pendant qu’ils peuvent se le permettre.
Il referma avec délicatesse la porte de la chambre, avant de descendre au sous-sol où l’attendait la 2 CV Citroën flambant neuve qu’il venait d’acquérir à crédit.
Il irait bien chez Clément, décida-t-il en démarrant. Cela lui ôterait un peu de ses remords d’avoir menti. Étant donné sa disposition d’esprit du moment, le vieil homme serait en outre l’interlocuteur idéal.
Ils se connaissaient depuis près de vingt ans, depuis son entrée à l’université comme simple étudiant. Si Jehan s’était passionné pour la physique, s’il avait obtenu son diplôme en dépit d’une maladie l’ayant cloué au lit tout un semestre, c’était à Clément qu’il le devait. S’il était bon professeur également.
Il se souvenait de la déception lue sur le visage de son maître lorsqu’il avait renoncé à la recherche. Il avait pris cette décision la mort dans l’âme, juste après avoir demandé Anne en mariage, sachant qu’il lui fallait choisir entre un travail absorbant et une vie de famille normale. Clément ne dormait que trois ou quatre heures par nuit et, depuis qu’il n’enseignait plus, passait le reste du temps dans son laboratoire. Il ne s’était jamais marié.
Jehan prit la direction de Montauban. Celui qui était demeuré son ami au fil des années habitait une maison isolée en pleine campagne, au nord de Toulouse. Le sous-sol où Clément avait installé son laboratoire était une ancienne cave qu’un cimentage maladroit n’avait pas débarrassée de son odeur première, si bien qu’il y régnait un agressif parfum de vin, de métal travaillé et de produits chimiques. Le vieil homme ne paraissait pas s’en soucier. Jehan, lui, n’avait jamais séjourné dans la pièce sans hériter d’un furieux mal de tête ou de violentes nausées. Pour cette raison, bien qu’il adorât s’entretenir avec son ami, il lui rendait rarement visite, préférant le recevoir. Ce jour-là, il faisait toutefois fi des migraines : apaiser le tumulte qui agitait ses pensées valait bien un bref inconfort. Contre cela au moins, l’aspirine était efficace.
Après un bref trajet sur un chemin communal étroit et herbu, il se gara près de l’antique Panhard-Levassor que Clément ne se décidait pas à échanger contre u

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