Un étudiant à Paris
362 pages
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Un étudiant à Paris , livre ebook

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Description

C’est une surprise. Et la nuit coule imprécise et douce, il faudrait une machine capable d’en retenir et l’essence et la forme, la perspective. L’air pur, les piétons, les tramways, les vélos y sont pour quelque-chose, jusqu’aux réverbères illuminant les moindres aspérités de la chaussée ; elle les soutient, ils l’éclairent. Briques, tôles s’étoilent, le pavé, le fer des ponts, les bords de l’eau. Il n’y aurait, s’il n’y avait la vie qu’un peu d’éternité pâle, juste là. Il y reviendra lui qu’on va suivre et qui marche, piéton docile, un inconnu de plus qu’on croise et qu’on ne reconnaît pas. Il n’a pas dix-huit ans. On explorerait sa vie qu’il échapperait encore ; aidé par hasard, dès demain, identique, et changé de même, ainsi va l’eau, l’air et les étoiles. Cette porosité c’est là son mystère.

Informations

Publié par
Date de parution 28 février 2023
Nombre de lectures 2
EAN13 9782312131627
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un étudiant à Paris

Pierre Jalinière
Un étudiant à Paris
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2023
ISBN : 978-2-312-13162-7
Chapitre 1
C’est une surprise. Et la nuit coule imprécise et douce, il faudrait une machine capable d’en retenir et l’essence et la forme, la perspective. L’air pur, les piétons, les tramways, les vélos y sont pour quelque-chose, jusqu’aux réverbères illuminant les moindres aspérités de la chaussée ; elle les soutient, ils l’éclairent. Briques, tôles s’étoilent, le pavé, le fer des ponts, les bords de l’eau. Il n’y aurait, s’il n’y avait la vie qu’un peu d’éternité pâle, juste là. Il y reviendra lui qu’on va suivre et qui marche, piéton docile, un inconnu de plus qu’on croise et qu’on ne reconnaît pas. Il n’a pas dix-huit ans. On explorerait sa vie qu’il échapperait encore ; aidé par hasard, dès demain, identique, et changé de même, ainsi va l’eau, l’air et les étoiles. Cette porosité c’est là son mystère. La foule est loin derrière, suivant ses pas ; c’est qu’il quête un milieu difficile, des lumières, des ponts, la terre cuite. En juillet, la ville grouille et ce plus que jamais ; jupes, sandales, shorts, espadrilles, en lin, quelque-fois en coton – il faut des heures, et marcher longtemps pour quitter la foule – restent quelques rares habitants à l’année. Aussi grand, aussi blond qu’est Maxime, ils lui font l’effet d’amis lointains, de ceux qui vous ressemblent et dont pourtant l’on a perdu la trace. Enthousiasmé notre ami les saluerait tous s’il en était capable. Pour l’instant et n’osant les dévisager même, il les mêle aux ombres, aux scintillements des eaux. Il n’est pas dix heures, et c’est son premier soir ici. À l’hôtel, on l’a longuement dévisagé, il s’est senti coupable sans trop savoir pourquoi. Est-ce l’effet de sa jeunesse ? Qu’est ce qui pousse un français, et mineur à s’installer ainsi trois jours et seul dans une ville étrangère ? Amsterdam ? Justement, du quartier rouge aux coffee shop, l’ancien port, on le sait bien, draine à l’année des centaines de milliers d’étudiants, y aller seul et dans sa minorité, si la chose est plus rare, elle inspire d’autant la méfiance. Et pourtant Maxime n’envisage, pas d’allumer un joint ou tarifer ses pulsions. S’il a des buts, des désirs, ils sont de ceux qu’on satisfait aussi bien à Londres, Paris ou Rome. Il ignore – il est bien jeune – qu’il n’est pas deux villes identiques et qu’Amsterdam évidemment n’a rien d’un musée. Étudiante, variée, elle embaume un esprit qui n’appartient à personne. On ne saurait simplement passer de place en place, aller de l’avant en ayant simplement en tête d’aller contempler on ne sait quelle toile on ne sait où. Notre ami s’avance happé, grandi, certainement entouré. C’est un baume nécessaire ; la rupture est fraîche et l’avenir incertain. Il est des souffles qui, tout ignorants qu’ils sont de qui vous êtes, vous soulèvent assez pour qu’à leur contact on s’oublie – Et les peines les pires alors semblent frivoles ; un million d’âmes respirent et des dizaines de milliers, plus peut-être ont trop souffert pour qu’un malheur et surtout particulier tienne longtemps la conscience en éveil. Céline, qui manque, n’est rien. Est ce qu’elle a souffert ? Est ce qu’ils se sont aimés ? Sottises, croit-il, qu’on ressasse encore enfant et qui s’enfuient, dissoutes, quand vivant on tient un bout d’histoire là devant soi. Et pourtant, il y pense, il y revient sans cesse. À l’écart des foules à présent, voici la lune. Ses déclinaisons courbes, orientées, l’amènent, sûr qu’il est de ses pas, à dix jours d’un domaine dont les contours s’estomperont à leur tour. Si peu de choses, un rien de gène, des mots d’adieux. Oui, quoiqu’elle n’ait rien montré, elle a souffert, il en est sûr. Est ce qu’il a bien fait ? Et quoi d’autre ? L’écart se creuse. Elle part à Lille, il s’installe à Paris. En train tout de même, pas une heure entre eux. Il n’empêche, il a préféré proposer la rupture – qu’elle ait accepté et de si bon grès oh cela bien sûr, il n’y pensait pas. Mais qu’est-il pour juger son attitude ? Puis après tout, ils ont la vie en vue ; qui sait si dans un mois… ? Sous ses pieds, l’Amstel et tout devant l’avenir qui l’appelle. L’ampoule strie la surface, non des lagunes, un canal, et ce voile, brun, s’il n’éclaire, l’écarte un peu d’un pont qu’il fige ; à l’expression du passé.
Arrivé à seize heures, il s’est rendu jusqu’à l’hôtel à pied. Munis d’un plan, il a, si l’on veut, dégagée la ville de ses nombreuses illusions numériques ; les guides, les machines ont beau jeu ; alors, ce qu’on explore ce sont des faits – d’un monde à l’autre, de ceux là qu’on partage sans jamais soupçonner l’interprète de retrancher ou d’ajouter la moindre virgule. S’il n’y avait l’émotion, nul s’essaierait au voyage. À dix-sept heures, dans un café du centre. Morne Beauvais ! « C’est mieux oui, certainement c’est mieux ainsi. » Si vite tout de même, deux années. Il la revoit telle qu’elle était, ses espadrilles, son chignon, ses doigts fins. Mais qu’est ce qu’aimer ? Libérés , ils le sont. Le quartier rouge, les filles, il pourrait y passer la journée, l’oublierait-il ? Qu’est ce après tout ? Un célibat décrété ? Vivre ainsi qu’on passe entre les vitrines, embrasser sans aimer. Pas un passant, des lumières floues aux étages, des perrons courts, bourgeois. Là seul, le peu de pierres qu’il y ait en ville. Bombés devant lui, trois ponts en enfilade. Paris . Un sandwich à la gare. Deux vélos oscillent et s’enfuient. Sa jeunesse est curieuse, et s’il ignore s’il est aimé, il voudrait l’être un moment, tel qu’il est, hollandais. Alors il oublierait Beauvais . Trois ans, oui presque trois ans. Ils n’ont rien caché à personne – c’est qu’ils avaient des certitudes – de classe en classe – amis communs, goûts voisins, choix identiques et ces nuits ! Passage exquis ! Ah certes il y eu quelque gène au début, un peu d’ennui même quand ils étaient sur la fin. Depuis c’est vrai, plus aucun signe d’elle. À qui la faute ? La raison commune ou son orgueil ? Est ce qu’il s’en veut ? Fantomatique , vampant l’âme, elle l’absorbe en effet. Et ses dix-sept ans qui scintillent. Mêlés , rougissants quelque fois, ensemble, ils s’inspiraient. S’aimer ainsi devrait durer toujours. Mais il est tôt, on verra bien. Longeant un canal extérieur, il part à l’est et, délaissant l’Amstel , les musées, il paraît aux portes du crime dont nous parlions plus tôt. Comment s’imaginer ces choses, entouré comme il est d’aussi jolis édifices ? Son souvenir, rappelé, ne cesse de trancher avec ces douceurs. L’ignominie joint des volets exquis. Attentif , à cœur ouvert, il en a la nausée. Les enfants et les femmes, les innocents qui passent, l’air du temps, tout cela se mélange – le cri – le pire de l’histoire. Et Maxime , un de plus qui passe. Devant lui, les cafés et la foule. Ainsi , et le quartier juif à deux pas. On s’assied, on boit un verre, on discute – Il faut bien peu connaître Amsterdam , et ce même, moins que lui, pour n’y rien voir et passer à côté. Ces bruissements splendides, ces allées éclairées et ce sourire qu’on lui jette où qu’il aille, rassérènent un peu Maxime . Il jouit des distances, Paris à quatre heures, Beauvais à six. S’il n’y avait les visages, il y aurait l’eau ; on y est plongé comme à Venise , et comme ici, c’est laisser aller les gens, c’est tolérer les autres. On lui doit les casinos, les néons du quartier rouge. Un coup d’œil. Vraiment , on jurerait que les femmes lui sourient. Commerciale , imposée, la concurrence aiguise ; après tout à deux pas, quelques billets suffisent. Et pourtant, jamais aucune, dans sa vitrine, ne lui parait vulgaire ; toutes, à tout âge, ont dans les yeux quelque-chose ; elles imposent le respect. L’attitude importe plus qu’on ne sait quelle façon dont sont portées les jupes. Rembrandtplein . Si nombreux qu’ils soient, il n’est pas un passant qui l’inquiète. La ville est vivante, on remarque, allant, sa variété. Au centre, monumentales, accolés à la statue du grand peintre, des bronzes, dimensionnés, reproduisent la ronde de nuit ; vélos et tramways les enclavent, comme s’agrippant au passé. Cour invisible, sombre espèce, l’ombre du peintre altère, et Maxime s’assied en terrasse, commandant un verre. Autour de lui, des retraités français, incongrus vu l’heure, et beaucoup d’étudiants. L’air est doux quoiqu’on soit au cœur de l’été, jambes étendus, verre à la main, Maxime , insoucieux, suit des yeux des passants par dizaine. L’année prochaine il sera logé à quelques rues à peine du bâtiment principal de son université. Avec sa bourse et les aides, il en sera pour deux cents euros par mois, sa mère lui versera cette somme. Pour le reste, il peut tenir quelques mois avec la valeur du prix qu’il a gagné l’année dernière – Il s’est fait l’un des meilleurs bacheliers de France – après il faudra travailler. Cela ne l’inquiète pas. Il peut donner des cours ou servir dans les cafés nombreux du quartier latin. Il est volontaire. Maxime a brillé sans beaucoup d’efforts. Les livres ouverts, l’encre et la plume, la vivacité, la fraîcheur, l’érudition partout, certainement c’est un personnage. Qu’il fut envié, qu’on l’ait aimé, qu’a-t-il connu sinon l’excès de bien ? Céline et ses études, sa mère aimée, et s’il a vécu sans père, ses professeurs, croit-il, ont compensé. Non , ce soir, s’il n’y avait leur rupture, il irait à merveille. Assis ici, l’étreint la scène, ses mots reviennent encore : « Oui , c’est mieux. » rien de plus, pas un cri, c’est inexplicable. Depuis , cent fois il a pensé la joindre – c’eut été trop lâche. Eut -il été plus heureux s’il l’avait vu pleurer ? Ses traits exquis, ses yeux, ses fossettes, et la distance. Il a bien fait, il fallait rompre. Quelles ont été ses mots ? Voyons c’était quelque-chose qui ressemblait à « Est ce qu’on peut rester ensemble ? » oui, quelque-chose comme ça – Elle a souri – « Non je ne crois pas » fut sa réponse. Rien de plus, ils se sont entendus, poin

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