Un goût de rose

Nigel Greyman

Description

Un joli démon de midi plante sa fourche dans la libido du professeur Mortimer Hateway

Sujets

• Fiction

Informations

• Publié par: Ska Éditions
• Date de parution: 18 juin 2013
• Nombre de lectures: 48
• EAN13: 9791023401646
• Langue: Français

Extrait

Nigel Greyman

Un goût de Rose

Nouvelle traduite de l’anglais par Max Obione

Collection Culissime

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I

Brighton, 14 décembre 1936…

Hateway grelotte. Il a remonté le col de son duffle-coat. Environné d’humidité marine, adossé à un pilotis, sous laBrighton Pier, de ses yeux décavés et fixes il regarde les vagues de la marée montante se briser sur les poteaux soutenant la jetée. La blancheur de l’écume éclaire l’obscurité. Sa mine est affreuse, sa barbe de trois jours mange son visage gris. La passion le dévore, les pulsions sexuelles le submergent sans qu’il puisse escompter les satisfaire pleinement désormais. Elle s’est moquée, l’a traité de vieux chnoque, elle l’a congédié. En cet instant, elle s’amuse avec des gommeux de son âge dans le Palais des coquillages, là-haut, au-dessus de lui, 3

sous les ors du Palace. Il entend les musiques syncopées des bastringues, les rengaines diffusées par les phonographes, les cris, les chants des hommes ivres, les rires des femmes chaudes, les claquements de pétards. L’odeur des gaufres et des poissons grillés l’enveloppe parfois au gré du vent tournant.

Quelques jour auparavant…

Bentham, 11 décembre 1936…

Mrs Hateway éleva la voix :

s’impatientait.

Elle

— Mortimer, mon cher, je vous prierais de descendre, il est temps de souper.

Le professeur de philosophie de l’Institution Hotskisch de Chester

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Abbey achevait de corriger une pile de copies. Il répondit d’une voix troublée :

— Je viens, ma chère …

Le cœur de Mortimer Hateway s’affolait, son cœur tambourinait dans sa poitrine, ses oreilles bourdonnaient. Son pantalon connaissait une expansion qu’un observateur (ou une observatrice) aurait rapprochée du feu de ses joues.

Hateway bandait.

Pour la troisième fois, il relut la dissertation de Rose Bennett qui comptait seize printemps :

« baise baise rebaise défonce moi ta queue mets la toute déconne sors repasse mes lèvres de ton gland velours enfourne maintenant à fond tape tape cavale griffe mon cul démolis déconne encore c’est sec crache sur ma chatte ah tu aimes j’aime que tu foutes comme

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un fou baise baise baise pisse en moi fais un effort mollis pas que je sente ton jus ton foutre ta sale liqueur poisseuse ta queue je ferai sa toilette prends mon trou pousse doucement t’es passé bourre bourre je jouis salaud mon salaud je jouis… »

Durant trois pages, le professeur ne lut que foutreries. Cette élève était manifestement fâchée avec la ponctuation mais les coïts ainsi relatés frisaient la frénésie. Ce sage Hateway était assailli d’interrogations. A-t-elle fréquenté l’Enfer de la bibliothèque ? D’où provient ce vocabulaire abject ? A-t-elle connu, si jeune, ces voluptés ? Etre dans le sujet certes, mais à ce point-là ? Comment pourra-t-il demain lui remettre sa copie ? Pourra-t-il seulement la regarder ? De quels regards Rose le gratifiera-t-elle en retour ? Son sang gonflait son organe du plaisir, dur à souhait. Sans doute la

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rédaction de cette pernicieuse pucelle n’était-elle qu’une invitation à la débauche. Une outrance, une provocation d’allumeuse. Il se rengorgea cependant. Inspirerais-je de l’intérêt chez ce cancre de Rose pour qu’elle me provoque de la sorte ? Il se considéra tel qu’il était : petit, cheveux rares, bedaine naissante et dents jaunies, presque sexagénaire. Qu’importe, il lui plaisait de croire en cet instant qu’il pouvait encore inspirer du désir. Mais dans l’instant précisément, il ne pouvait se lever dans cet état notoire d’érection. Mrs Hateway, bien que fort peu apte à satisfaire en temps ordinaire sa libidineuse parcimonie, ne pouvait qu’entrevoir ce trouble coupable chez son mari. Il referma la copie, respira fortement afin de chasser les images de Rose en proie à ce délire de sexe débridé. Qu’avait-il aussi eu besoin de donner un tel sujet pour cette épreuve de novembre ?« À partir d’une 7

expérience personnelle, vous ferez le partage entre sensation et émotion. »

— Désolé, Mortimer, je dîne sans votre présence, ce que je regrette infiniment. Je vais demander à Mita de desservir votre couvert...

Hateway finit par descendre à la salle à manger.

— Vos rhumatismes, je présume ?

Dos courbé, il rejoignit sa chaise, évitant de croiser le regard de son épouse et se mit à table.

— En effet, marmonna-t-il en lapant son potage froid à grandes cuillerées bruyantes.

— Vos oreilles sont rouges, la fièvre sans doute ?

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