Journal d un instit de campagne
114 pages
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Description

« Aujourd’hui, l’élève n’apprend plus grand-chose à l’École mais il y croise de belles leçons de lâcheté, de malhonnêteté et de perversité. Il ne saura plus lire, ni compter, mais saura – peut-être – bien nager en eaux troubles ! »

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Publié par
Date de parution 06 février 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748399271
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Journal d'un instit de campagne
Philippe Denoual
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Journal d'un instit de campagne
 
 
 
 
 
 
 
Mercredi 20 juin 2012
« Ceux qui peuvent essaient, ceux qui ne peuvent pas enseignent ! »
Georges Bernard Shaw
Le soleil venait enfin de montrer le bout de ses rayons. Marches dévalées, je tombais nez à nez avec les collègues du service informatique. Sur mes pas, le conseiller pédagogo, à mes côtés, la représentante du syndicat.
Cœur sombre, j’expliquai ma présence au pied de l’escalier de notre grande maison : l’IA, l’Inspection académique. Aux sourires accueillants, je répondis par des grincements de dents. Heureux de voir leurs mines débonnaires, je fis pourtant un bien pâle sourire en contant mes derniers déboires cacadémiques…
Je venais de subir une remontée de bretelles pour avoir à nouveau pointé un dysfonctionnement. Ou plutôt un non-sens : à des impératifs de sécurité, l’IEN – L’Inspecteur de l’Éducation nationale – venait d’opposer l’importance de l’image de l’école, d’une école… Peu importe la noyade, le tout était de veiller à la bonne image… J’aurai dû, après son laïus de plus d’une heure, me sentir coupable… Mais non, je me sentais comme soulagé, prêt à prendre enfin la Décision, car, sur ce coup-là, ce ne fut pas un poisson de noyé, mais une baleine qui venait de boire la tasse !
C’est alors que l’ami vint. Perdu dans ses pensées, Jacques ne m’avait point vu. Je lui dis tout net en lui serrant la main : « Eh ! Le Jacquou ! Cette fois, c’est dit, il va falloir que je fasse autre chose, que je change de métier ! »
Trente et une années enseignant à l’Éducnat… Là où l’enseigne… ment !
Le vase débordait, le bouillon n’était plus de culture… Un Conseil d’école le lundi, où plus de deux heures de réunion n’avaient fait nulle mention d’apprentissage du Français, des Mathématiques, d’Histoire… Je n’avais décidément plus rien à faire là ! Une école où une collègue, à court d’argument, vous demande de vous taire, une Directrice qui dit que « chez nous » tout le monde pense pareil… Ô temple de la pensée unique ! Je m’incline…
Une école, l’École ? Le goulag, OUI ! Le maître eut tout à coup honte, honte d’appartenir à ce grand corps stupide et à l’agonie. Où était donc l’espoir ? Quel avenir devant nous, sans la possibilité de dire, de défendre une idée ?
Et tout cela, en équipe ? En troupeau plutôt ! Non merci. Berger oui, mouton NON ! Des moutons premiers de classe et si fiers de l’être avec ça ! « Maître, mêêê… »
C’était pourtant bon d’entendre de jeunes voix m’appeler à la rescousse…
J’ai rarement croisé d’enseignant humble. Chacun d’eux se veut important, mais en fait qui sommes-nous devant la tâche de faire grandir, d’élever ? L’enseignant est trop souvent préoccupé par son nombril et, c’est toujours lui le meilleur. Plus le grade est élevé, plus l’humain se dilue dans la posture du paraître : l’image, toujours. Et le vrai dans tout cela ? La vérité que l’on doit aux jeunes…
Il me semblait que pour grandir, il fallait se confronter, pas esquiver. Être là, ancré dans la réalité, bonne ou mauvaise. Peu de fois j’ai senti la viande frémir sous la peau de mes chers – très chairs – collègues. Pédagogues, certes, vivants : à voir !
Aujourd’hui, l’élève n’apprend plus grand-chose à l’École mais il y croise de belles leçons de lâcheté, de malhonnêteté et de perversité. Il ne saura plus ni lire, ni compter, mais saura – peut-être – bien nager en eaux troubles !
Piscine un déni de réalité
« Il n’y a pas de bons plongeurs mais de vieux plongeurs… »
Guy Poulet. À méditer M. l’IEN !
Cinq femmes, un homme.
L’école enchâssée dans des tours d’immeubles, bénéficie d’infrastructures culturelles et sportives remarquables, permettant de dispenser un enseignement de qualité – serait-ce un rapport d’inspection ? – Non, non… Fichtre !
Tout pour réussir dans la joie et la bonne humeur donc.
Eh bien non ! Trop n’est pas assez ! Il fallait bien sûr, en plus, multiplier les projets. À tel point que la fin de l’année scolaire se mit vite à ressembler à un véritable parc d’attractions : musique, théâtre, renne et bique, pardon, run and bike … Sorties, sortir, vite sortir pour ne plus se confronter à la classe…
D’ailleurs, ici, école et centre de loisirs partagent le même bâtiment. De quoi entretenir une certaine confusion. Comment un enfant peut-il faire la différence ? Travail ou loisir… ?
L’apprentissage de la natation est obligatoire à l’École. Il fait partie des enseignements à délivrer ; à délivrer sans formation, bien entendu ! Les maîtres sont capables de tout enseigner : vive la Pédagogie ! Mais pour finir, pas bons à grand-chose, les maîtres, sauf à discourir ! Champions de la rhétorique, grands faiseurs de vide. Mais, on ne flotte pas avec des mots !
C’est ainsi que remplaçant dans cette école, je me suis retrouvé, à mon grand désarroi, au bord d’un bassin. Le mardi avec le Cours préparatoire, le vendredi avec le Cours moyen. L’école dispense donc un enseignement de la natation : le tableau est complet le soir du Conseil d’école, super !
Souriez ! Clic, clac ! Photo !
Les titulaires des classes se sont – CHUT ! – défaussés : le remplaçant assumera bien les responsabilités… On passe les bébés avec l’eau du bain et, tout va bien !
On descend à la piscine quel que soit le temps, par 10° : « Ils ne sont pas en sucre ! » Certes…
Et glou, et glou… puis glouglou !
Les élèves, après un test, sont répartis en trois groupes de niveau : de débrouillé à débutant. Lors de la répartition des groupes, malgré mes réticences, je me suis vu attribuer le groupe trois : vingt-cinq non nageurs ! Petit bain, un père au fond de l’espace réservé. Devant ma mine déconfite et mes réticences à prendre le groupe, le MNS s’éloigna vers le groupe des débrouillés en me gratifiant d’une tape sur l’épaule accompagnée d’un « Champion » réconfortant. Hé, hé…
Pendant une quarantaine de minutes, malgré le vent frais, des sueurs froides m’envahirent. Je devins plus liquide que le contenu du bassin. Un barbotage dangereux dura, dura…
À l’autre bout de la piscine, le chef de bassin et un MNS étaient assis, engoncés dans leur parka, capuche relevée, lunettes de soleil… MNS, quoi !
Puis, le coup de sifflet retentit. Fin de partie. OUF ! Le père sortit de l’eau les membres engourdis, faisant de grands moulinets pour se réchauffer. Le ciel était resté gris et le vent soufflait toujours…
Le midi, j’évoque l’enfer de la séance avec la Directrice. « Je vais téléphoner au chef de bassin pour trouver une solution » me confie-t-elle.
Le vendredi soir, rien de dit, rien de fait ? Comment se fait-ce ?
Que voilà une attitude courageuse de chef…
Seul face au problème. Ce jour-là, deux parents venaient de recevoir l’agrément « accompagnateur-piscine » hors la présence du Conseiller pédagogique, lequel valida par fax le dit agrément… Sublime !
Comment faire confiance à quelqu’un ou à une équipe de responsables qui accorde aussi peu d’importance aux règles instituées, alors qu’il ou elle en est le garant !
Le samedi matin, je m’arme de ma plus belle souris et envoie un mail à la Directrice afin de savoir quoi faire le mardi suivant pour le CP – Le Cours préparatoire. Sa réponse me parvient le dimanche soir : « Bonjour, Je t’avais proposé de changer de groupe, Sandrine était OK pour prendre ton groupe il me semble. Cela te semble-t-il possible ou préfères-tu intervertir avec le maître-nageur en charge de l’un des groupes ? » La situation n’avait pas évolué et je me retrouvais toujours face à moi-même. À toi petit père de faire le choix… Merci Madame pour le soutien apporté !
Lundi, 06 h 30. Mail à l’IEN de circonscription l’informant de la situation. Quel délateur ! Vilain, pas beau du tout ça, Madame ! Pas de quoi pleurer le lendemain… Que d’eau, que d’eau pour trois malheureuses sorties à la piscine !
Imaginez seulement l’ambiance qui en résulta… Le loup devint vite chien galeux…
Et alors, c’est à ce moment-là, le vendredi suivant, que M. l’Inspecteur se manifesta : j’étais convoqué le mercredi 20 juin à 11 h 45. Motif de cette convocation orale – ça ne laisse pas de traces – : rendre compte du mot adressé par mes soins aux parents d’élèves. Au regard des conditions de sécurité et d’apprentissage, j’avais décidé – seul – de supprimer les trois dernières séances de piscine. Quelle horreur avais-je donc commise ?
Pourquoi me laisser mariner autant et encore ? M. l’IEN pensait-il attendrir la viande pendant cette fin de semaine ?
C’est ainsi que j’appris qu’il n’y avait pas de problème de sécurité, car il y avait deux MNS – maître-nageur sauveteur – de surveillance, que c’est parce que je n’aimais pas cette activité que je l’avais abandonnée, qu’elle représentait un coût pour la municipalité, qu’en avertissant les parents comme je l’avais fait, je ne faisais pas un travail d’équipe mais ternissais ô combien l’image de l’école. J’aurais dû applaudir ! C’était trop beau !
En fait, M. l’IEN est trop bon, car c’est sous sa gouverne que se déroule cette activité, c’est lui qui l’autorise. Je n’avais donc commis, en fait, qu’un crime de lèse-inspecteur. Jusqu’à preuve du contraire celui-ci n’est pas encore puni d’écartèlement !
Lorsque nous nous sommes quittés, M. l’Inspecteur était fort en colère… Son conseiller, hâbleur de service, l’avait pourtant bien épaulé, détournant mes propos au fur et à mesure, en manipulateur averti. Rien n’y a pourtant fait !
Le vent reste glacé en cette fin juin… Des élèves continuent d’

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