La Bourse ou la vie ? , livre ebook

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Ces trente dernières années est né un pouvoir financier détenu par quelques décideurs institutionnels répartis dans le monde. Ce pouvoir agit via les grandes banques et des places boursières comme un véritable "actionnaire mondial" et n’est plus soumis à aucun contrôle politique ni démocratique. Apparaît une véritable crise de civilisation : les activités humaines converties en chiffre transforment la vérité en "ce qui rapporte". Ce mode de pensée utilitaire fait exploser morale, éthique et relations humaines : l’autre devient un accessoire pris, jeté, selon l’intérêt personnel. Ce capitalisme récent engendre un pouvoir pervers qui vampirise les démocraties. Mais nous participons à cette société ! Comme les adeptes d’une secte, hypnotisés par leur gourou, nous perdons notre pensée critique sur le monde et fournissons, tels des hamsters dans leur roue, notre énergie, à la barbarie de cette "économie de casino". Comment lutter contre cette situation?

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Publié par

Date de parution

12 juillet 2012

Nombre de lectures

2

EAN13

9782748387773

Langue

Français

La Bourse ou la vie ?
Sylvie Sabatier
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Bourse ou la vie ?
 
 
 
À mes fleurs L. et S.
À R. aussi
 
 
 
Notre planète est désormais dominée par la surpuissance d’un oligopole financier spéculatif qui échappe au pouvoir politique et démocratique. Il induit une crise de civilisation par une instrumentalisation du vivant, y compris de l’homme. Cependant, bien qu’il nous fasse souffrir, nous entretenons ce système. Comment lutter ?
 
 
 
« Deux choses sont infinies, l’Univers et la bêtise humaine. Mais en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. »
Albert Einstein
 
 
 
Remerciements
 
 
 
 
 
 
Merci à tous ceux qui ont fait l’effort de me lire et m’ont fait part de leurs conseils éclairés.
 
 
 
Préface
 
 
 
« La raison est régulière comme un comptable ; la vie, anarchique comme un artiste 1  ».
 
Dans ce livre que j’ai le plaisir et l’honneur de préfacer, le Dr Sylvie Sabatier fait l’éloge de la complexité , de la pensée complexe chère à Edgar Morin, mais disons le sans détours elle a le vif talent de parler simplement des choses complexes, sans les simplifier. Le titre est rude : nous n’aurions le choix qu’entre une spéculation boursière qui ampute le vivant de sa valeur anthropologique et la vie elle-même qui résiste à son rabaissement. Nous n’aurions le choix qu’entre l’hubris du capitalisme financier et son monétarisme de papier, spectres numériques qui hantent les cimetières du vivant, âmes mortes d’une société occidentale qui a laissé pervertir sa démocratie et son tissu social, comme les espérances collectives de l’Esprit de Philadelphie 2 . Ce souffle humaniste qui au lendemain d’un Monde anéanti a su proclamer que la Paix était inséparable de la justice sociale, que la justice sociale reposait principalement sur l’accès de tous à l’éducation et au soin de chacun. Au moment où l’air du temps gonfle pragmatiquement les voiles d’une politique de « réduction des déficits publics », au premier rang desquels se placent la justice, le soin, l’éducation et la recherche fondamentale, l’humanisme d’après-guerre vient opportunément nous rappeler que ce sont ces mêmes secteurs qui étaient alors considérés comme des investissements d’avenir .
L’humain ou l’argent, il faut choisir. Telle est l’antienne de cet ouvrage. Sylvie Sabatier a fait son choix. Sur la scène du Marchand de Venise 3 , elle a pris le parti de Portia. Dans cette pièce de Shakespeare, l’amitié et l’amour triomphent de la cupidité et de l’envie de l’usurier Shylock. Ce personnage monstrueux, pitoyable et haïssable tout à la fois, exige une livre de chair du naïf Antonio qui a garanti sur sa vie la dette nécessaire à sauver son ami Bassanio de la faillite. L’histoire de la livre de chair destinée à s’acquitter une dette qu’on ne peut rembourser est un vieux conte oriental. Shakespeare y ajoute l’ émancipation par les ruses de l’amour et de l’amitié. Seuls l’Amour et l’amitié, qui en est l’autre nom, inspirent la ruse qui permet à Portia, si habile, si assurée, si joyeuse, si amoureuse de prendre l’usurier à sa propre démesure. Déguisée en magistrate, elle décrète : « Tu as droit à une livre de la chair de ce marchand. La Cour te l’adjuge et la loi te la donne. […] Ce billet-ci ne t’accorde pas une goutte de sang. Les termes exprès sont : une livre de chair . Prends donc ce qui t’est dû, prends ta livre de chair, mais si, en la coupant tu verses une seule goutte de sang chrétien, tes terres et tes biens sont, de par les lois de Venise, confisqués au profit de l’Etat de Venise. 4  »
Cet esprit de l’usure où parviennent à s’épanouir l’envie, la cupidité, la cruauté de Shylock, était à l’époque limité à une pratique artisanale. Mieux, il faut attendre le XVIIe siècle pour que l’« argent sale » de l’usure parvienne à sortir des terres de l’opprobre et la marginalité, où s’exilaient certaines communautés, pour devenir l’opérateur d’une police des mœurs par les jeux du commerce censé supplanter ceux de la guerre. Aujourd’hui, à l’ère de la civilisation technique , cet ethos de l’usure s’est industrialisé : les financiers réclament leur dû, les actionnaires leur taux de rendement optimal, le système sa livre de chair. Seul l’Amour, dont La Boétie faisait au nom de l’amitié l’antidote de la servitude volontaire, peut faire objection à cette folie des oligopoles financiers qui vampirisent le vivant, la nature et l’humain. Face aux spectres numériques, aux vampires-buvards qui épongent le malheur des hommes, prédateurs qui se nourrissent d’autant plus cruellement de l’humain que leurs rites de consommation opèrent de manière anonyme, sans haine ou vindicte personnelles, seulement aiguillonnés par une lutte contre la baisse tendancielle des taux de profit, seul l’Amour se révèle assez fort et rusé pour défaire leur ambition.
Face à un système spéculatif, fluide et violent comme les eaux du malheur, insaisissable comme les vents du désastre, anonyme comme l’argent qui permet « de ne pas regarder les hommes dans les yeux 5  », seul le visage de l’amour permet de faire face. C’est sans doute parce que l’amour consiste à donner ce qu’on n’a pas que le monétarisme débridé et morbide dépose les armes face à lui. Car l’amour consiste à donner cette part de l’être qui échappe à l’avoir et finit par se localiser dans le visage d’un autre pour répondre à tous les noms du monde, à tous les noms de notre vulnérabilité première. C’est bien parce que l’amour repose sur cette vulnérabilité extrême de la condition humaine que l’avoir se révèle comme un signifiant sans signification. A l’orée d’une passion, le sujet se défait de ses titres et avoirs pour mieux se défaire, s’évaporer et disparaître dans la figure fétichisée de la désespérance. La passion dissipe alors le calcul, mine le stratège, dénoue les vêtements chamarrés que convoque la nudité de l’empereur, symbole de l’insignifiance d’une espèce qui compense son handicap naturel par les ruses de la technique et de la mascarade. Tous ces signifiants de l’insignifiance, l’amour les chasse comme la lumière du matin disperse les spectres de nos nuits.
Alors, c’est bien de l’amour que l’on peut espérer la pulvérisation d’un système de civilisation qui exploite l’humain jusqu’au trognon de l’existence, broyant les graines de son intimité, sacrifice d’une instrumentalisation que le spectacle redouble dans la jouissance des filmographies. Seul l’amour peut rappeler que l’inutile peut être essentiel, que la poésie est cette denrée mentale dont se nourrissent les rêves et que, comme le rappelle encore Prospero dans Shaskepeare : « nous sommes faits de nos rêves ». Seul l’Amour peut guérir notre société d’usuriers et de rentiers de l’« état morbide plutôt répugnant » que fabriquent l’avarice et l’amour du gain dont Keynes disait qu’il constituait « l’une de ces inclinations à demi criminelles et à demi pathologiques dont on confie le soin en frissonnant aux spécialistes des maladies mentales. 6  » ? Mais Keynes qui place les artistes et les savants bien au-dessus des hommes d’affaires ne manque pas dans ses « perspectives économiques pour nos petits enfants » (1930) de souligner que lorsque les problèmes économiques seront résolus et que la vie sera supportable la capacité d’en jouir appartiendra à « ceux qui font l’effort de chanter ; et combien sont rares ceux qui, parmi nous, savent chanter ! […] Il se peut que la détermination et l’effort acharné des faiseurs d’argent nous transportent tous avec eux dans le giron de l’abondance économique. Mais ce seront les peuples capables de préserver l’art de vivre et de le cultiver de manière plus intense, capables aussi de ne pas se vendre pour assurer leur subsistance, qui seront en mesure de jouir de l’abondance le jour où elle sera là. 7  »
Mais il convient de le préciser : ces « usuriers » ne sont pas des autres, des sous-hommes, une autre espèce. Ils sont aussi parmi nous et en nous. Ils ne sont pas des barbares même s’ils sont la barbarie . Car contrairement aux propos égarés d’un ancien Ministre de l’Intérieur, nous ne saurions refuser l’humanité à ceux qui nous apparaitraient comme plus sauvages ou plus barbares que nous. Comme le rappelait encore Levi-Strauss dans sa conférence sur le racisme à l’Unesco en 1952 : « le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie 8  ». Alors ne nous y trompons pas, nous avons notre propre implication dans le malheur néolibéral qui est le nôtre, notre part dans les maux dont nous nous plaignons : les traders, les financiers, les rentiers et les usuriers, ne sont pas qu’à Wall Street ou à la City. Leurs valeurs et leurs normes infiltrent l’ensemble des dispositifs de notre civilisation et fabriquent les abus de pouvoir qui se légitiment ou s’autorisent d’une raison comptable. Comme le remarquait Pierre Bourdieu, « la violence terroriste, à travers l’irrationalisme du désespoir dans lequel elle s’enracine presque toujours, renvoie à la violence inerte des pouvoirs qui invoquent la raison. 9  »
Aujourd’hui où le capitalisme financier s’est emballé jusqu’à devenir une civilisation outrancière et obscène des mœurs au moyen des dispositifs d’une nouvelle forme d’évaluation 10 , ce capitalisme financier requiert plus que jamais les figures d’une Portial qui puisse lui dire : « prends ta livre de chair puisque le peuple te la doit. » Mais « tout juste une livre de chair. Si tu en prends plus ou moins que la juste livre, si tu diminues ou augmentes le

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