La conversation banale
219 pages
Français

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La conversation banale , livre ebook

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Description

De quoi parlons-nous quand nous commentons la pluie et le beau temps ? De quoi rions-nous quand nous attendons le bus ? En investissant volontairement le terrain par son côté paradoxal, cette étude interroge ce qui fait de la banalité une oeuvre de sociabililté. En ce sens, la conversation banale serait-elle plus qu'une interaction ? Comment le banal façonne-t-il nos échanges quotidiens ? En confrontant l'interaction à l'épreuve du banal par les voies esthétiques et théoriques, l'étude permet de redécouvrir les fondements communicatifs du quotidien.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 101
EAN13 9782296454552
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L A CONVERSATION
BANALE
R EPRÉSENTATIONS D ’ UNE SOCIABILITÉ QUOTIDIENNE
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13958-9
EAN : 9782296139589

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
SYLVAIN QUIDOT


L A CONVERSATION
BANALE

R EPRÉSENTATIONS D ’ UNE SOCIABILITÉ QUOTIDIENNE


L’Harmattan
Espaces Discursifs
Collection dirigée par Thierry Bulot

La collection Espaces discursifs rend compte de la participation des discours (identitaires, épilinguistiques, professionnels…) à l’élaboration/représentation d’espaces – qu’ils soient sociaux, géographiques, symboliques, territorialises, communautaires,… – où les pratiques langagières peuvent être révélatrices de modifications sociales.
Espace de discussion, la collection est ouverte à la diversité des terrains, des approches et des méthodologies, et concerne – au-delà du seul espace francophone – autant les langues régionales que les vernaculaires urbains, les langues minorées que celles engagées dans un processus de reconnaissance ; elle vaut également pour les diverses variétés d’une même langue quand chacune d’elles donne lieu à un discours identitaire ; elle s’intéresse plus largement encore aux faits relevant de l’évaluation sociale de la diversité linguistique.

Derniers ouvrages parus

Logambal SOUPRAYEN-CAVERY, L’interlecte réunionnais. Approche sociolinguistique des pratiques et des représentations, 2010.
Jeanne ROBINEAU, Discrimination(s), genre(s) et urbanité. La communauté gaie à Rennes, 2010.
Zsuzsanna FAGYAL, Accents de banlieue. Aspects prosodiques du français populaire en contact avec les langues de l’immigration, 2010.
Philippe BLANCHET et Daniel Coste (Dir.), Regards critiques sur la notions d’ »interculturalité ». Pour une didactique de la pluralité linguistique, 2010.
Montserrat Benítez FERNANDEZ, Jan Jaap de RUITER, Youssef TAMER, Développement du plurilinguisme. Le cas de la ville d’Agadir, 2010.
Françoise DUFOUR, De l’idéologie coloniale à celle du développement, 2010.
Bernhard PÖLL et Elmar SCHAFROTH, Normes et hybridation linguistiques en francophonie, 2009.
INTRODUCTION
« En général dès qu’une chose devient utile, elle cesse d’être belle. »
Théophile Gautier, (1832) préface aux Poésies Complètes
I. Le quotidien de la conversation banale {1}
Dans la vie quotidienne, il n’est pas rare d’entamer des conversations avec des inconnus. Un échange qui se terminera aussi rapidement qu’il avait commencé en fonction des disponibilités et de l’intérêt de chacun. Du plus anodin des événements au plus profond des sentiments, le « monde social {2} » n’est pas avare d’échanges spontanés et de moments favorables à une communication avec « les gens {3} ». On considère un échange tissant une toile, une concaténation de relations éphémères ; une sociabilité qui fait de la conversation banale le lieu par excellence de la confrontation publique d’arguments. Ainsi balisée, la conversation banale sera considérée dans cette étude comme une conversation entre inconnus dans les espaces de libre circulation .
a) Une distribution spatiale
Si certains lieux privilégiés de la conversation banale sont traditionnellement identifiables – les transports en commun, les abribus ou les marchés, d’autres moins remarquables comme les musées, les bibliothèques ou tout simplement la piscine municipale sont tout aussi favorables à l’échange banal.
La conversation banale est indissociable de la vie quotidienne. Elle est présente à tout moment de notre circulation et, si elle est conditionnée par certains effets de routine, elle revêt un caractère exceptionnel car produite au cours d’un événement unique avec des « individus uniques » que sont « les inconnus ». En ce sens, on suppose que les conditions d’existence de l’échange banal sont assujetties à des normes informelles et communes relayées par des sensibilités personnelles. Un trottoir rendu glissant par la neige sera l’occasion de donner aux autres passants conseils et recommandations, et, éventuellement, d’introduire quelques remarques connexes introduisant chez certains un sens plus personnel, de l’humour, ou bien une vision critique.
Les lieux spécifiques de la conversation banale ne se matérialisent ni par une notion de frontière, ni par une opposition entre public et privé, mais par une mise en action, une « mise en situation banale » qui prend forme dans son rapport au temps. Laplantine (2005 : 42) souligne la distinction entre topos et choros dans son modèle chorégraphique du social. Le topos décrit l’endroit stable et défini dans lequel l’individu se déplace, le choros désigne au-delà du lieu, « l’intervalle de la mobilité du spatial et celle de la transformation dans le temps ». Cette relation du temps et du lieu structure les situations de conversation banale. Il est tentant de parler de « communication de situation » à l’opposé de « situations de communication ».
Une liaison étroite entre le lieu et les personnes conditionne l’existence de l’échange banal. De fait, chora, souligne Laplantine, est plus propice à définir un lieu en perpétuel mouvement, « l’être ensemble du chœur qui désigne à la fois le lieu où l’on danse et l’art de danser ». Cette approche du topos permet d’envisager les espaces de conversation banale comme intimement liés aux acteurs et aux événements qui y mènent une « chorégraphie ».
b) Une organisation temporelle
Qu’elle soit longue ou brève, la durée potentielle {4} d’une conversation banale modélise l’échange par l’anticipation d’une prévisibilité corrélative du lieu. Il semble que des règles informelles de l’échange banal déterminent la durée relative au temps que l’on peut accorder à un inconnu. De la sorte, temps et lieux semblent être tout à fait assimilables ou du moins « contrôlables » par les actants.
Une conversation banale extrêmement brève se produit par exemple lorsqu’au volant d’une voiture bloquée dans un embouteillage, des mimiques et des gestes d’énervement s’échangent entres automobilistes. À l’extrême opposé, au musée, les commentaires et échanges sur la beauté d’une œuvre amènent à un échange plus libéré des contraintes de temps ainsi qu’à un engagement sémantique plus important. Cette durée indéfinie instaure une vision d’un temps « en devenir ».
Plus généralement, la temporalité prévisible de la fréquentation d’un lieu prédispose favorablement la conversation banale. C’est le cas dans un ascenseur, ou bien, pour un temps plus long, lors d’un voyage en avion. Dans ce cas, cette prévisibilité encourage l’existence et l’anticipation d’éventuels échanges avec les proches voisins. Une courtoisie et une écoute plus marquées qu’à l’habitude facilitent les échanges spontanés. Ne pourrait-on pas y voir également une solidarité éphémère avec des inconnus qui, comme vous, confient leurs vies au pilote ?
Au-delà de ces considérations géographiques et temporelles dont la dimension « chorégraphique » paraît essentielle, la conversation banale se détermine avant tout comme une situation de communication instrumentée par la notion de circulation.
c) Un espace de libre circulation de la conversation banale
« Cottard vivait complètement retiré dans son appartement et faisait monter ses repas d’un restaurant voisin. Le soir seulement, il faisait des sorties furtives, achetant ce dont il avait besoin, sortant des magasins pour se jeter dans des rues solitaires […] Le jour de la déclaration préfectorale, il disparut complètement de la circulation. »
Albert Camus, La Peste, (1947)


Comme Cottard, nous circulons dans la ville, physiquement en se rendant d’un point à un autre, immatériellement en échangeant nos idées et nos commentaires. Cet échange, indissociable de tout « comportement » social, est défini chez Weber (1921) : « N’importe quel contact entre les hommes n’est pas de caractère social, mais seul l’est le comportement propre qui s’oriente d&#

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