Profession lexicographe
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Description

Quand Richelieu fonda l’Académie française en 1635, il demanda aux membres de cette auguste assemblée de dicter le bel usage. Aujourd’hui, les lexicographes décrivent-ils le bon usage ou tout simplement l’usage ? Leur revient-il de définir la norme d’une langue ? Comment établissent-ils cette représentation de la langue qu’est le dictionnaire ? Ce texte qui décortique la pratique lexicographique et les défis des lexicographes montre comment le dictionnaire reste le radar de la langue puisque les lexicographes doivent observer les usages lexicaux et tenir compte à la fois du travail de leurs prédécesseurs, des auteurs, des journalistes et de l’émergence de nouveaux mots et de sens nouveaux.
Marie-Éva de Villers est chercheuse agrégée à HEC Montréal. Elle a écrit notamment : Le multidictionnaire de la langue française (4e édition, 2003), La nouvelle grammaire en tableaux (4e édition, 2003), Le vif désir de durer. Illustration de la norme réelle du français québécois (2005).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2011
Nombre de lectures 2
EAN13 9782760625792
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MARIE-ÉVA DE VILLERS


Professionlexicographe




Les Presses de l’Université de Montréal
La collection

Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.


Directeur de collection : Benoît Melançon

Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :


www.pum.umontreal.ca
Copyright

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Villers, Marie-Éva de, 1945-Profession, lexicographe
Comprend des réf. bibliogr.

ISBN  2-7606-2004-2
ISBN  978-2-7606-2579-2 (ePub)

1. Lexicographes. 2. Lexicographie - Aspect social.I. Titre.
P327.V542006 413.028 C2006-940057-1

Dépôt légal : 1 er trimestre 2006
Bibliothèque nationale du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2006 ; 2010 pour la versionePub.

Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des Arts du Canadaet la Société de développement des entreprises culturelles du Québec(SODEC).
Introduction




Le dictionnaire, « véritable radar du langage qui
donne l’écho de chaque mot, à tous les horizons ».
ANDRÉ CHAMSON, cité dans
Le Grand Robert de la langue française

N ul ne peut prétendre maîtriser la langue dansson immensité, dans sa mouvance. Comments’y retrouver dans la forêt touffue des mots et dessens ? Le dictionnaire se pose comme le repère parexcellence : il saisit le langage pour en proposer desimages commodément classées par ordre alphabétiquequi répondent aux questions que se posent les locuteurs. C’est l’ouvrage de référence qui agit comme lemiroir d’une société à une époque donnée, en unespace déterminé et dans un contexte défini.
Le dictionnaire est un observatoire de l’usage desmots (le dictionnaire de langue) ou de l’univers nommépar les mots (le dictionnaire encyclopédique). C’est untableau hyperréaliste, voire une photographie grand-angulaire de la langue, une œuvre qui recense et scénarise les milliers de personnages que sont les mots, quiprécise leurs interrelations, en définit les significations,en apporte les nuances tout en renseignant sur la façonde les employer ou de les construire dans la phrase.
Éliminer l’incertitude linguistique et combler leslacunes du savoir dans un ouvrage synthétique et deconsultation facile (le dictionnaire), tels sont les principaux objectifs que poursuit le lexicographe.
Pour certains linguistes théoriciens, la démarche deslexicographes n’est pas suffisamment scientifique, pastout à fait systématique : tantôt sont intégrés dans ledictionnaire certains dérivés tels que détortiller , languissamment , transdermique , tantôt ne sont pasrecensées toutes les créations potentielles. À ce reproche, on répondra que c’est d’abord l’usage qui dicte lechoix des mots plutôt qu’un modèle rationnel, que letravail lexicographique s’apparente davantage à celuid’un artisan qu’à celui d’un logicien.
Qu’on le veuille ou non, l’ensemble des jugementsque portent les lexicographes sur la langue comprendune large part de subjectivité. En premier lieu, il fautdécider de l’intégration ou non d’un mot donné dansle dictionnaire, puis de l’organisation, de la hiérarchiedes significations de ce mot, du choix des citations, desexemples qui servent à illustrer ses divers sens, des marques d’usage qui l’accompagnent, s’il y a lieu. L’emploide ce mot se limite-t-il à un territoire donné ? Est-ceun mot de registre familier ou littéraire ? Est-il courant,archaïque, vieilli ou néologique ? Est-il didactique, rare ?Appartient-il à la langue d’une spécialité ? Voilà autantde questions auxquelles les auteurs de dictionnairesdoivent répondre.
Pour autant, les lexicographes ont-ils le pouvoir dedéfinir la norme ? Non, ils ne font que tenter de cerner leconsensus qui s’élabore autour d’eux sur les modesd’expression valorisés. En somme, ils enregistrent lanorme qui existe au sein de leur communauté linguistique. Par ce travail d’analyse, de jugement et de synthèse,les auteurs de dictionnaires et de grammaires contribuentcependant largement à la diffusion de cette norme.
Il n’est pas tout à fait raisonnable de se lancer dansl’aventure de concevoir et de rédiger un dictionnaire :on pourra même juger qu’il s’agit d’une entrepriseinsensée, tellement elle est ambitieuse. Les lexicographessont atteints à des degrés divers de la « folie du dictionnaire », selon les mots d’Arsène Darmesteter, auteuravec Adolphe Hatzfeld du Dictionnaire général de lalangue française (1890-1900). Pensons à Émile Littré,consumé par la rédaction de son Dictionnaire de lalangue française (1863-1872), à Pierre Larousse qui, à lafin de sa vie, ne s’autorisait que quelques heures de sommeil sur un lit de fortune dans son bureau de peur dene pouvoir achever son Grand Dictionnaire universeldu XIX e siècle (1864-1876), à James Augustus HenryMurray, dans son scriptorium tapissé de fiches, qui consacra un demi-siècle à l’élaboration de son monumental Oxford English Dictionary (1928).
La profession de lexicographe ne se conçoit pas sanscette exploration fascinante de la langue, sans cette passion dévorante du langage. Et le fruit de cette rechercheest une immense lettre d’amour, un dictionnaire.
1

La pratique lexicographique





Une bibliothèque de mots ?

La lexicographie est la branche de la linguistiqueappliquée qui a pour objet d’observer, de recueillir, dechoisir et de décrire les unités lexicales d’une langue etles interactions qui s’exercent entre elles. L’objet deson étude est donc le lexique, c’est-à-dire l’ensembledes mots, des locutions en ce qui a trait à leurs formes,à leurs significations et à la façon dont ils se combinent entre eux.
Les lexicographes se contentent-ils d’établir le« catalogue de tous les mots d’une langue », commel’écrit Antoine Furetière en 1690 ? Au terme de leursrecherches et de leur analyse, se limitent-ils à caser lesmots et leurs significations dans leur ouvrage commesur les rayons bien ordonnés d’une bibliothèque ?
Comme Furetière, les auteurs de dictionnairescaressent l’ambition de répertorier tous les mots d’unelangue. Bien sûr, cette exhaustivité relève de l’utopie.En conséquence, les lexicographes se voient forcésd’opérer des choix, des choix subjectifs, par définition. Même s’ils adoptent une démarche descriptive,ils participent indirectement à la définition de l’usagedominant parce qu’ils ont le pouvoir de reconnaîtreofficiellement un mot, une expression, un sens par sa seule intégration à la nomenclature de leur dictionnaire. Ils deviennent ainsi des arbitres qui consacrentl’existence de certains mots, de certains emplois dansla langue.
La description lexicographique est difficilementneutre : d’abord, par le choix des unités lexicales ; puis,par les marques d’usage qui les accompagnent ; par lasélection et l’organisation des sens retenus ; par l’homogénéisation des données recueillies. Elle se trouve toujours à légitimer un certain usage : en cela, elle constituetoujours, mais à divers degrés, une activité normative.


Du bel usage au bon usage :la représentation de la norme dans les dictionnaires
La fonction du dictionnaire est de fournir à ses usagers uneréférence sur la norme.
ALAIN REY , « Norme et dictionnaires » , La Norme linguistique, 1983


Ainsi que le rappelle Alain Rey, le dictionnaire constitue un ouvrage de référence dont l’objet est dereprésenter le plus fidèlement possible la norme de lacommunauté linguistique à laquelle il est destiné, unenorme qui s’inscrit dans le temps et dans l’espace. C’estle grand défi que doivent relever les lexicographes.
En 1680, Richelet, auteur du premier dictionnairefrançais monolingue, s’inspire de Vaugelas et définit lebon usage comme « le Tyran, ou le Roi, ou l’Arbitre, leSouverain, ou le Maître des langues ». Cette formulesera reprise dans les deux autres dictionnaires du GrandSiècle, le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière(1690), ainsi que la première édition du Dictionnaire del’Académie (1694). Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour que paraisse la monumentale Encyclopédie (1751-1772) dont Diderot et D’Alembert furent lesconcepteurs en même temps que les principaux rédacteurs. Sous la plume éclairée des Encyclopédistes, le statut de l’usage se modifie : le tyran des langues devientle « législateur naturel ». Le bel usage perd son monopole et « la totalité des usages propres à une nation »est maintenant prise en compte.
Dans le Dictionnaire historique de la langue française ,Alain Rey date de 1165 l’attestation la plus ancienne dunom norme , emprunté au latin norma, signifiant, ausens propre, « équerre » et, au sens figuré, « règle, lignede conduite ». Le terme norme est âgé de près d’unmillénaire, mais il ne figure pas dans le dictionnaired’Antoine Furetière ni dans les six premières éditionsdu Dictionnaire de l’Académie  ; il faut attendre qu’ÉmileLittré le consigne dans son Dictionnaire de la languefrançaise publié de 1863 à 1873.
Si le mot norme est peu usité jusqu’à la fin du XIX e siècle, la pratique normative, par contre, existedepuis longtemps, mais sous une autre étiquette, celledu bel usage, celui de la Cour. Pour définir cet usage,le cardinal de Richelieu fonde l’Académie française en1634 et lui assigne la mission « de fixer la languefrançaise, de lui donner des règles, de la rendre pureet compréhensible par tous », selon les statuts et règlements établis par le Cardinal et les lettres patentessignées par Louis XIII en 1635. La première tâche del’Académie est de composer un dictionnaire de lalangue française.
En 1647, Claude Favre, seigneur de Vaugelas, publieses Remarques sur la langue française . Qui est Vaugelas ?C’est un protégé de Richelieu qui fréquente le salon deMme de Rambouillet où son goût et son jugement surles questions linguistiques étaient reconnus. Vaugelasdirige les t

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