L'enseignement dans les pays pauvres - Modèles et propositions

Pierre Erny

Sujets

• Développement

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 janvier 1977
• Nombre de lectures: 63
• EAN13: 9782296174313
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 6 Mo

Extrait

PIERRE ERNY
L'ENSEIGNEMENT
DANS
LES PAYS PAUVRES
modèles et propositions
Librairie - Editions L' Harmattan
18, rue des Quatre-Vents
75006 PARISDU MÊME AUTEUR
- Aux éditions Payot, 106, boulevard Saint-Germain, 75006
Paris
L'enfant et son milieu en Afrique Noire. Essais sur l'éducation
traditionnelle, 1972, 310 p.
- Aux éditions de l'École, Il, rue de Sèvres, 75006 Paris
L'Enfant dans la pensée traditionnelle de l'Afrique Noire.
Naissance et première enfance, 1972, 360 p.
- Aux éditions Saint-Paul, 184, avenue de Verdun, 92130
Issy-les-Moulineaux, collection «Les Classiques africains»
Histoire de l'Afrique de L'Ouest (manuel scolaire), 1966, 150 p.
La réussite des études (conseils aux élèves et étudiants),
96 p. 1973.
- Aux éditions de la Pensée Universelle, 3 bis, Quai aux Fleurs,
75004 Paris
Sur les sentiers de l'Université. Autobiographies d'étudiants
zaïrois, 1977,440 p.
I.S.B.N. 2-85802-034-5Introduction
Du 8 au 16 septembre 1975 se tenait au siège de
l'U.N.E.S.C.O. à Paris une conférence de hauts
fonctionnaires représentant les ministères de l'éducation des vingt-cinq
pays les moins développés: Afghanistan, Bouthan, Botswana,
Burundi, Dahomey, Ethiopie, Guinée, Haïti, Haute-Volta,
Laos, Lesotho, Malawi, Maldives, Mali, Népal, Niger,
Ouganda, Rwanda, Samoa-Occidental, Sikkim, Somalie, Soudan,
Tanzanie, Tchad, République arabe du Yémen. Trois critères
avaient été retenus pour en dresser la liste: une production
intérieure brute inférieure à 100 dollars par an et par
habitant, une production industrielle qui elle-même n'excède pas
10 1170 de cette dernière, et un taux d'alphabétisation égal ou
inférieur à 20 %.
C'était la première fois qu'une telle rencontre avait lieu.
Son but était d'identifier les principales difficultés que
ces pays rencontraient dans leur développement de
l'éducation, de déterminer les stratégies à appliquer pour rénover les
systèmes scolaires en place, et d'esquisser dans ses grandes
lignes un programme de coopération internationale susceptible
d'intensifier l'aide extérieure.
Sans doute les pays représentés étaient-ils trop disparates à
tout point de vue, géographique, démographique, social,
économique, politique, culturel, pour que l'on pût espérer un
bilan et un programme précis. Cette conférence, par certains
côtés décevante, nous apparaît plutôt comme un symptôme:
on y prend conscience, au niveau le plus élevé, que ces pays
ont d'importants problèmes communs et devront
nécessairement recourir à des solutions spécifiques. C'est ce que
souligna Amadou Mahtar M'Bow :
L'ampleur et l'urgence des besoins des pays démunis sont tel/es
qu'ils ne pourront y répondre sans un large effort de solidarité de
la communauté internationale et sans un nouvel effort de leur part
en vue de repenser les conditions et les modalités de leur
développe5ment qui semble avoir été conçu, dans bien des cas, selon des modèles
dont on peut douter de l'efficacité réelle.
Depuis bientôt une vingtaine d'années je m'intéresse aux
systèmes éducatifs africains, aussi bien traditionnels que
scolaires. Il m'est souvent arrivé de formuler dans les revues les
plus diverses, de préférence locales, des propositions en vue
d'une refonte des organisations en place et de la pédagogie
dispensée. Je souhaiterais rassembler ici quelques-unes des
idées émises au fil des observations et des événements, car
elles concernent précisément ces pays particulièrement
défavorisés. Je dois dire cependant que c'est essentiellement
l'expérience acquise au Rwanda entre 1973 et 1976, et l'occasion
que j'ai eue d'étudier son système scolaire dans son état
actuel et aussi dans son développement historique, qui m'ont
permis de me faire une opinion.
Les propos consignés ici ne sont ni affectivement, ni
idéologiquement neutres. Ils impliquent des prises de position sur
de nombreux points contestés. Ils ne prétendent nullement
circonscrire une problématique d'ensemble dont de trop
nombreux éléments nous échappent encore. Je les livre tels quels,
en me disant que dans un domaine où l'on manque souvent
d'imagination, alors qu'il y va de l'avenir de millions
d'hommes, il n'est peut-être pas inutile de faire entendre sa voix.
C'est le regard posé sur des situations de véritable misère
scolaire que j'ai écrit ces pages. Je connais les ressources
qu'une technologie éducative d'avant-garde met à la
disposition de ceux qui repensent la pédagogie dans les pays
pauvres, et ne les dédaigne nullement. Mais ce n'est pas là qu'à
mon sens réside le problème de fond. Tant que les intéressés
eux-mêmes ne se sentiront pas concernés par leur formation
et celle de leurs enfants, tant qu'ils n'auront pas pris
conscience des moyens dont ils disposent dès maintenant pour
améliorer leur sort, on ne peut s'attendre à un progrès
véritable; l'importation de gadgets, l'accumulation de réalisations
de façade coûteuses n'y changent rigoureusement rien; bien
plus, elles enfoncent les pays soi-disant aidés un peu plus
dans leur misère. Cette constatation, cette conviction, ne
manqueront pas, bien entendu, d'orienter nos réflexions.
Dans une première partie, nous examinerons comment
l'école est devenue petit à petit un objet de critiques, alors
qu'au départ tout le monde s'accordait à célébrer ses
bienfaits et à souhaiter qu'elle puisse être généralisée rapidement
à l'ensemble de la population scolarisable.
Nous examinerons ensuite quelques-unes des réformes
sco6laires élaborées en Afrique Noire pour déceler à quels
problèmes elles se sont attaquées et sur quels principes elles
reposent. Des refontes d'envergure ont été entreprises dans des
pays pauvres d'Amérique latine et d'Asie, des expériences ont
été également tentées par des organismes internationaux et
privés, qu'il serait sans doute dangereux de présenter sans
plus comme modèles, mais qui ont l'avantage de montrer ce
qui est possible et sont aptes à stimuler puissamment
l'imagination.
Dans une dernière partie, nous dégagerons quelques
principes d'action et formulerons quelques propositions concrètes,
inspirés sans doute plus particulièrement du cas du Rwanda
qui nous est le plus familier et nous a servi de point de
départ, mais qui nous semblent être valables bien au-delà de ses
frontières. De toute façon, il serait manifestement déplacé de
faire croire qu'en ce domaine il existe des solutions toutes
faites, et rien n'est plus étranger à notre pensée. Ce qu'il y
a, ce sont des pays qui ont des problèmes analogues à
résoudre et qui, une fois définie la perspective socio-politique
dans laquelle on entend se situer, se trouvent placés devant
les mêmes alternatives et sont sollicités par les mêmes choix
que la réalité elle-même leur impose.
7Il faut souligner un point essentiel: dans le domaine
éducatif, l'aide étrangère ne peut avoir qu'une
importance marginale. Ce qui a une importance déterminante,
c'est ce que les pays sous-développés décident
euxm~mes de faire, et réussissent à faire, dans le domaine
des réformes de l'enseignement. Ce dont ils ont besoin,
ce n'est pas simplement d'ajouter plus d'éducation à ce
qu'ils offrent en ce moment à leurs populations, mais
de changer de façon radicale les structures, les
orientations et le contenu de leur système éducatif.
Gunnar MYRDAL The challenge of world poverty,
p.207.
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Critique de l'école
Si l'école a longtemps été, à l'image de la famille, une
institution qu'il aurait été de mauvais goût de critiquer,
tellement tout le monde - ou presque - était convaincu des
bienfaits qu'elle dispensait, l'attitude a changé
considérablement depuis une vingtaine d'années. D'une part, elle se
trouve concurrencée par une foule d'autres moyens de
transmission du savoir et de l'informatio