Pleins et déliés - Chronique d un enseignant
99 pages
Français

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Description

L’auteur présente ici les différentes étapes de sa longue carrière (1958-1996) avec les événements les plus marquants de son métier d’enseignant. Il donne une vision de ce qu’était l’enseignement, dans les années 60, dans une île, à 9000 km de la métropole, une terre à peine sortie de la colonisation où, dans le domaine éducatif, tout est à faire. Il souligne l’enthousiasme et la volonté de jeunes maîtres à peine formés mais décidés de travailler d’arrache-pied pour promouvoir l’instruction et l’éducation de leur pays.

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312030715
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pleins et déliés
Claude Nativel
Pleins et déliés
Chronique d’un Enseignant 1957 – 1996



LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
A toutes celles et à tous ceux que j'ai eu la joie d'aider, je dédie cet ouvrage.
A tous les collègues qui m'ont suivi et conseillé dans ma démarche pédagogique
je dis merci pour leur patience et leur bonne humeur.
Enfin, aux élèves de tous niveaux que j'ai eu l'honneur d'enseigner, je dédie ma gratitude!
















© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03070-8
Avertissement
Le projet d’écrire un livre concernant une partie importante de ma vie ne date pas d’aujourd’hui. Loin d’être un préambule comme celui du cher Jean-Jacques, au début de ses Confessions, ces premières pages sont plutôt un avertissement à ceux et à celles qui me liront.
Si j’use de la première personne, c’est qu’il m’apparaît difficile de faire autrement. Le pronom de la première personne me semble être un garant contre toute tromperie et, si je ne m’engage pas, comme le fit l’auteur des Confessions, à parler de sincérité, c’est que je connais maintenant ma mémoire : avec l’âge, elle me semble de moins en moins fidèle.
Je ne souhaite pas tisser autour de mes lecteurs un filet affectif ; je n’ai rien, sur le plan où j’écris, à me faire pardonner. Cependant, j’aimerais leur dire comment s’est déroulée toute une vie de labeur, au service de l’Education nationale, au temps où la Réunion était encore la grande oubliée de la Métropole. Néanmoins, je suis prêt, aussi, à témoigner des progrès fulgurants qui l’ont amenée au point où elle en est à ce jour.
L’Ecole a été pendant plus de trente ans ma seule maîtresse, une amante passionnée, ô combien exigeante ! Elle m’a donné des enfants aussi divers que sont ceux qui sont nés dans une île aussi métissée que la mienne. Elle m’a fourni les moyens de les élever, encore que ces moyens ne fussent pas que matériels ; elle m’a poussé à leur transmettre le meilleur pour leur avenir. Si, quelque part, je croise la route de ces enfants qui ont maintenant grandi, je suis heureux qu’ils me saluent et suis ému de l’étincelle que les souvenirs allument dans leurs yeux.
Loin de moi l’idée de croire que le doigt de Dieu n’a été pour rien dans ce que j’ai entrepris. La Providence m’a souvent aidé, mieux, j’en suis sûr, que les textes officiels dont on habillait la sacro-sainte pédagogie. J’ai beaucoup de chance : entré par « la bande » dans le monde difficile des enseignants, j’en suis sorti très convenablement, grâce, peut-être, à mon esprit d’à propos, mais aussi parce que j’ai su saisir les occasions qui se présentaient. J’ai été constamment soutenu par mon épouse qui partage la même passion que moi et par un inspecteur qui m’a obligé à aller de l’avant et qui a facilité mes actions.
Je ne voudrais pas que mes lecteurs pussent penser un seul instant que c’est l’orgueil qui guide ma plume. Non, je veux ici témoigner de la grandeur de l’entreprise de chacune de mes sœurs, de chacun de mes frères enseignants, femmes et hommes de cœur qui secrètement ont fait le vœu d’être au service de l’élève, de l’enfant qu’on leur a confié. Je veux leur dire, combien je sais leur œuvre longue et difficile. Ce que j’écris, c’est avant tout pour eux, c’est pour leur donner du courage et leur permettre de lutter contre les conditions pénibles dans lesquelles, beaucoup encore, travaillent.
Ma carrière fut riche : j’ai connu la Section enfantine, le Primaire, le Collège, le Lycée, la Formation professionnelle pour les adultes, j’ai appris à lire et à signer à de vieilles personnes qui en avaient un strict besoin. J’ai vu évoluer des élèves de toutes les ethnies et de toutes les confessions, j’ai aidé, à mes débuts, à la mise en place de la distribution de lait et de yaourts dans des écoles perdues où j’avais été nommé. Bien plus tard, j’ai assisté à l’envahissement des classes par les ordinateurs. Et quoi qu’on ait pu dire, j’affirme que l’instituteur, le professeur, même si ce sont d’éternels rouspéteurs, ont su toujours s’adapter, malgré le manque de diplômes qui les fragilisait : ils avaient une intelligence pratique hors pair.
S’ils apparaissaient toujours comme des grands révoltés, c’est que les « nouvelles technologies » comme on dit, leur imposaient un surcroît de travail, et surtout parce qu’on avait « oublié » de les former ! Je veux bien croire que c’était par manque de moyens, comme nos chefs l’affirmaient, mais, je crois que le Réunionnais, peu connu de ses collègues métropolitains, n’intéressait pas vraiment la « chère et douce France », formule chère à un préfet qui l’utilisait toujours à la fin de ses discours.
Néanmoins, je ne veux pas commencer ici à déflorer le sujet que je réserve à mes lecteurs. Ceci n’est qu’un avertissement : qu’on lise ce qui va suivre, non avec la flèche acérée de la critique pointée sur les mots mais parce que ce livre représente toute une vie au service des élèves et de l’Etat. Des enfants qui, par la force des choses, sont devenus les miens, les vôtres ; un Etat qui s’est servi de moi, de tous ceux qui ont enseigné avant moi, et après moi. Si quelques-uns - collègues, inspecteurs ou administrateurs- se reconnaissent dans les personnages que je vais essayer de camper, qu’ils soient indulgents pour celui qui, trente ans après, les égratigne sans méchanceté.
Je ne veux que rendre ici un vibrant hommage à toutes celles et à tous ceux qui n’ont eu ni la Mention honorable, ni les fameuses Palmes académiques : ils ont su œuvrer dans la modestie mais leur tâche n’en a été que plus belle. Merci en particulier à cette vieille institutrice de la Plaine des Cafres qui s’est tuée au labeur et qui a fait de sa classe un lieu dont on se souvient encore, avec émotion, cinquante ans plus tard. Merci à cette vieille demoiselle qui excellait dans le Cours préparatoire, qui arrivait bien avant l’heure pour préparer son « tableau » et qui achetait des tongs à ses petits parce qu’ils avaient froid aux pieds ! Beaucoup n’étaient pas attachés à l’argent surtout lorsqu’il fallait acheter le nécessaire à des élèves qui n’avaient rien.
C HAPITRE 1
L’Étang-Saint-Leu : septembre 1959­mai 1960
Mon premier poste, juste après l’échec cuisant que je viens d’essuyer au bac. Cette histoire de bac raté est d’une stupidité telle, qu’aujourd’hui encore, lorsque j’y repense, je me traite de tous les noms d’oiseau. Oui, si j’ai échoué, c’est de ma faute et rien que de la mienne : je voulais, à cette époque, jouer les romantiques dédaigneux et blessés et je n’en avais pas les moyens, tout me paraissait amer et la chance des autres me semblait être de l’injustice, de qui ? de quoi ? je ne saurais le dire. Je ne travaillais pas suffisamment, je me faisais porter malade et l’infirmière, qui avait deviné mon petit jeu, m’avait prévenu que les cours de math et de philo ne se rattrapaient pas aussi facilement qu’on le disait. Bref, j’échouai. Le pire, c’est que tous ceux que je n’aimais pas dans la classe avaient été reçus et que, pour eux, commençait la vie dorée des Normaliens de 4 e année, avec à la clé, le traitement des fins de mois, et surtout, la gloire d’être considérés comme des adultes et non comme des élèves. Du moins, c’est ce que tous croyaient à cette époque.
Mon frère et ma belle-sœur qui pourvoyaient alors à mes besoins – quel bel euphémisme ! - jugèrent qu’il n’était pas question de reprendre le harnais et qu’il fallait que je trouve du travail au plus vite, quitte, me dirent-ils, sans trop savoir de quoi ils parlaient, à « prendre des cours par correspondance », pour avoir à tout prix le fameux bac, sans lequel, alors, point de salut. Un beau-frère, enseignant, me fit faire les démarches auprès du Vice-Rectorat et, comme on était en manque d’instituteurs – on recrutait avec le Brevet élémentaire que j’avais passé – je reçus mon

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