Bilinguisme créole-français en milieu scolaire guadeloupéen
208 pages
Français

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Bilinguisme créole-français en milieu scolaire guadeloupéen , livre ebook

208 pages
Français

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Description

Bilinguisme créole-français en milieu scolaire guadeloupéen, est un récit d'expérience riche d'une réflexion sur l'identitaire et l'éducation à la pluralité linguistique. Il capte l'attention des créolistes sur le devenir culturel et scolaire des langues créoles dans la zone américano-Caraïbe. La conception de ce devenir se lit dans les ateliers de langues que l'auteure propose à l'École de mettre en place.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2015
Nombre de lectures 31
EAN13 9782336377292
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Paulette DURIZOT JNO-BAPTISTE









Bilinguisme créole-français en milieu scolaire guadeloupéen

Récit d’une expérience
Copyright





















© L’HARMATTAN, 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-72740-0
Préface
De l’école de Douville à Sainte-Anne en Guadeloupe comme institutrice et expérimentatrice, aux écoles associées de l’UNESCO comme correspondante académique, en passant par l’IUFM comme formatrice et le CRDP (maintenant CANOPE) comme directrice d’ouvrages, Paulette Durizot Jno-Baptiste trace une trajectoire singulièrement riche dans le paysage éducatif de la Guadeloupe.
Nous sommes nombreux à l’avoir sollicitée pour qu’elle fasse récit de ce parcours, en particulier de l’expérience de Douville, consistant en la mise en application d’un dispositif d’enseignement bilingue à la fin des années 80, ce qui témoignait alors d’une grande audace dans le système éducatif français marqué par le paradigme de la langue unique. Cette expérience conduisit à la première publication que je connais d’elle dont le titre créole ( yo ka jis fè matématik en kréyol 1 ) était à la fois une évidence (pourquoi le créole ne le permettrait-il pas ?) et une incongruité pour l’éducation nationale et bien des parents d’élèves à ce moment. En effet, et encore bien après pour certains, le créole n’était-il pas considéré comme « la langue de l’insulte, la langue du mépris, la langue des seuls affects pour libérer la tension nerveuse de l’enseignant en situation d’échec professionnel » comme l’écrit Paulette Durizot Jno-Baptiste ? Or, comme le décrit si bien notre auteure, l’usage du créole permet de libérer la parole, la créativité. Ne serait-il donc pas plutôt de nature – de nombreuses observations corroborant les siennes – à rendre parlant les élèves , à vaincre ce mur de silence que l’on rencontre parfois dans nos classes ? J’ai éprouvé une expérience analogue quelques années plus tard, à Saint-Martin lors de manifestations organisées par l’IREM des Antilles et de la Guyane dans le cadre de l’année mondiale des mathématiques. Il s’agissait, au travers d’un jeu, d’apprendre à reconnaître les formes géométriques usuelles. Les élèves se débrouillaient plutôt bien mais l’un d’entre eux restait isolé. Il me suffit de m’adresser à lui en anglais – ce que l’institutrice titulaire de la classe n’ osait pas faire – pour mettre en évidence chez ce dernier une capacité remarquable pour manipuler et reconnaître les figures.
L’idée fondamentale que je retiens ici, en espérant ne pas trahir la pensée de Paulette Durizot Jno-Baptiste, est que la première violence que l’école fait à l’enfant est de ne pas respecter ce qu’il est, son déjà-là (cher à Alain Dorville, autre figure du monde éducatif de la Guadeloupe), c’est-à-dire sa langue, sa culture, son environnent géographique, comme dans l’exemple que Gérard Lauriette racontait :
« Une autre fois c’est en classe de seconde au lycée qu’un de mes fils apprendra ce que lui a fait écrire le professeur de géographie : « Le soleil est au Sud à midi ». Faux ! Et là encore l’enseignant n’a pas utilisé son intelligence. A notre latitude, le soleil est tantôt au Sud quand il vient du tropique du Capricorne et qu’il se rend vers le tropique du Cancer, puis il passe au Zénith à midi, ensuite il est au Nord, enfin sur le chemin du retour il passe à nouveau à notre Zénith, puis se retrouve au Sud. » 2
Nous sommes au cœur de la démarche de contextualisation didactique (dont il faut rappeler qu’elle prend ses origines dans les questions de didactique des langues et de communication) dont l’objet est la « prise en compte active des contextes dans le tissage concret des pratiques didactiques et didactologiques 3 « comme le dit très exactement Philippe Blanchet en 2009. Paulette Durizot Jno-Baptiste et ses collègues en furent les militants .
Paulette Durizot Jno-Baptiste fit aussi de ces questions le sujet de sa thèse « La question du créole à l’école en Guadeloupe : historique et représentations actuelles d’une langue et d’une culture ». Ce travail, dont chacun s’accorde à dire qu’il représente une somme un peu exceptionnelle, a été soutenu en 1995 au Centre d’études et de recherches caribéennes de l’université des Antilles et de la Guyane devant un jury présidé par Bertène Juminer. Recteur honoraire de l’académie des Antilles et de la Guyane, ce dernier se plaisait à souligner, dans la préface de l’ouvrage qui reprend l’essence de la thèse, qu’« aucun Recteur ne saurait prendre ses fonctions ni enclencher une stratégie sans avoir mûrement réfléchi aux voies et moyens qu’elle préconise 4 . » En suivant une démarche tournant le dos au ressentiment colonial, Paulette Durizot Jno-Baptiste y préconise, dans une rhétorique non dépourvue de malice (pour reprendre le trait de Bertène Juminer), une approche « bidimensionnelle » de la langue maternelle français/créole , s’opposant à la représentation qui place en mineure la langue maternelle créole et en majeure le français, langue paternelle. Il s’agit, pour elle, de montrer comment l’on peut créer les conditions, pour les créolophones, d’une reconnaissance sociale de leur langue maternelle et de contribuer ainsi à corriger les représentations de langue et de culture. Il faut noter que cette question posée ici aux Antilles, et plus particulièrement en Guadeloupe, possède une résonnance mondiale car la situation de deux (ou plusieurs langues) en confrontation sur un même territoire est sans doute plus fréquente, et de loin, que celle du strict monolinguisme. Paulette Durizot Jno-Baptiste exploite ce socle pour décrire des contenus d’enseignement qu’elle complète, précise, renouvelle ici en proposant – entre autres pistes – des ateliers de langues en vue de réconcilier, de pacifier, de rendre complémentaires, les langues historiquement en contact depuis la période esclavagiste et coloniale.
Les jeunes chercheurs et les doctorants du Centre de recherches et de ressources en éducation et formation, dont Paulette Durizot Jno-Baptiste est la marraine, prennent parmi d’autres la suite de ses travaux en observant, décrivant, analysant les phénomènes de contextualisation. Car, en effet, les travaux se multiplient autour de ce qui peut paraître comme un paradoxe de la situation éducative contemporaine, devant prendre en compte d’une part les processus de mondialisation et d’autre part l’affirmation du respect des identités locales et singulières, dans la lignée de l’article 5 de la déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’UNESCO (en date du 2 novembre 2001) : « Toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle (…). 5 ».
Cet engouement pourrait, dans une vision superficielle, sembler n’être que le « juste pendant d’une émancipation progressive des pays, régions ou territoires ayant vécu l’asservissement, la colonisation, l’éradication des cultures locales ou toute autre forme de minorisation par rapport à une puissance extérieure ou un gouvernement central « comme Béatrice Jeannot-Fourcaud, Marie-Paule Poggi et moi l’écrivons dans un ouvrage à paraître 6 . Il pourrait également être vu comme le reflet de préoccupations identitaires, s’exprimant en réaction aux processus de mondialisation évoqués ci-dessus.
La lecture de l’ouvrage de Paulette Durizot Jno-Baptiste me fait mieux comprendre que les questions de contextualisation didactique s’inscrivent dans une prise de conscience sociale plus globale : la pluralité n’est pas la juxtaposition de singularités s’affirmant irréconciliables pour exister mais, tout au contraire, une richesse où les différences sont conçues comme source de potentialités et de développement. C’est ainsi que se comprendre, « s’inter-comprendre » devient un élément central de la construction de l’ estime de soi et du vivre ensemble chers à Paulette Durizot Jno-Baptiste.

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