Education, Démocratie et Développement
223 pages
Français

Education, Démocratie et Développement , livre ebook

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Français

Description

L'accession aux indépendances politiques aurait dû être accompagnée de l'accession à l'indépendance économique. Mais tel ne fut pas le cas. Sur ce chemin de liberté, au lieu de former des hommes libres, responsables et maîtres de leur destinée, l'éducation s'est contentée d'imposer la forme scolaire occidentale et de détruire le tissu culturel local. Le défi de l'éducation aujourd'hui en Afrique exige une formation à l'autonomie, à la citoyenneté et à l'engagement pour la justice sociale en Afrique.

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Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 230
EAN13 9782296257931
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

ÉDUCATION, DÉMOCRATIE ET DÉVELOPPEMENT
Stanislas BALEKE ÉDUCATION, DÉMOCRATIE ET DÉVELOPPEMENT Une pédagogie pour aujourd’hui en Afrique Préface deJeanDominique DURAND L’Harmattan
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Préface Dans des notes prises au cours d’un voyage à travers l’Afrique noire alors française, en mars et avril 1947, le philosophe personnaliste Emmanuel Mounier, fondateur de la revueEsprit, ami de Léopold Sédar Senghor, écrivait : « Faire la démocratie en Afrique, ce n’est pas y étendre la souveraineté du café du Commerce. C’est d’abord équiper l’Afrique, qui est encore une affaire de mauvais rendement, afin de donner progressivement à tous un niveau de vie honorable. C’est multiplier l’école et ne pas craindre, par esprit de système ou sous prétexte de certains abus, de l’adapter aux premiers besoins d’un peuple qui s’éveille, notamment le besoin de cadres paysans. Faire la démocratie en Afrique, c’est donner à partager aux Africains, progressivement et selon les capacités réelles, le pouvoir effectif, et non pas exporter la démagogie, la concussion, le 1 mandarinat électoral, le bavardage de l’impuissance. » Emmanuel Mounier soulignait déjà il y a plus de soixante ans, dans le contexte d’une colonisation dont on savait qu’elle devrait évoluer, mais sans que l’on sache en ces années d’aprèsguerre, dans quel sens, le lien inextricable entre éducation, développement et démocratie. C’est dans cette démarche que se situe Stanislas Baleke pour tenter de définir, à partir de la situation actuelle de l’Afrique francophone, près de soixante ans après Emmanuel Mounier, et cinquante ans après les indépendances : « une pédagogie pour aujourd’hui en Afrique ». Non sans audace, il le fait à partir d’un philosophe français, catholique, aujourd’hui un peu oublié, mais dont les écrits restent d’une grande actualité. Parmi ses nombreux ouvrages, Stanislas Baleke s’appuie essentiellement sur un livre publié d’abord en anglais durant son exil à New York,Education at the Crossroadsen 1943, et édité en français, en 1947, à Fribourg sous le titrel’Education à la croisée des chemins,puis en 1959, à Paris, chez Fayard, sous le titrePour une 1 E. Mounier,L’Eveil de l’Afrique noire,Préface de JeanPaul Sagadou, Présentation de Jacques Nanema, Paris, Presses de la Renaissance, 2007, p. 165. 5
2 philosophie de l’éducation .Epistémologue, philosophe des sciences, de l’art, mais aussi de la démocratie et de l’éducation, Jacques Maritain prône une pédagogie qui implique, « la science à dispenser et la conscience à former » note Stanislas Baleke, dès son introduction générale. Pourtant celuici, qui ne s’est jamais rendu en Afrique sub saharienne, n’a pas écrit pour l’Afrique, ni en pensant aux Africains, et même ses travaux ne l’ont guère amené à s’intéresser aux problèmes de l’Afrique. Les intellectuels africains ne se sont guère intéressés à Jacques Maritain, comme le montre Barbara Cannelli dans sa thèse sur le rapport 3 des philosophes africains avec l’Occident . Et si une Association affiliée à l’Institut International Jacques Maritain de Rome est fondée en 1991 à Dakar, avec le nom Association Léopold Sédar Senghor, présidée par un professeur de Philosophie, Aloïs N’Diaye, ses activités ne semblent pas 4 s’être développées . Le propos de Jacques Maritain s’adressait avant tout aux Américains – il vivait alors aux EtatsUnis – et aux Français, mais en ces années 1940, ses réflexions se confrontaient à une crise sans précédent. L’éloignement de Jacques Maritain des problématiques africaines n’est donc qu’apparent dans la mesure où tant de nations africaines sont dans une crise permanente, à la fois culturelle, économique, sociale et sans doute surtout politique. Comme le craignait clairement Emmanuel Mounier lorsqu’il évoquait la corruption, c’est bien la crise du bon gouvernement, c'estàdire de la démocratie, qui paralyse l’Afrique. Lorsque l’on suit l’actualité de nombreux pays d’Afrique, on ne peut qu’avoir à l’esprit les magnifiques fresques peintes par Ambrogio Lorenzetti sur les murs de la Sala della Pace du Palazzo Pubblico de Sienne, en Toscane, entre 1337 et 1340, où le peintre oppose le Bon Gouvernement (Buon Governo), porteur de paix, de liberté, de sécurité, de prospérité, et le Mauvais Gouvernement (Mal Governo), porteur de tyrannie, d’injustice, de guerres, de pillages, de misère : « La tyrannie s’accorde avec tous les vices de la nature », liton sous l’une des fresques du Mal Governo. Cette devise s’applique parfaitement en Afrique aujourd’hui et se retrouve dans ce qu’observe Stanislas Baleke. 2  On le trouve aujourd’hui dans lesŒuvres complètesde Jacques et Raïssa Maritain, volume VII, pp. 765988. 3  B. Cannelli,Un pensiero africano. Filosofi africani del Novecento a confronto con l’Occidente 19341982,Milan, Leonardo International, 2008, 368 p. 4  J.D. Durand,Un laboratorio per la democrazia. L’Istituto Internazionale Jacques Maritain 19742008,Bologna, Il Mulino, 2009, pp. 103104. 6
Dans sa réflexion sur l’aprèsguerre, Jacques Maritain pensait à l’éducation comme moyen d’assurer une dynamique démocratique et culturelle fondée sur le respect de l’Altérité, seul capable de garantir un vivre ensemble harmonieux. En Afrique, il s’agit à la fois de prendre en compte les nécessités du développement et le respect de l’univers traditionnel, en mettant en œuvre une éducation « intégrale » selon Jacques Maritain : « une formation globale intégrant l’existence humaine dans toutes ses dimensions », note Stanislas Baleke. Ses propositions et ses réflexions concernant la pédagogie, l’usage des langues locales, le rôle de la famille, l’exaltation de la tradition, peuvent se discuter. Mais son diagnostic sévère s’impose pour aborder les conditions de « la construction d’un monde plus humain ». Il s’appuie beaucoup sur les analyses de l’Eglise qui selon lui, « s’est montrée la plus pertinente par ses déclarations et par sa participation au développement à travers la construction de plusieurs écoles et universités à travers le continent. » Il faut se reporter au travail considérable élaboré par l’Institut International Jacques Maritain de Rome, qui a rassemblé tous les documents épiscopaux à travers le monde entre 1891 et 1991 sur 5 l’économie, les questions sociales, et le développement . Ces documents offrent un panorama sur un siècle de l’enseignement social de l’Eglise appliqué aux conditions locales. L’Institut a consacré un colloque spécifique aux questions africaines en 1995 qui dit en conclusion : « L’Afrique n’est pas un continent pauvre et c’est pourtant le continent des pauvres. Ses richesses, toutefois, ne sont pas partagées de façon équitable entre ceux qui, par leur travail, contribuent au processus de production. Le développement se produit d’une façon inarticulée, ce qui entraîne la coexistence du progrès et de l’extrême pauvreté voire de la précarité. Ce fait ne devrait pas distraire notre attention de la grande valeur que représentent les cultures africaines. C’est une ressource que l’on doit sauvegarder et développer afin de
5  R. Bertholouzoz, Roberto Papini, Carlos J. Pinto de Oliveira, Ramon Sugranyes de Franch (dir.),Economie et développement. Répertoire des documents épiscopaux des cinq continents (18911991),FribourgParis, Editions UniversitairesEditions du Cerf, 1997, 808 p. Un bilan de synthèse dans Roger Berthouzoz et Roberto Papini (dir.), Ethique, économie et développement. L’enseignement des évêques des cinq continents (18911991),FribourgParis, Editions UniversitairesEditions du Cerf, 270 p. 7
préserver l’identité des nombreux groupes dispersés sur de 6 vastes territoires. » C’est dans cet esprit et dans la suite des observations faites par Paul VI dans l’encycliquePopulorum progressio(1967), texte majeur qui peut être interprété comme une véritable vigie pour notre monde, que Stanislas Baleke souligne l’apport de l’enseignement confessionnel pour favoriser les actions de développement, ainsi que celui de tant de « martyrs de la vérité » et de la charité, et d’initiatives concrètes au plus près des populations démunies comme le microcrédit, dont la formulation est attribuée à l’économiste bengladais Muhammad Yunus, 7 Prix Nobel de la Paix en 2006 . L’apport d’économistes qui n’ignorent pas la personne humaine comme le dominicain LouisJoseph Lebret, fondateur en 1943 du mouvement Économie et Humanisme, un expert en développement économique qui mena des enquêtes d’aménagement et de développement en Amérique latine, au Sénégal et au Liban, créa à Paris l’Institut international de recherche et de formation en vue du développement harmonisé (IRFED, 1958), et la revueDéveloppement et civilisations. Porteparole du Vatican à la première CNUCED (Conférence des NationsUnies sur le Commerce et le Développement,
6 Roberto Papini et Vincenzo Buonomo (dir.),Ethique et développement. L’apport des communautés chrétiennes en Afrique,YaoundéRome, Editions CléInstitut International Jacques Maritain, 1995, p. 246. 7 Il convient de noter que le microcrédit n’est pas vraiment une invention de Muhammad Yunus, ou du moins l’atil réinventé. En fait, il a été mis en place avec les Caisses rurales à la fin du XIX° siècle en Europe.Il s’agissait de permettre aux agriculteurs ou aux artisans les plus démunis, exclus des circuits classiques du financement, d’avoir accès au crédit à un taux intéressant. Friedrich Wilhelm Raiffeisen (18181888), luthérien allemand, conçoit le fonctionnement des Caisses : pratique des prêts à l’échelon local pour connaître mieux les débiteurs, responsabilité illimitée des sociétaires pour crédibiliser les caisses parce que les fonds prêtés étaient ainsi garantis par les apporteurs de fonds, bénévolat des administrateurs dans le cadre de leur engagement chrétien, ce qui abaissait le coût de fonctionnement, bénéfices faiblement distribués aux porteurs de fond pour alimenter une réserve en cas de conjoncture défavorable. Elles pouvaient ainsi pratiquer des prêts peu élevés, l’épargne modestement rémunérée des uns finançant les crédits à taux avantageux accordés aux autres. Ce modèle fit école en Europe grâce à l’action de chrétiens sociaux : Louis Durand (18591916) à l’origine du Crédit Mutuel et le capucin Ludovic de Besse (1831 1910) en France, le pasteur Johann Traber en Suisse, mais aussi le philanthrope juif Leone Wollemborg (18591932) en Italie, dont l’initiative fut reprise par des prêtres catholiques, don Luigi Cerutti (18641934) en Vénétie, don Luigi Sturzo en Sicile.
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1964), expert au concile de Vatican II, proche de Paul VI, il participa à la rédaction deGaudium et Spes, à la mise en place de la Commission pontificale Justice et Paix, et participa à la rédaction de l’encyclique Populorum progressio. DansDynamique concrète du développement,il écrivait que « l’opération de développement, est une opération complexe qui doit tenir compte de nombreux facteurs et antifacteurs, les uns physiques et géographiques, les autres économiques, les autres biologiques, certains psychologiques et sociologiques, 8 certains politiques. » L’éducation est l’un de ces facteurs fondamentaux pour promouvoir un changement de mentalités tant par rapport aux difficultés de production que par rapport aux pesanteurs politiques qu’aux exigences éthiques de liberté et de droits de la personne. Si Stanislas Baleke pose un jugement souvent très sévère, son livre reste un acte de foi en l’avenir de l’Afrique parce qu’il croit en la « pédagogie du développement », et la mise en place d’un « plan éducatif ambitieux » au service de la personne. Il montre sans complexes tout ce que le personnalisme peut apporter à l’Afrique, que comme le disaient 9 10 Emmanuel Mounier et Jean Lacroix , en tant qu’une inspiration qui ramène toute la construction sociale à la personne responsable, en faisant ressortir avec Jacques Maritain, « le lien indissoluble qui relie la finalité de l’éducation à une conception de la nature humaine. JeanDominique Durand Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3
8 Paris, Editions ouvrières, 1961, p. 40, cité par Stanislas Baleke. 9  E. Mounier,Qu’estce que le personnalisme ?, Paris, 1947, rééd. InEcrits sur le personnalisme,Paris, seuil, 2000, 390 p. ;Le personnalisme, Paris, PUF, 1949, rééd. 2001, 128 p. 10 J. Lacroix,Le personnalisme comme antiidéologie, Paris, PUF, 1972, 163 p. 9
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