Le krach éducatif
254 pages
Français
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Description

Après une analyse de la situation inquiétante du système éducatif français, les auteurs formulent une série de propositions qui, ensemble, dessinent son aggiornamento : large autonomie pédagogique des établissements, nouvelle définition du "socle de base", collège pluriel, mise en œuvre de solutions plus modernes en matière de conception de programmes et d'évaluations. Attentifs aux pratiques qui ont cours dans d'autres pays (Allemagne, Pays Bas, Finlande, Québec), avec souvent des résultats intéressants, les auteurs s'en inspirent, sans jamais les plaquer sur une situation française qui a ses traditions propres.

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Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 253
EAN13 9782296266339
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

LE KRACH ÉDUCATIF
32 propositions pour tenter de l’éviter
Jean-Pierre Boudine En collaboration avec Antoine BodinLE KRACH ÉDUCATIF
32 propositions pour tenter de l’éviterL’Harmattan
À nos enfants, à nos élèves. JeanPierre Boudine, Antoine Bodin
© L’Harmattan, 2010 57, rue de l’EcolePolytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 9782296129467 EAN : 9782296129467
Introduction
Les questions relatives au système éducatif occupent dans notre pays une place paradoxale. D'un côté, elles ne sont jamais ou bliées. Quel qu'il soit, un homme politique ne manque jamais, quand il évoque l'emploi, les salaires, l'équilibre de la sécurité sociale, la démocratie et autres sujets fondamentaux, de men tionner la réforme de l'école. On y fait référence, avec révé rence, et même avec insistance. De l'autre, elles ne sont jamais vraiment abordées. Dans ce champ du discours politique, la phrase creuse se déroule et s'épanouit : on déclare qu’"il faut dégraisser le mammouth", "réhabiliter le travail", "restaurer l'autorité", "instaurer une réelle égalité des chances". Les instances académiques deman dent que l'on défende la langue française ou la rigueur mathé matique, les structures syndicales veulent davantage de postes et de meilleures carrières, les sociologues à la mode soumettent leurs recettes pour réussir la mixité sociale... On a des polémiques : le niveau baisse ! Non ! Il monte ! Il faut enseigner le français comme ceci ! Non ! Comme cela ! Mieux apprendre les tables de multiplication ! Non ! Mieux utiliser les calculatrices ! Le ton monte fin juin, à l'époque des examens, et quelquefois courant septembre, au moment de la rentrée. Le reste du temps, on est dans le ronronnement et la répétition. C'est qu'au fond, le corps social et politique français est con vaincu de la bonne tenue de son système éducatif. Oui, les cri tiques sont multiples, et se veulent quelquefois féroces. Elles restent cependant toutes à la surface des problèmes.
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La France, dans ses profondeurs, considère en 2009 son sys tème éducatif comme elle considérait son armée en 1939. Quoi qu'on dise..."Nous sommes les meilleurs, et les mieux organi sés". Il y a méprise et sur la situation, et sur l'enjeu. L'enjeu n'est pas celui qu'on répète. La vertu formatrice de la rigueur mathématique, la beauté de la langue française, sont des réalités, et leur défense est une belle cause. Mais ce n'est pas seulement de cela qu'il s'agit. Il s'agit maintenant d’éviter un effondrement du système éducatif. Il s’agit donc du statut de la France dans le monde, de son poids politique, diplomatique, de son économie, et finalement du niveau de vie des Français. Il fut un temps où l'on plaisantait :"En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées". En réalité, la France a du pétrole, et du gaz, grâce à de bons contrats passés avec tel ou tel état étranger. Mais dans le monde actuel, une telle situation est politiquement fragile. La France a également de l'énergie nucléaire, mais dépend aussi de ses four nisseurs étrangers pour l'uranium, sans même parler des pro blèmes techniques, environnementaux et politiques que pose l'atome. Bref, il ne serait pas mauvais de prouver que l'"on a des idées"! Mais estil vrai que "les idées" puissent être mises en balance avec les matières premières ? Les idées, c’estàdire en fait la puissance d'innovation dans les domaines de la haute technolo gie, ontelles autant de valeur que l'or du Pérou, le pétrole de l'Irak ? Oui, autant et bien davantage. Le poids politique d'un pays dans l'arène internationale, et par suite, le niveau de vie de ses habi tants dépend directement de sa position dans les nombreux do maines du savoir et de la haute technologie.
Il s'agit des défis d'hier et d'aujourd'hui, l'espace, les satellites, l'aéronautique, les trains à grande vitesse, les dispositifs infor matiques multiusages, et de ceux de demain : l'énergie de fu sion, les biotechnologies, l'ingénierie génétique, les nouveaux enjeux de l'agronomie, de la gestion de l'eau, de la lutte contre
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les pollutions, de la prévision climatique, de la gestion des risques. Les pays qui savent et qui sauront faire exportent et exporteront leurs experts, leurs savoirs et leurs savoirfaire. La compétition dans les années qui viennent se jouera sur ce terrain. Et ce sera bel et bien une guerre. La bataille des brevets, de la haute valeur ajoutée, celle des savoirs, la guerre des com pétences. Tel est le véritable enjeu du débat sur le système éducatif en France. Beaucoup de responsables ne le croient pas vraiment. Ils pensent, en se basant sur l'exemple des ÉtatsUnis, qu'une position éminente dans les domaines innovants résulte du bon niveau de l'élite ; disons – chez nous – les élèves de nos grandes écoles, et que cela peut s'accommoder d'une école primaire et secondaire dont il suffirait de gérer benoîtement la crise. Ils se trompent. Certes, entre 1930 et 1990, la recherche aux États Unis a bénéficié d'un importantbrain drainà différentes dû causes et en particulier à la puissance économique et militaire de ce pays. Et en effet, le système scolaire de base y est mé diocre. Quant à la France, sa position présente, encore très avantageuse dans plusieurs domaines techniques, culturels et scientifiques, résulte d'un glorieux passé. Du début de la révolu tion scientifique (que l'on peut dater de 1604, année d'impor tantes découvertes de Galilée) jusqu'au début du vingtième siècle, la France est, avec le RoyaumeUni et l'Allemagne l'un des trois pays importants dans le monde, sur les plans poli tiques, industriels, économiques, culturels et scientifiques. Comme l'éducation est un phénomène qui exige de la durée, cette longue excellence porte encore des fruits. Encore aujour d'hui, par exemple, l’école française de mathématiques reste l'une des premières du monde. Mais pour toutes sortes de raisons, la gloire passée ne constitue plus un atout aussi important. Lorsqu'à l'occasion d'enquêtes internationales, dont nous parlerons, le mauvais état de l'ensei gnement secondaire des ÉtatsUnis est devenu évident, de nom breux scientifiques américains ont publié une adresse : "A Nation at Risk" qui se voulait un cri d'alarme. Une telle inquié
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tude serait cent fois plus justifiée pour ce qui concerne la France. L'atout que constitue un passé culturel et scientifique impres sionnant s'amenuise rapidement, parce que trois révolutions au moins ont eu lieu dans le dernier demisiècle, et la donne a changé. D'une part, à partir de 1970, les progrès scientifiques et techno logiques ont littéralement explosé. Cette révolution a été prépa rée par de grands progrès mathématiques de 1800 à 1950, puis par un énorme pas en avant de la physique fondamentale dans la première moitié du vingtième siècle, enfin par l'émergence de l'outil informatique, équivalent, pour le calcul, du télescope pour l'astronomie. Tous les champs de l'activité scientifique ont été depuis cette époque complètement transformés. Mathéma tiques et physique, bien sûr (il paraît chaque année environ cent mille articles de mathématiques nouveaux dans le monde), mais la chimie a connu des révolutions, de même que la biologie, et une nouvelle médecine, capable de soigner de nombreuses ma ladies graves, est née. Pour participer à ce développement pro digieux, une poignée de brillants esprits ne suffit pas. La seconde révolution, également dans les années 1970, de nature démocratique, c'est l'ouverture de l'enseignement secon daire à la plus grande partie de la population. Elle a des consé quences en termes aussi bien de potentialités que d’exigences. Et la troisième révolution, à partir de 1990, c'est l'arrivée sur la scène internationale de ce qu'on appelle les nouvelles nations émergentes : la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Indonésie. En même temps, des géants disparaissent : l’URSS des années 1960 était au second rang des pays industriels et scientifiques. Le chaos économique l’a renvoyée loin en arrière. La crise commencée en 2008 handicape lourdement le Japon et dégrade sensiblement les paramètres industriels d’innovation aux USA. Le paysage se modifie très vite et, en Europe, la France et l’Allemagne ont des cartes à jouer.
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La conclusion que l'on peut tirer de ces faits c’est qu’il n'est plus possible de compter seulement sur quelques dizaines d'élèves très doués, récoltés au travers de "grands" ly cées (environ la moitié des élèves admis à Polytechnique pro viennent de deux ou trois établissements de la Région parisienne) pour maintenir le statut de la France dans le do maine scientifique et culturel. Il faut considérer le nombre. Le "plancher", c'estàdire le ni veau le plus bas, doit s’élever, pour des raisons qui tiennent à la vie démocratique et à la paix civile. Davantage de profession nels doivent être formés aux pratiques modernes, dans la plu part des branches. L'élite doit être recrutée beaucoup plus largement, et être plus différenciée. Cela implique que l'en semble du système scolaire fonctionne à plein régime. Or il est au bord de l’implosion. Tel est l’enjeu. Nous reprenons dans notre ouvrage ce que beaucoup ont pu constater, non seulement par d'innombrables témoignages, mais maintenant par les résultats d'enquêtes internationales : les ré sultats de notre système scolaire sont mauvais, et chutent. Les causes de cet affaissement ne sont pas, selon nous, à chercher du côté de quelque mauvaise volonté des acteurs en présence, qu'il s'agisse des élèves, des parents, des enseignants, des syn dicats ou des ministres. Il n'y a pas de complot contre l'école, sinon celui, anonyme, de la routine et de l’incompétence. Notre système scolaire est dépassé, dégradé, proche d’un point de rupture, parce qu'il est ancien et n'a pas su se rénover. Il a été l'un des premiers systèmes scolaires d'État, et quel État ! Celui er de Napoléon I . C'est son extrême centralisation qui a fait sa force jusqu'au milieu du vingtième siècle, mais, du fait même de cet appétit d'uniformité, confondu avec un souci de justice et de démocratie, nous avons en partie raté, avec la formule rigide du collège unique, la massification de l'enseignement secon daire. C'est un problème classique du développement historique. Parce qu'elle a été trop longtemps une immense puissance commer ciale, la République de Venise n'a pas été une puissance indus 9
trielle. Parce qu'elle a été la première grande puissance indus trielle, au dixhuitième siècle, l'Angleterre a été dépassée sur ce terrain au siècle suivant par des nations industrielles plus ré centes comme la France et surtout l'Allemagne. Être le premier comporte des avantages, des inconvénients et un impératif : savoir se transformer pour conserver l'avantage. Aujourd'hui, les nations performantes dans le domaine éduca 1 tif (du moins si l'on en juge par l'enquête PISA , qui constitue en tout cas un indicateur intéressant) sont des nations au sys tème éducatif relativement jeune : le Japon, la Corée, Hong Kong, Singapour, la Finlande... La Chine et l'Inde brillent déjà dans plusieurs domaines. Le temps du Brésil va venir. Les ré sultats des Olympiades Internationales de Mathématiques sont également révélateurs : au classement par pays, en trente ans, la France a perdu environ vingt places. Notre équipe vient réguliè rement entre la trentième et la quarantième place, les premières étant occupées par la Chine, la Russie, le Vietnam, les États Unis, la Hongrie, la Roumanie, l'Allemagne, l'Iran, la Thaïlande, la Corée du Sud, etc. Ce n’est pas un bon signe pour l’avenir. Le système éducatif français est menacé par un véritable krach éducatif. De temps à autre, certains tirent la sonnette d’alarme. Ainsi le 12 mai 2010 un rapport de la cour des comptes fait le"constat dramatique d'un dysfonctionnement 2 généralisé " et pointe la nécessité d’une réforme de fond en comble du système. La partie visible, ce sont les violences dans les établissements, les incivilités, les enseignants qui craquent, partent en congés et ne sont pas remplacés. Des phénomènes autrefois marginaux, aujourd’hui significatifs. Ce sont les parents qui, lorsqu’ils le peuvent, dispensent à leurs enfants un minimum que ne fournit pas l’école. Ce sont les résultats médiocres aux enquêtes inter nationales. La partie cachée la plus profonde n’est lisible que dans des statistiques abstraites. Le poids des entreprises indus 1. Dont nous parlerons abondamment dans le premier chapitre. 2.Le Mondedu 12 mai 2010. 10
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