Le verbe et la chair
269 pages
Français

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Le verbe et la chair , livre ebook

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Description

L'ouvrage se propose de contribuer au débat sur la restauration de la leçon de morale à l'école primaire. Pour ce faire, il s'est donné pour objet d'analyser les systèmes moraux et les systèmes de contrôles que les manuels de moral et d'hygiène de tous les niveaux de classe, ont tenté d'appliquer aux corps des élèves entre 1880 et 1974 en France, lorsque les leçons de morale et d'hygiène existaient encore, avant que la Morale ne devienne Education civique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 94
EAN13 9782296703476
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le verbe et la chair
Jacques Gleyze


Le verbe et la chair


Un siècle de bréviaires de la République


Une archéologie du corps dans les manuels
scolaires français de morale et d’hygiène

( 1880-1974 )



L’Harmattan
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12411-0
EAN : 9782296124110

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Remerciements

Merci à Hélène André qui a tant facilité mes recherches au Centre d’Etude et de Recherche en Histoire de l’Education de l’IUFM de Montpellier, Université de Montpellier II, ainsi qu’à sa directrice, ma collègue et amie Brigitte Morand.

Merci aussi à la directrice de cette collection Michèle Verdelhan, qui m’a toujours soutenu aussi bien au plan de ma carrière que de mes recherches.

Merci à Pierre Boutan, précédent directeur du CEDRHE, qui m’a permis d’accéder à certains documents relativement confidentiels (comme les règlements de l’école normale de Montpellier).


In memoriam Pierre Guibbert qui m’a ouvert la porte de ce type de recherche.


Pour Claudine, Jacqueline, Julien et Laurent.


Jacques Gleyse est aussi l’auteur, le co-auteur ou a dirigé :


Avec Gilles Bui-Xuân, Enseigner l’EPS ! ? Clermont-Ferrand, AFRAPS, 1993.

Archéologie de l’Education physique au XXe siècle en France , Paris, PUF, 1995.

L’Instrumentalisation du corps. Une archéologie de la rationalisation instrumentale du corps de l’Age classique à l’époque hypermoderne , Paris, L’Harmattan, L’ouverture philosophique, 1997.

L’Education physique au XXe siècle en France. Approches historique et culturelle , Paris, Vigot, 1999.

Avec Gilles Bui-Xuân L’Emergence de l’Education Physique. Georges Demenij et Georges Hébert , Paris, Hatier, 2001.

Avec Renata Freccero La fabrica dei corpi , Torino, Levrotto & Bella, 2002.

Avec Lecoq G. & Cebe, D. L’Education physique de ses environnements à l’élève , Paris, Vigot, 2004.

Archéologie de l’Education physique au XXe siècle en France , Paris, L’Harmattan, Rééd. 2006.


Les lecteurs qui ont été élèves, jusqu’aux années 1960 au moins, dans l’enseignement public, en France, connaissent les quelques expressions illustratives qui suivent ou du moins des injonctions similaires ou du même type concernant la morale.
« Le bien d’autrui tu ne prendras ou retiendras à bon escient »,
« On risque de payer bien cher la manie de toucher à tout »,
« La colère ne peut que rendre nos efforts inutiles, c’est une mauvaise conseillère : si on l’écoute, on a presque toujours à s’en repentir »,
« Le gourmand, dit un vieux proverbe, creuse sa fosse avec ses dents » (Pierre, Minet & Martin, 1920, p. 25 passim ).
Ces préceptes parsèment le manuel de morale : Nos Petits Amis , publié chez Fernand Nathan, en 1920, sous la plume de A. Pierre, A. Minet et Mademoiselle Aline Martin. On y voit comment le discours moral prescrit et proscrit un certain nombre de comportements corporels. Comment il tente de travailler les corps, de les fabriquer, par une mémorisation renvoyant à des préceptes simples ou à de petites paraboles. Il cherche implicitement ou explicitement à incruster du verbe , des mots dans la chair , dans l’agir, dans la vie, dans les choses.
Vingt ans plus tôt, les Petites Lectures Morales , de Marie Pape-Carpantier – à l’origine de la création des Salles d’Asiles et des Jardins d’enfants devenant, sous l’impulsion de Pauline Kergomard, les Ecoles Maternelles, en 1919 –, et M. et Mme Charles Delon, publié chez Hachette, destiné à la première année préparatoire, utilisent de petits fabliaux et cherchent à capter l’attention de l’enfant par des scènes de la vie quotidienne :
« La Colère. Quel tapage on entend dans la chambre ! – C’est le petit Armand qui est en colère. Il a brisé tous ses jouets, renversé une chaise. Il pleure, il crie, il rage… Il frappe de ses pieds, et ferme ses poings. Il a les yeux rouges, et toute la figure aussi ; ses cheveux tombent en désordre, tous ses traits font une affreuse grimace. Sa mère vient le prendre doucement ; elle le conduit devant une glace. Armand se voit, il se trouve laid et reprend son calme » (Pape-Carpantier, 1900, p. 23).
Même si le procédé didactique est un peu différent (l’identification à l’enfant et l’amour de la mère) de celui employé pour les maximes, citées plus haut (où il s’agit de mémoriser par répétition quotidienne, par exemple), le fond reste identique. Et c’est bien ce qui frappe lorsque l’on parcourt les manuels de morale et d’hygiène de la fin du XIX e siècle au début des années 1970, date de leur extinction : une stabilité des thèmes, leur récurrence, quel que soit le niveau de classe et le type d’enseignement, quelle que soit l’école (publique).
Aux manuels de morale revient la préservation du corps ( suicide, mutilations diverses ) , la paresse, la prudence, la gourmandise, la colère, le travail, le courage, la tempérance et la sobriété ; aux manuels d’hygiène, bien sûr, les prescriptions concernant la propreté corporelle, l’équilibre alimentaire, la respiration . Mais plusieurs thèmes sont communs à ces manuels bien que traités de manière un peu différente : l’attention portée au corps, la tempérance, la sobriété, l’ivrognerie et l’alcoolisme, la propreté, le travail et l’exercice physique puis le sport . Tous ces thèmes définissent non seulement des préceptes concernant le comportement des élèves et de l’être humain en devenir, mais aussi des systèmes de contrainte morale, pour le dire comme Michel Foucault (Foucault, 1976 et cours 78-79, 2004), qui parle plutôt en ce sens de la médecine, de la prison et de l’école : des systèmes de micro-pouvoir et de biopouvoir. Le biopouvoir est le pouvoir qui s’exerce sur la vie des individus d’une manière ou d’une autre. En ce sens les manuels scolaires d’hygiène et de morale pourraient bien participer de ce biopouvoir.
Bien que le concept de citoyenneté – d’ailleurs souvent confondu avec celui de civilité – ait été réactivé, entre 1990 et 2000, notamment au cours de la Vème Biennale de l’Education et de la Formation à la Sorbonne (Coll., 2000), celui de morale semblait être tombé en obsolescence. Un brusque revirement s’est produit, depuis quelques années, ramenant l’instruction civique (au sens sans doute davantage d’assujettissement que de mise en œuvre de droits et devoirs, d’émancipation) au centre du débat scolaire et politique.
Plus récemment encore, certains discours présidentiels et ceux du ministre de l’Education Nationale, Xavier Darcos, ont souhaité réhabiliter une morale, en définitive « chrétienne » et religieuse, face à celle de l’instituteur laïque ; oubliant, au passage, que la religion chrétienne n’est pas l’apanage de tout l’Occident mais que celui-ci est, depuis bien longtemps, également touché par d’autres modalités religieuses, islamiques plus ou moins modérées et éclairées (par exemple avec le khalifat de Cordoba, Avicenne, Averroès…), judaïques et même, depuis quelque temps, bouddhistes (le Dalaï Lama, comme icône « New Age »). Par ailleurs, la chrétienté n’est pas du tout homogène et il suffit de lire les travaux de Max Weber sur l’ Ethique protestante et l’esprit du capitalisme (Weber, 1964), ou encore sur la sociologie des différentes religions (Weber, 1996, rééd.) pour s’en convaincre.
Quant à la morale de l’instituteur, si l’on a lu Michel Foucault, traitant de l’archéologie de la prison (Foucault, 1975), on sait que celle-ci plonge profondément ses racines dans celle des Ecoles des Frères de Jean-Baptiste De La Salle, au XIX e siècle, et de la fabrication d’ouailles pour l’église ; que les « corps dociles », soumis aux alignements disciplinaires (extérieurs et intérieurs), réduits au silence et à l’ immobilité , en sont le dogme fondateur. Il reste alors à savoir s’il existe un véritable héritage moral

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