La Révolte d Épictète
38 pages
Français

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La Révolte d'Épictète , livre ebook

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Description

Épictète est né dans la servitude. Il est boiteux, dort sur une paillasse, et pourtant c'est l'homme le plus libre de Rome. On le dit même plus heureux que l'Empereur …

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2014
Nombre de lectures 10
EAN13 9782361650759
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Épictète (50 — 130 apr. J.-C.)
Je pense en vérité que la pratique philosophique que l’on enseigne dans ce petit livre si cher et si précieux est bien la plus appropriée à l’homme et en particulier aux esprits de nature ou de complexion ni héroïques, ni très forts, mais modérés et d’une force moyenne, ou bien encore faibles, et par là même profitable aux hommes modernes plus encore qu’aux anciens.
Giacomo Leopardi, Préface au Manuel d’Épictète , 1825

Docteur en philosophie et formateur pour les enfants comme pour les adultes, Yan Marchand a toujours voulu que ce qui lui arrive, lui arrive. Et il n’a jamais été déçu.
Ancien élève des Arts Décoratifs de Strasbourg, Donatien Mary exerce le métier d’illustrateur depuis bientôt sept ans. Précédé par Le Fantôme de Karl Marx (Les petits Platons, 2010), cet Épictète confirme son sérieux penchant pour un matérialisme corrosif.
Survolons cette ville qui s’est enracinée, il y a plus de sept siècles, au milieu des marécages. Aujourd’hui, elle déborde les sept collines qui l’entourent pour se répandre à travers le monde entier. Elle a englouti les richesses de Carthage et de la Gaule, jeté les Ibères et les Numides en esclavage. Cette cité porte un nom qui, à lui seul, peut renverser les princes et les rois : Rome. Depuis qu’il est tombé malade, le vieil Empereur Vespasien ne fait plus trembler, mais son fils promet une terrifiante relève.


Son nom est Titus. Il fut un superbe général, aussi craint que respecté par ses légionnaires, mais il faut le voir, dix années après son triomphe à Jérusalem, couvert de bijoux, de tissus et de parfums d’Orient. Il a troqué sa ration militaire contre des dîners somptueux, et les bains de sang contre des orgies de vin.Des esclaves le nourrissent, le baignent, le portent, lui font la lecture, dansent ou jouent de la flûte pour lui plaire.
Les femmes se pressent pour l’embrasser.
Les nobles Romains grattent à sa porte pour lui demander des faveurs.
Les prêtres se fient plus à ses oracles qu’à ceux de Jupiter. Cet homme possède tout ce que la vie peut offrir.
Mais aujourd’hui Titus est en colère. Dans les ruelles les enfants courent en criant : « Io Saturnalia ! » : la grande fête des Saturnales vient de commencer !
Pendant cinq jours tout ne sera que rires et plaisirs. Les écoles, les tribunaux et le sénat fermeront leurs portes. Personne ne sera grondé, jugé ou condamné. Quant aux esclaves, ils seront servis par leurs maîtres.
Puis, la nuit venue, il n’y aura plus de maîtres ni d’esclaves, chacun mangera à la même table et discutera avec son voisin d’égal à égal. Tous les hommes seront frères pendant cinq nuits, cinq petites nuits avant que Rome ne redevienne Rome.
Titus déteste cette fête, car il hait l’égalité. Mais il se force à sourire, car la tradition, c’est la tradition, et s’il doit devenir Empereur un jour, il doit faire quelques efforts s’attirer la sympathie du peuple.
Alors il achète une énorme et coûteuse statue de Saturne, qui servira l’ornement de la pièce centrale de sa maison.


Il ordonne le nettoyage des immenses volières remplies de chardonnerets, de rossignols et de corbeaux. Il demande surtout que l’on fasse briller les barreaux d’argent de la cage d’un admirable perroquet venu des Indes. Il veut que des cailles, des coqs, des canards et des paons marchent librement pour débarrasser le sol de ses vers et des miettes des festins passés.
Il demande aussi que soit lissé ce magnifique cygne qui repose, le col sous son aile, afin de lui donner encore plus de noblesse.
Que sa demeure soit la plus belle !, car il a invité tout ce que que Rome compte de noblesse à sa table, ainsi que quelques esclaves des maisons voisines. Il veut montrer à tous combien il est riche, tout autant que généreux.
Et l’on mangera des tétines de truie, des langues de colibris et de la gelée d’oursin.
Alléchés par l’odeur des plats que l’on mitonne en cuisine, les esclaves se frottent déjà le ventre.
Même s’ils n’ignorent pas qu’après ces cinq jours de fêtes, Titus doublera leur charge de travail afin de leur faire passer le goût de la liberté, ils sont joyeux.




Il n’y a guère que ce garçon occupé à sortir le perroquet de sa cage, qui fait grise mine. Il s’appelle Julius, même si Julius n’est pas son vrai prénom. Son maître lui a donné un nom romain, comme on baptise les chiens d’un nom humain pour s’amuser. Il est né, quelque part dans le monde, dans une cage, avant d’être vendu par Graccus, le marchand d’esclave. Depuis, il porte, gratte, frotte, épluche et cuit, plie et brosse, puis finit par s’endormir sur une couverture trouée aux mites.
La nuit, il doit se lever pour apporter le vase de chambre à Titus et aux enfants de la maison ; puis porter le seau jusque dans la rue glacée pour en verser le contenu encore fumant dans les caniveaux. Le matin, il se lève avant le soleil pour attiser les feux, afin que son maître n’ait pas froid en se levant. Mais il sera battu et grondé parce que la chambre est trop chaude ou trop froide, parce qu’il n’a pas ou trop frotté, parce que les légumes sont trop ou pas assez épluchés. Julius le sait bien, il ne vivra pas longtemps. Surtout, il ne vivra jamais libre. Ce qui est peut-être le pire. Alors, les Saturnales, il s’en moque bien ! Ce qu’il aimerait par dessus tout, c’est courir en compagnie des autres enfants, non pas pendant cinq jours, mais toute l’année. Tout en grattant, il maudit le nom de Titus et celui de Rome. Surtout il maudit la Nature de l’avoir laissé venir au monde. « Cette vie n’est pas la mienne. », soupire le jeune Julius. Son chagrin le rend distrait, aussi, quand le perroquet se met à battre des ailes dans un tourbillon coloré, Julius est surpris, il lâche sa prise.

Tous les esclaves se mettent la main sur la bouche en voyant le perroquet prendre la fille de l’air, car Titus risque d’entrer dans une de ces fureurs qui ne laissent personne indemne. Étonné lui-même par cette soudaine liberté, l’oiseau s’est posé bêtement sur la corniche de l’atrium. Craignant le fouet, Julius décide d’escalader la statue de Saturne pour accéder au toit, mais celle-ci vacille et se brise en tombant au sol.
« Quel est ce bruit ? » tonne Titus depuis sa chambre. Julius se cache sous une table, mais tous les esclaves indiquent l’endroit où se dissimule le fuyard. Sans un mot mais plein de rage contenue, Titus tire l’enfant par la manche. Il le traîne à travers une partie de la ville tout en le rouant de coups. Mais personne n’intervient, car rien n’est plus banal qu’un maître battant son esclave.


Le marché grouille de monde. Le commerce est bon, les marchands sont bavards et rieurs. Les auvents des boutiques sont décorés de lierre et les comptoirs de bougies. La fête flotte dans l’air avec un parfum de bonheur.
Sauf sur une place, un peu à l’écart. Dans ce lieu règne une odeur de sueur et de tristesse ; des familles entières, amaigries, malades, fouettées, sont entassées dans des cages.

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