Mélie quelque part au milieu , livre ebook

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- D’où je viens, il faut dire comme tout le monde ou bien se taire. Et ton père, ce n’est pas quelqu’un qui sait se taire. Ni quelqu’un qui aime dire comme tout le monde. Alors on a eu des ennuis.
Pourtant, depuis qu’il est arrivé dans la vie de Mélie, se taire, c’est tout ce que son père sait faire. C’est que Sami, arrivé de loin, ne parle pas la même langue que sa fille et ne sait plus vivre en homme libre. Mélie devra l’apprivoiser, comme le chaton qu'elle a trouvé, et comme devront le faire monsieur Xavier et son amoureux avec la petite Mei-Li qu’ils viennent d’adopter. Décidément, les choses qui en valent la peine ne sont pas toujours faciles.
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Publié par

Date de parution

01 août 2022

Nombre de lectures

1

EAN13

9782764447253

Langue

Français

De la même autrice chez Québec Amérique
Mélie sous sa bonne étoile , coll. Bilbo, 2019.




Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice

Conception graphique et mise en pages : Damien Peron
Lecture de sûreté de la présente édition :Sabrina Raymond et Audrey Chapdelaine
Illustration en couverture : Chloloula
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Mélie quelque part au milieu / Mylène Goupil.
Noms : Goupil, Mylène, auteur.
Collections : Gulliver jeunesse.
Description : Mention de collection : Gulliver
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20220008434 | Canadiana (livre numérique) 20220008442 | ISBN 9782764447239 | ISBN 9782764447246 (PDF) | ISBN 9782764447253 (EPUB)
Classification : LCC PS8563.O8625 M452 2022 | CDD jC843/.54—dc23

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2022

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2022.
quebec-amerique.com



À Estelle et Normand, mes parents


Chapitre 1
Un soir, après la vaisselle du souper, Sofia dit :
— Assieds-toi, Mélie. Il faut que je te parle.
Mélie n’a jamais entendu autant de gravité dans la voix de sa mère.
Et voilà , se dit-elle. C’est maintenant.
Depuis quelques semaines, le téléphone sonne plus souvent et, dès qu’elle répond, sa mère va dans sa chambre en emportant le téléphone avec elle. Si, quand elle en sort, Mélie demande c’était qui, Sofia dit simplement : « C’est des nouvelles du pays. » Rien de plus. Ensuite, Sofia reste longtemps silencieuse, pensive. Mélie a l’impression que plus le téléphone sonne, plus sa mère se tait, et elle sait que c’est parce qu’elle a quelque chose à lui dire. Quelque chose de tellement difficile à dire qu’elle n’arrive pas à trouver les mots. Jusqu’à maintenant.
Mélie s’assoit à la table de la cuisine et attend. Sofia s’assoit aussi, mais ne dit rien pendant encore un long moment et Mélie ne sait plus si elle a envie d’entendre ce que sa mère a à lui dire.
— Ton père va venir nous rejoindre bientôt.
Mélie ouvre de grands yeux. Son père ? Elle ne savait même pas qu’elle en avait un. Elle a tout à coup des millions de questions à poser, mais c’est elle, à présent, qui ne dit rien. Elle réfléchit. Elle a des millions de questions, mais il y en a une seule qui ose franchir ses lèvres :
— Il va s’asseoir où ? On a juste deux chaises.
C’était une toute petite question sans importance, pourtant le lendemain, quand Mélie rentre de l’école, il y a une troisième chaise dans la cuisine. Mais toujours personne d’assis dessus.


Chapitre 2
Puisque le père de Mélie n’a pas fini de se faire attendre, Sofia se met à le raconter, un souvenir à la fois. Morceau par morceau, elle tricote un père pour sa fille.
— Regarde, c’est Sami, quand il était petit, dit-elle, en posant une photo sur la table.
Sur la photo, il y a un garçon un peu plus jeune que Mélie, qui tient un vélo rouge par le guidon. Il a des cheveux et des yeux très noirs et il lui manque quatre dents. Il sourit comme quelqu’un qui prépare une bêtise dont il est particulièrement fier.
— Il devait avoir à peu près huit ans sur cette photo. Ta grand-mère disait qu’il ne tenait pas en place et qu’il n’en faisait toujours qu’à sa tête.
Mélie se dit que son père lui fait penser à Marcus dans sa classe.
— Il devait se faire chicaner beaucoup à l’école, dit Mélie.
— Non, c’était un bon élève alors ça allait. C’est plus tard que c’est devenu un problème.
— Comment ça ?
— Eh bien, d’où je viens, il faut dire comme tout le monde ou bien se taire. Et ton père, ce n’est pas quelqu’un qui sait se taire. Ni quelqu’un qui aime dire comme tout le monde. Alors on a eu des ennuis.
Mélie attend d’autres explications, mais elle comprend vite que sa mère a besoin d’un peu d’aide pour lui dire certaines choses.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Il a été mis en prison et moi j’ai dû venir ici.
Sofia se lève et va dans sa chambre.
— Attends-moi ici.
Comme si Mélie avait envie d’aller quelque part. Quand Sofia revient, elle tient une petite enveloppe qu’elle ouvre pour en sortir d’autres photos.
— Regarde. Ce sont les parents de ton père. Tes grands-parents. Ils sont morts maintenant.
Sur les photos, elle pointe un après l’autre des tas de gens qui prennent vie un court moment pendant qu’elle fait naître et mourir, pour Mélie, toutes les branches de son arbre généalogique. À la fin, Sofia saisit la photo de Sami, petit, et d’autres de lui plus grand, et les colle sur le frigo avec des aimants.
Tous les après-midis, quand Mélie rentre de l’école, elle observe attentivement les photos de son père en se demandant si elle lui ressemble. Elle trouve que non.


Chapitre 3
Un jour, le téléphone avait sonné et Sofia avait encerclé une date sur le calendrier. Et un autre jour, cette date-là était arrivée et Mélie avait manqué l’école pour aller chercher son père à l’aéroport.
Sami ne ressemble pas à ses photos. Il est plus vieux, plus maigre. Sofia serre la main de Mélie très fort quand il arrive, bien après les autres passagers de son avion. Ensuite, elle s’approche de Sami et le regarde longtemps dans les yeux avant de lui montrer sa fille du doigt en disant quelque chose que Mélie ne comprend pas. Puis elle se tourne vers elle.
— Viens, Mélie. Viens embrasser ton papa.
Mélie s’avance timidement. Elle se heurte au corps osseux de l’homme, qui la tient maladroitement contre lui un moment. Devant eux, des photo graphes prennent des photos. Des journalistes veulent parler à son père, comme si c’était une vedette. Ça n’arrive pas souvent que son pays libère les gens comme lui, les gens qui parlent trop. Mais Sofia s’interpose :
— Pas maintenant.
Dans le taxi qui les ramène à la maison, personne ne dit plus rien.
Quand ils arrivent, Sofia fait le tour de chaque pièce avec Sami. Ça n’est pas très long. L’appar tement est petit. Sami pose quelques questions, tout bas, dans sa langue à lui. Ensuite, il va se coucher dans la grande chambre, même si ce n’est pas encore le soir.
— Il est fatigué, explique Sofia. Le voyage a été long.
Elle aussi a l’air d’arriver d’un long voyage.


Chapitre 4
Quand Mélie était en première année, madame Isabelle avait un jour demandé à ses élèves de faire un dessin de leur maison. Mélie avait dessiné un cocon avec deux chenilles dedans. Pour elle, le petit appartement était un abri et plus tard, maman et elle seraient les deux ailes d’un même papillon. L’année suivante, elle avait appris que ce n’était pas comme ça que ça fonctionnait, que pour faire un papillon, ça prenait seulement une chenille. Mais ce n’était pas important. L’important, c’était que l’appartement était encore, pour Mélie, un cocon.
Maintenant, quand elle rentre de l’école, elle se sent comme une intruse dans l’appartement. Parfois, Sofia a les yeux rouges et le cœur de Mélie se serre de savoir que sa mère a pleuré. Parfois, c’est son père qui a les yeux rouges et Mélie voudrait disparaître. Ou que lui disparaisse et avec lui ce silence habité qui lui fait mille fois plus peur que le silence de ses retours de l’école quand sa mère n’était pas encore rentrée du travail et qu’elle devait l’attendre seule. Parce que depuis que Sami est arrivé, personne ne parle plus vraiment dans l’appartement et Mélie ne sait pas si c’est parce que ses parents se sont tout dit pendant qu’elle n’était pas là ou parce qu’ils n’osent rien dire devant elle.
Malgré son silence, Mélie a l’impression que son père est partout. Dans le bain quand Mélie veut brosser ses dents avant d’aller à l’école, en train de se brosser les dents quand Mélie veut prendre son bain, sur la chaise de Mélie, à la place de Mélie sur le divan. Dans la tête de sa mère, tout le temps. Sa mère, elle, est coincée entre Mélie et lui. Si sa fille demande : « Est-ce que ça va être encore long ? Il faut que j’aille à l’école ! », c’est Sofia qui doit poser la question et transmettre la réponse. Si Mélie se plaint qu’il ne reste plus de céréales pour déjeuner, c’est encore elle qui dit à Sami d’en laisser pour Mélie la prochaine fois et qui s’excuse à sa place. Même quand Mélie essaie d’être gentille et souhaite « Bonne nuit, papa », il faut que sa mère traduise. Mélie se dit que sa mère est un pont entre eux deux et elle pense que leurs mots doivent par fois être bien pesants. Elle a peur que le pont s’écroule alors elle fait de son mieux pour trouver des mots légers, sans conséquence, mais c’est difficile. Parfois, elle se sent tellement mal que, malgré elle, les mots sortent durs et blessants comme des pierres.
Avec son père à la maison, il n’y a plus de chenilles, plus de cocon et même plus vraiment de maison. Seulement trois humains coincés ensemble dans un appartement trop petit pour contenir toutes leurs peurs.


Chapitre 5
Il y a de l’électricité dans l’air dans la classe aujour d’hui. Les élèves sont agités. C’est souvent comme ça pendant les projets en arts plastiques, même en cinquième année. Mélie, elle, reste concentrée sur son projet. Elle n’a pas envie de faire une carte pour la fête des Pères, mais elle la fait quand même. Un peu parce que c’est ça que madame Claire a demandé de

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