Tant que le fleuve coule : Roman jeunesse - Prix des Caisses populaires 1999
54 pages
Français

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Tant que le fleuve coule : Roman jeunesse - Prix des Caisses populaires 1999 , livre ebook

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Description

Prix des Caisses populaires 1999.
Albertine explore et nous fait visiter le pays de sa vie intérieure. Pays dépeints d'une manière réaliste ou tantôt voiles du brouillard de l'imaginaire. A propos de Tant que le fleuve coule : «Le lecteur lui aussi revient sur son passe, immanquablement. La fluidité du style et la pureté des images lui permettent de glisser subrepticement dans le labyrinthe de la mémoire. [...] Lisez ce recueil : les images ne s’évanouiront pas une fois que vous aurez ferme le livre.» Lise Gaboury-Diallo, Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, 1997, p.201.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 avril 1998
Nombre de lectures 1
EAN13 9782896117291
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0374€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tant que le fleuve coule
L E C ONSEIL DES A RTS
T HE C ANADA C OUNCIL
DU C ANADA
FOR THE ARTS
DEPUIS 1957
SINCE 1957
La maison d dition merci le Conseil des Arts
du Canada et le Conseil des Arts du Manitoba
du soutien accord dans le cadre des subvention
globales aux diteurs.
Dessin de la couverture : Madeleine Vrignon
Artiste graphiste : Howard Laxson
Donn es de catalogage avant publication (Canada)
Jack, Marie
Tant que le fleuve coule
ISBN 2-921353-52-0
I. Titre
PS8569.A238T3 1998 C843 .54 C98-920032-9
PQ3919.2.J23T3 1998
D p t l gal : 1 er trimestre 1998
Biblioth que nationale du Canada et Biblioth que provinciale du Manitoba
Directeurs : Annette Saint-Pierre et Georges Damphousse
Les ditions des Plaines, 1998

Ald ick
Un jour, la paix...
Un jour, la paix pousera ton visage limpide, ton visage nouveau, ma m re.
Je me rappelle bien la jeune femme que tu tais. Belle et grande, tu portais le dimanche une blouse blanche simple et un tailleur brun fonc , de la m me couleur que tes superbes cheveux longs. On t appelait Thelma - mais ton vrai nom tait Marie Thelma -, comme on n appelait nulle autre dans notre petit pays.
Le soir, tu me ber ais dans tes longs bras dans la cuisine fra che, noy e de cr puscule. Tu chantonnais doucement et je savais que tu avais froid. En regardant s loigner les bateaux bleus sur les grandes assiettes en fa ence de Delft accroch es au mur, je me laissais envahir par ta douce m lancolie. Elle b tissait notre chambre, elle b tissait notre maison.
Avant de m endormir, je rouvrais les yeux pour r assurer que tu tais l , haute et triste. Et je savais qu un jour, nous monterions ensemble quelque part tr s haut, sur une montagne peut- tre.
Il y avait aussi en toi celle que je n arrivais pas nommer, m me dans mes pens es les plus secr tes. partir de ce jour ensoleill o l ombre est descendue sur toute notre maison.
J ai entendu des cris de col re. C taient bien eux, mes parents.
Peut- tre n ai-je pas bien entendu, peut- tre tout cela n tait-il pas vrai. Alors, la maison demeurait grande et joyeuse au soleil et les c dres hautains me prot geaient de leurs immenses ombres.
Mais si c tait vrai, la maison et les arbres pouvaient devenir une seule for t rouge sombre qu il fallait fuir, encore qu il tait temps, vers la vaste plaine devenue l infini du monde.
- Berti, que lis-tu si tard? Va dire tes pri res, enfant...
Elle me prend dans ses bras, et je souris travers les larmes. Comment me persuader qu il fera beau demain et apr s-demain aussi ? Comment oublier tes col res qu aucun sourire innocent ne pourra plus jamais d tourner ?
M re, que tu m as bien pr par e l iryustice du monde !
- Nous irons en ville demain, dit-elle d une voix chantante, en caressant mes cheveux de ses longs doigts glac s. Nous ach terons des toffes pour faire de jolies petites robes...
Je m arrache elle et, comme en r ve, je cours dans ma chambre. Comment as-tu pu me faire une chose pareille, M re, soi-disant pour me punir de ma d sob issance ?
Sur le lit, je ramasse les d bris humides de ma poup e favorite, petite poup e timide, v tue de noir et de blanc. Sa ceinture rouge g t arrach e sur l oreiller.
Je n oublierai jamais le jour o nous avons rendu visite Felicia B., celle qu on appelait au village la sainte fille.
Par une lourde chaleur d ao t, nous allions gravir le Mont Pel au sommet duquel Felicia habitait. Nous nous sommes h t es de nous engager dans un sentier troit prot g par des jeunes sapins dont les cimes claires se touchaient.
C tait dans de tels endroits solitaires que ma m re devenait douce et expansive.
- Tu te souviens de Licia, n est-ce pas ? C est la jeune fille qui vend des chandails au march . Tu n as pas l id e comme elle aime J sus. La sainte Vierge aussi. Je ne serais pas tonn e qu elle apparaisse Licia un jour.
En serrant mon sac rouge contre moi pour le prot ger des ronces insidieuses, je me suis promis de mieux observer Licia, une grande fille blonde aux yeux sages et immobiles d ic ne.
Enfin, une petite glise de bois s est dress e devant nous.
- Voil Notre-Dame-des-Roses, dit ma m re.
Pourquoi pas Notre-Dame-des-Ronces, ai-je song en suivant des yeux les longs sarments, s chappant du clocher tels de minces serpents qui masquaient les vitraux de l glise.
Une grande fille aux cheveux couleur de paille a paru sur le seuil de la maisonnette, attenante l glise.
- Que Dieu te b nisse, Licia ! lui a cri ma m re.
- Et vous aussi, Madame, a-t-elle r pondu plus doucement en adressant ma m re un sourire un peu crisp .
Le vent a commenc se d cha ner, entra nant les hautes herbes et les ronces dans une danse folle, angoissante, licia tout chevel e, nous a dit d une voix rauque :
- Venez, Madame, venez prendre un caf , l glise ne vaut pas la peine d tre visit e.
Nous entrions alors dans une maisonnette rectangulaire en bois. Soyez les bienvenus , ai-je lu au-dessus de la porte. l int rieur, j ai t frapp e la vue d une norme croix en acier bien poli, situ e tout au fond de la pi ce. Un petit bouquet de campanules dans un verre moutarde avait t d pos son pied. gauche de la croix, sur une petite table ronde en laque noire, qui jurait avec tout le reste de l ameublement, tr nait une petite statue de la Vierge en robe bleue brod e d or. Licia ou ses visiteurs l avaient submerg e de fleurs.
Sur les murs, dont la peinture s caillait, s talaient n en plus finir des pages jaunies du Nouveau Testament.
Licia est entr e, ses cheveux pleins de vent et de lumi re. J ai t un peu surprise de ses v tements. Elle portait une jupe volants, jaune, fort us e, et une blouse blanche d collet e, laissant voir une croix d or sur sa poitrine.
Elle m a indiqu un banc rustique, c t d une pile de chandails neufs de toutes les couleurs. Le dernier tait un grand chandail d homme de couleur jaune et dont la manche n tait pas encore finie.
Avant de dispara tre dans la pi ce voisine, Licia a pos devant moi une limonade avec une paille et une bo te de biscuits.
- Il ne doit pas faire chaud ici en hiver, a soupir ma m re.
- Pour une sainte, elle s habille plut t dr lement, ai-je laiss chapper, comme malgr moi.
Ma m re m a fait signe de me taire. Licia est revenue, charg e d un plateau portant une cafeti re fumante, deux tasses, un sucrier en d licate porcelaine blanche et deux petites cuill res en argent. Ayant servi le caf , elle s est assise en face de ma m re. Toutes les deux se sont parl longuement d une voix teinte ; j ai cru, par moments, entendre une seule voix s couler dans la pi ce chaude, emprisonn e maintenant de pluie battante. Elles ont parl de l glise, puis des pisodes de la vie de J sus et des apparitions de la sainte Vierge que je connaissais par coeur. Et, oubliant ma pr sence, elles ont parl des gens de notre village et du village voisin.
- Comment va Petr, Lici, as-tu eu de ses nouvelles ? a hasard ma m re.
C tait l homme qu au village on appelait le prisonnier.
- Il va bien, a r pondu Licia d une voix sourde. C est pour lui, dit-elle en d signant sur la table un bouquet de campanules d licates dans un verre moutarde, pareil celui au pied de la croix.
Ma m re s est tue un instant, regardant droit devant elle.
- J ai vu Petr, dimanche, pendant son cong , a poursuivi Licia. Il marchait dans votre champ... il marchait et marchait sans but... puis, quand il a aper u les enfants, il s est mis courir derri re eux et leurs cerfs-volants qui planaient bien haut dans le ciel... Et moi, depuis l or e du bois, je marchais lentement vers lui, les jambes et le coeur lourds... Croyez-vous qu il y ait quelque chose faire, Madame ? Il y a des fautes que Dieu seul saurait pardonner... Nous avons longuement parl ; je lui ai parl de la Loi, plus pr cieuse que la vie, plus forte que l amour m me. C est ici que je l ai r ellement comprise, Madame, pendant des nuits blanches, pendant des nuits de neige et de pluie battante, moi seule en face de Dieu qui a permis l aube p le de venir et de m apporter un peu de repos.
Elle a baiss la t te, puis l a d tourn e, en refoulant des larmes.
- Tu es bien ici, Licia, a dit r solument ma m re. La sainte Vierge te prot gera, car tu as tant souffert. Quand on arrive ici, sur le mont, on se sent all g de tout souci. C est comme si on devinait d j Son aimable pr sence.
La voyant se calmer derri re son imp n trable sourire, ma m re a d tourn le regard vers la pile des chandails.
- Aurais-tu un chandail rouge pour la petite ?
- Rouge ? Non, mais regardez, j ai quand m me un petit chandail brun avec deux jolis chiens.
Ma m re l a examin , me l a essay , l a pay enfin, tout en encourageant Licia d en tricoter un autre, rouge, sur le m me mod le. Licia m a mesur e, puis a apport un panier de pelotes rouges dans tous les tons, m a demand de faire mon choix. J en ai choisi une rouge sang et je l ai pos e sur la table, devant ma m re et Licia. Et, ayant demand la permission de sortir, je suis all e dehors o la pluie avait d j cess et j ai march sous les arbres d gouttant d eau. Puis j ai couru, pouss e par une irr pressible envie de larmes.
Un jour, en faisant la queue la caisse du libre-service, j ai appris un fragment de l histoire de Licia.
Elle avait une maladie v n rienne.
Il y a longtemps, dans la salle d attente de notre h pital, j ai entendu dire que de telles maladies pouvaient tre graves.
Nous avons pass ensemble de tr s bons moments, M re, surtout le mercredi o tu m emmenais en ville.
Je prenais ma le on de musique trois heures de l apr s-midi. quatre heures et demie, tu venais me chercher, puis nous nous enfoncions dans la p nombre des vo tes, insouciante

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