Alice ou les mystères
736 pages
Français

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Description

Edward Bulwer-Lytton (1803-1873)



"C’était au commencement du mois d’avril ; le jour touchait à sa fin ; deux dames étaient assises à la fenêtre ouverte d’un cottage du Devonshire. La pelouse qui s’étendait devant elles était parsemée d’arbres verts, dont le sombre feuillage était égayé par les premières fleurs et le frais gazon du printemps. À l’horizon la mer, qu’on apercevait à travers une éclaircie des arbres, bornait la vue, et contrastait avec les aspects plus rapprochés et plus paisibles du paysage. C’était un lieu écarté, solitaire, éloigné des affaires et des plaisirs du monde ; et c’était là ce qui en faisait le charme aux yeux de celle qui l’habitait.


La plus jeune des deux dames assises à la fenêtre était la maîtresse de la maison. À son apparence, on ne lui eût guère donné que vingt-sept ou vingt-huit ans, quoiqu’elle dépassât de quatre ou cinq ans cette époque critique de la beauté. Elle était petite et délicate de taille et de proportions, et ses traits étaient charmants, quoique, par suite de leur air de douceur et de repos (accompagné d’une certaine mélancolie), les gens d’un goût superficiel ou peu délicat les eussent trouvés dénués d’expression. Car il y a dans l’aspect des personnes qui ont éprouvé des émotions profondes, un calme qui trompe les yeux du vulgaire : elles sont semblables à ces rivières souvent tranquilles et profondes à mesure qu’elles s’éloignent des sources qui les agitaient et les gonflaient au commencement de leur cours, et qui, bien qu’invisibles, n’en continuent pas moins à les alimenter."



Suite de "Ernest Maltravers".

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782374638997
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alice ou les mystères
 
 
Edward Bulwer-Lytton
 
Traduction non signée
 
 
Avril 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-899-7
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 898
LIVRE I
 
I
 
Qui es-tu donc, belle dame, qui usurpes la place de Blanche, cette femme d’une grâce incomparable ?
(L AMB )
 
C’était au commencement du mois d’avril ; le jour touchait à sa fin ; deux dames étaient assises à la fenêtre ouverte d’un cottage du Devonshire. La pelouse qui s’étendait devant elles était parsemée d’arbres verts, dont le sombre feuillage était égayé par les premières fleurs et le frais gazon du printemps. À l’horizon la mer, qu’on apercevait à travers une éclaircie des arbres, bornait la vue, et contrastait avec les aspects plus rapprochés et plus paisibles du paysage. C’était un lieu écarté, solitaire, éloigné des affaires et des plaisirs du monde ; et c’était là ce qui en faisait le charme aux yeux de celle qui l’habitait.
La plus jeune des deux dames assises à la fenêtre était la maîtresse de la maison. À son apparence, on ne lui eût guère donné que vingt-sept ou vingt-huit ans, quoiqu’elle dépassât de quatre ou cinq ans cette époque critique de la beauté. Elle était petite et délicate de taille et de proportions, et ses traits étaient charmants, quoique, par suite de leur air de douceur et de repos (accompagné d’une certaine mélancolie), les gens d’un goût superficiel ou peu délicat les eussent trouvés dénués d’expression. Car il y a dans l’aspect des personnes qui ont éprouvé des émotions profondes, un calme qui trompe les yeux du vulgaire : elles sont semblables à ces rivières souvent tranquilles et profondes à mesure qu’elles s’éloignent des sources qui les agitaient et les gonflaient au commencement de leur cours, et qui, bien qu’invisibles, n’en continuent pas moins à les alimenter.
La plus âgée des deux dames, en visite chez sa compagne, avait plus de soixante-dix ans. Ses cheveux gris étaient écartés de son front, et rassemblés sous un bonnet raide et simple à la mode des quakers ; ses vêtements d’étoffes riches, mais unies et d’une façon peu moderne, augmentaient l’aspect vénérable de cette femme, qui ne semblait pas avoir honte de son âge.
« Ma chère mistress Leslie, dit la dame de la maison, après un moment de suspension rêveuse dans la conversation qui durait depuis une heure, c’est très vrai ; peut-être ai-je eu tort de venir ici ; j’aurais dû n’être pas si égoïste.
– Non, ma chère amie, répondit mistress Leslie avec douceur ; non, égoïste est un mot qui ne peut s’appliquer à vous ; vous avez agi comme vous deviez agir, d’après votre sentiment instinctif du bien, lorsque, à votre âge, avec votre fortune, votre rang et votre beauté, vous avez renoncé à tout ce qui eût charmé les autres, et vous vous êtes consacrée, dans la retraite, à une vie de charité tranquille et ignorée. Dans ce village, tout humble qu’il est, vous vous trouvez comme dans votre sphère, vous consolez les malheureux, vous soulagez les indigents, vous guérissez les malades ; et vous enseignez insensiblement à votre Éveline à imiter vos vertus modestes et chrétiennes. »
La bonne vieille dame parlait avec chaleur, et des larmes remplissaient ses yeux. Sa compagne lui prit la main.
« Vous ne sauriez me donner de vanité, dit-elle, avec un doux et triste sourire. Je me rappelle ce que j’étais, lorsque vous avez offert un asile à la pauvre voyageuse désolée et à son enfant privé de père. Moi, qui alors étais si dénuée de tout, il faudrait que je fusse bien ingrate et bien cruelle, pour me montrer insensible à la misère et aux douleurs des autres malheureux, quand ces malheureux surtout valent mieux que moi ! Mais vous avez raison ; Éveline maintenant devient grande, le moment approche où elle devra se décider à accepter ou à repousser la main de lord Vargrave ; et pourtant, dans ce village, comment peut-elle le comparer à d’autres ? Comment peut-elle choisir ? Ce que vous dites est très vrai ; et je n’y avais pas suffisamment réfléchi. Que dois-je faire ? Tout ce que je souhaite, c’est d’agir de manière à assurer son bonheur, la chère enfant !
–  J’en suis bien sûre, répliqua mistress Leslie, et cependant je ne sais que vous conseiller. D’une part les intentions de feu votre mari méritent tant d’être respectées de toutes les manières, que si lord Vargrave est digne de l’estime et de l’affection d’Éveline, il serait fort à souhaiter qu’elle le préférât à tout autre. Mais s’il est tel qu’on le juge dans le monde, d’après tout ce que j’entends, c’est-à-dire si c’est un homme fourbe, intrigant, presque sans cœur, un homme à l’âme ambitieuse et sèche, je tremble de penser à quel point tout le bonheur d’Éveline pourra se trouver compromis. Il est certain qu’elle n’a pas d’amour pour lui, et pourtant je crains qu’elle n’ait une nature malheureusement trop faite pour aimer. Il serait nécessaire à présent qu’elle vît d’autres hommes, qu’elle apprît à connaitre son propre cœur, et qu’elle ne fût pas poussée trop précipitamment à une décision d’où dépendra toute son existence. C’est un devoir que nous sommes tenues de remplir envers elle, et même envers feu lord Vargrave, malgré tout son désir que ce mariage se fît. Son but, sans aucun doute, était d’assurer le bonheur d’Éveline, et si le temps et les circonstances lui avaient prouvé que cette union était contraire au résultat qu’il se proposait, il y aurait certainement renoncé.
–  Vous avez raison, répondit lady Vargrave, quand mon pauvre mari était étendu sur son lit de mort, avant de faire appeler son neveu pour lui donner sa dernière bénédiction, il me dit : « Il est possible que la Providence renverse tous nos projets. Si jamais il était essentiel au véritable bonheur d’Éveline que mon désir de la marier à Lumley Ferrers ne se réalisât pas, je vous laisse liberté entière de décider ce que je ne puis prévoir. Tout ce que je demande, c’est qu’on ne mette point d’obstacles à la réalisation de mon vœu, et qu’on élève l’enfant de manière qu’elle considère Lumley comme son futur époux. » Parmi ses papiers se trouvait une lettre qui m’était adressée, et dans laquelle il s’en remettait avec encore plus de confiance à mon propre jugement que je n’avais le droit de m’y attendre. Ah ! je suis souvent malheureuse de penser qu’il n’a pas épousé une femme plus digne de son affection, et... mais à présent les regrets sont superflus !
–  Je souhaiterais que ce fût là votre véritable peine, dit mistress Leslie ; car vous me paraissez toujours en proie à des regrets d’un autre genre ; et je ne crois pas que vous ayez encore oublié les chagrins de votre jeunesse.
–  Ah ! comment le pourrais-je ? dit lady Vargrave de ses lèvres tremblantes. »
En ce moment une ombre légère se projeta sur la pelouse inondée de soleil, devant les fenêtres, et on entendit chanter à une petite distance une jeune voix, pure et joyeuse. Un instant après, une belle jeune fille, dans la première fleur de l’âge, courut légèrement sur le gazon et s’arrêta devant les deux amies.
Il y avait un contraste saisissant entre le calme et le repos des deux personnes que nous venons de décrire : l’une avec son grand âge et ses cheveux blancs, l’autre avec ses traits pleins de résignation et de douce mélancolie, et la démarche joyeuse, les yeux riants, la fraîcheur rayonnante de la nouvelle venue. Aux rayons du soleil couchant qui illumimait ses opulents cheveux blonds, sa figure gaie, sa taille flexible, on eût dit une apparition presque trop radieuse pour cette terre de douleur, une créature faite de lumière et de félicité, que les Grecs amoureux de la forme eussent placée au nombre des divinités du ciel, et qu’ils eussent adorée sous le nom d’Aurore ou d’Hébé.
« Ah ! comment pouvez-vous rester dans la maison quand la soirée est si belle ? Venez, ma chère mistress Leslie ; venez, ma mère, ma chère mère ; vous savez que vous me l’avez promis ; vous avez dit que vous viendriez lorsque je vous appellerais. Voyez, il ne pleuvra plus, et après l’averse les myrtes et les parterres de violettes sont si frais.
–  Ma chère Éveline, dit mistress Leslie en souriant, je ne suis pas si jeune que vous.
–  Non, mais vous êtes tout aussi rieuse quand vous n’avez rien qui vous attriste 

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