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Description

Aurore et Julien s’envoient des e-mails depuis des mois. Envoûtée par les mots, elle décide de partir à sa rencontre.
À l’autre bout de la ville, Gabriel se met à la recherche de son frère Antoine perdu de vue depuis bien longtemps.
Deux histoires, deux destinations. Des petits voyages qui s’emboîtent les uns dans les autres et ne mènent pas nécessairement où l’on croyait.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332725059
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-72503-5

© Edilivre, 2014
Du même auteur
Du même auteur :
Au fil des pages, Memory, 2012
Puzzle, Memory, 2013
Couverture : Martine Rouhart
Citation

C’est la vie qui, peu à peu, cas par cas, nous permet de remarquer que ce qui est le plus important pour notre cœur, ou pour notre esprit, ne nous est pas appris par le raisonnement, mais par des puissances autres.
Marcel Proust (La fugitive)
Première Partie
Aurore
Il aurait suffi d’une seule minute de plus. Les portes du train se sont fermées devant mon nez, d’un claquement sec. Le contrôleur était à l’autre bout du quai, le bras droit levé, le sifflet entre les dents, prêt à lancer le signal. J’aurais peut-être encore eu le temps : courir vers lui, faire de grands gestes, lui crier de m’attendre et sauter dans le premier wagon. Mais je suis restée immobile, comme pétrifiée, et j’ai regardé d’un air stupide le train démarrer.
J’ai appelé un taxi pour rentrer plus vite, défaire pour ainsi dire ce que je venais d’accomplir bien imparfaitement, bref, revenir à mon point de départ, remonter le cours du temps comme si ces dernières heures n’avaient jamais existé. Mais tout le monde le sait, le temps, flux sans reflux, juxtapose les instants sans rien effacer, chacun se chargeant plus ou moins du poids de celui qui vient de s’écouler. C’est ainsi qu’à peine l’ai-je quittée je rejoins la maison, imperceptiblement autre, avec cet échec à porter et des sentiments exacerbés.
Mais qu’est-ce qu’il a, le chauffeur ? Ces coups d’œil insistants qu’il jette dans le rétroviseur. N’a-t-il jamais vu une femme pleurer ?
Ce séjour à Copenhague que nous venions de décider, Julien et moi, était pourtant bien préparé.
J’avais obtenu du docteur B. un congé exceptionnel, ce qu’il aurait dû me refuser étant donné que nous sommes peu nombreuses à l’étage de la « clinique de jour » et que l’une des infirmières est en repos de maternité. Mais il se trouve que le docteur B. a un petit faible pour moi ; il m’a accordé ces trois jours comme un cadeau somptueux qu’on fait surtout pour la gratitude qu’on en espère en retour, avec un sourire plein de sous-entendus et peut-être une idée derrière la tête. J’avais pris un air grave et filé tout de suite comme une voleuse, sans demander mon reste.
Mais voilà, ce matin, levée dès l’aube, ma valise bouclée et mon billet de train en poche, je venais d’enfiler mon imperméable qu’une seconde de flottement, une dernière pensée avait suspendu mon élan, un geste ultime qui n’aurait dû me retenir que l’espace d’une respiration. C’est ainsi qu’à genoux sur le parquet, j’étais restée un temps infini à caresser Alba, hésitant à m’en séparer à cause de ses grands yeux jaunes ensorceleurs. Ensuite, ce fut la course, une partie perdue d’avance. Après une fuite précipitée vers le métro et la bousculade dans les couloirs de la gare, j’avais atterri, rouge et essoufflée sur un quai déserté, avec ma valise trop lourde et mes projets anéantis.
A peine rentrée, je grimpe comme une flèche à l’étage, abandonnant bagages et chaussures dans le salon. Alba, couchée en un parfait rond duveteux sur son coin de sofa, entrouvre un œil et se replonge aussitôt dans ses rêves avec un petit soupir comme si elle avait toujours su que ce ne serait qu’un faux départ.
Je retrouve avec soulagement l’ordinateur, créature familière pour le moment assoupie et silencieuse, machine électronique devenue compagne inséparable, tour à tour chérie et abhorrée, messagère parfois fantasque.
Très cher Julien,
Je suis vraiment désolée, le train ne m’a pas attendue, moi qui me faisais une telle joie d’enfin te rencontrer. Après la grève de l’autre fois, le sort semble s’acharner sur nous, mais je peux te l’assurer, ce n’est que partie remise.
S’il te plaît, réponds-moi vite !
Aurore
Un petit clic, l’e-mail est parti et, comme à chaque fois, mes yeux restent un moment rivés à l’écran, dans l’attente absurde d’une réponse immédiate.
Une à une des pensées se soulèvent et éclatent à la surface comme un feu d’artifice. Six mois, cela fait seulement six mois que nous avons fait connaissance. Ma mère venait de mourir, comme on dit « des suites d’une longue maladie » et après bien des souffrances ; à cinquante ans, c’est dire si ce fut prématuré. J’adorais ma mère. Lorsqu’il y a moins d’un an j’avais compris qu’elle allait m’être arrachée, j’avais cessé sur-le-champ de croire en Dieu. Enfin, affirmer qu’il y eut un temps où je croyais en Dieu est peut-être exagéré, mais je pensais qu’un être supérieur, dissimulé quelque part dans les cieux bien loin derrière les nuages, me protégeait et veillait jalousement sur ceux que j’aime comme une sorte de bonne étoile. Eh bien, ce n’est pas vrai, et la soi-disant vie éternelle après celle passée sur terre, ma mère n’en n’a rien à faire, j’en suis convaincue. Bref, j’avais éprouvé au plus profond de moi la nécessité de m’interroger sur notre destin de mortel.
C’est ainsi que j’ai fini par participer sur Internet à un forum de discussions traitant du grave sujet de notre inéluctable finitude. Au milieu d’un océan de lieux communs et d’absurdités, d’affirmations religieuses ou pseudo scientifiques et de charabias obscurs, un soir, une réponse lumineuse m’est apparue. C’était une nuit de pleine lune, je m’en souviens très bien ; dans la pièce baignée de clarté pierreuse, seul l’écran de l’ordinateur jetait une douce lueur bleutée.
Les mots, qui m’étaient personnellement adressés, émanaient d’un certain Julien, belge francophone résidant au Danemark – mais cela, je l’apprendrai un peu plus tard.
Le message m’avait happée d’emblée, commençant par des citations de philosophes que je ne connaissais jusque-là que de nom. Suivait un texte qui disait, avec des mots merveilleusement bien choisis (je le connais par cœur) : « la prescience de notre mortalité est inscrite en filigrane dans le besoin qu’on ressent à accomplir des actions, dans les attitudes qu’on adopte envers soi-même ou autrui et dans le questionnement même de savoir où l’on va. La conscience d’être mortel est une incitation, dans une certaine urgence, à vivre, créer, agir, à ne pas se gaspiller, à accroître son savoir et à perfectionner notre être ». C’est donc la mort, plus exactement notre mortalité, qui donne tout son sens à la vie, dont elle fait partie intégrante. Cette révélation en soi évidente m’avait débarrassée d’un coup de l’énorme poids qui m’interdisait à ce moment de ma vie de vrais élans de joie. J’avais évidemment répondu à ce Julien, un long e-mail de remerciements passionnés ; tellement enthousiaste qu’un autre texte tout aussi sublime m’avait été renvoyé, auquel j’avais réagi dans le quart d’heure. Une correspondance régulière avait débuté et nos échanges ne sont jamais descendus des cimes d’où ils avaient pris leur envol.
Toujours pas de réponse à mon message. L’âme un peu délayée, je tâche de me concentrer sur une occupation quelconque, de « tuer le temps » ou, puisque celui-ci est invulnérable, tenter de m’y soustraire un instant pour passer le cap de l’attente.
Un Tout formé de deux parties distinctes
Cela fait près de dix ans que Gabriel n’a revu son frère. Une dispute aussi stupide que lourde de conséquences ; une simple histoire d’héritage, celui d’une tante qu’ils ne voyaient plus ni l’un ni l’autre depuis bien longtemps.
Ils ont le même âge, ils sont nés le même jour. Enfants, ils ne se quittaient jamais, évoluant partout dans la vie comme dans une bulle commune. A l’école, ils étaient assis côte à côte, s’adonnaient aux mêmes jeux et se trouvaient toujours à portée de chuchotements. Ils étaient vêtus presque de la même façon mais avec des teintes différentes pour, selon leurs parents, les distinguer plus facilement. En réalité, ils ne se ressemblent guère, Gabriel étant aussi mince et élancé qu’Antoine est trapu et solide, « le chêne et le roseau » pour ainsi dire. Adolescents et puis jeunes hommes, ils se sont intéressés à peu près aux mêmes choses, fréquentant des endroits et des amis communs, allant jusqu’à aimer le même genre de femme sans pour autant se heurter. On pouvait les définir comme un tout inséparable, composé de deux parties bien distinctes.
Mais la tante était trop riche, Antoine avait un pressant besoin d’argent et Gabriel n’avait pas voulu pardonner.
Gabriel a revêtu la fameuse robe, cet accoutrement dans lequel il se trouve pompeux, à la limite du ridicule. Mais il n’y a que lui pour avoir une telle pensée car la toge d’avocat lui sied parfaitement. Même Charlotte le lui disait ; elle trouvait particulièrement séduisantes ses longues mains mobiles dépassant des larges manches, lueurs pâles tranchant sur le noir de la robe. Mais c’était autrefois, avant les déchirements qui lacèrent désormais chacune de leurs rencontres, c’était le temps où Charlotte l’aimait, pendant la période qu’avait duré leur mariage, courte en soi mais prolongée d’une certaine manière, éternisée par la venue au monde d’une petite fille : Céline, continuellement déracinée et transplantée, une semaine chez l’un, une semaine chez l’autre.
Faut-il s’en étonner, les deux frères s’étaient inscrits à l’université dans la même faculté, s’épaulant durant cinq années pour obtenir sans difficulté leur diplôme de licencié en Droit en dépit des sollicitations innombrables de toutes sortes qui venaient les distraire. Alors que Gabriel s’en était sorti honorablement, Antoine, que l’apprentissage des lois ennuyait ferme, avait terminé chaque année avec la plus grande distinction, ce que sa vie particulièrement dissolue ne laissait pas attendre.
Ce fut après cette période d’insouciance que leur chemin prit des bif

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