Amélie Nothomb, regard critique
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Description

Je lis – j’allais dire comme tout le monde – Amélie Nothomb depuis la parution de son premier roman, Hygiène de l’assassin. Je me désole souvent de la voir brader son talent. C’est à mes yeux une telle évidence que la remarque revient souvent et que la succession d’articles (dans Le Soir) ou de notes de blog (Le journal d’un lecteur) écrits sur ses livres et rassemblés ici prend un caractère répétitif. Une étude complète de l’œuvre – ses trente livres publiés avec une belle régularité annuelle chez Albin Michel – évacuerait cette question en une seule analyse. Quelques autres aussi, probablement.


P.-S. Trentième roman d’Amélie Nothomb, Premier sang s’ajoute en 2021 à sa bibliographie, est couronné par le Renaudot et trouve sa place à la fin de ce petit livre dans un nouveau chapitre, millésimant du même coup ce « regard critique ».

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 25
EAN13 9782373630831
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pierre Maury
Amélie Nothomb, regard critique
 
 
 
Bibliothèque malgache
Introduction
Je lis – j’allais dire comme tout le monde – Amélie Nothomb depuis la parution de son premier roman, Hygiène de l’assassin . Je me désole souvent de la voir brader son talent. C’est à mes yeux une telle évidence que la remarque revient souvent et que la succession d’articles (dans  Le Soir ) ou de notes de blog ( Le journal d’un lecteur ) écrits sur ses livres et rassemblés ici prend un caractère répétitif. Une étude complète de l’œuvre – ses vingt-huit livres publiés avec une belle régularité annuelle chez Albin Michel – évacuerait cette question en une seule analyse. Quelques autres aussi, probablement.
Il m’est arrivé d’être sévère. En me relisant, il me semble pourtant l’avoir été moins que je le croyais. Le plaisir pris à la lecture de quelques livres fait oublier, au moment où j’en sors, les avis portés sur les précédents. Et, malgré ce que pensent certains de mes positions critiques, elles ne se basent sur aucun a priori négatif. Chaque fois que j’ouvre un nouveau roman d’Amélie Nothomb, c’est avec l’espoir d’y passer un bon moment. Que cet espoir ait été déçu à de multiples reprises suffit à justifier, je crois, les coups de griffe. Après tout, c’est mon boulot : lire (par inclination personnelle) et dire (par profession) ce que j’en pense. (On a bien le droit d’estimer que la critique est aisée et…, etc., j’ai tout autant le droit – le devoir ? – de ne pas y penser sans cesse.)
Bref, je vous laisse avec ces impressions de lecture. Il m’a manqué cinq livres pour être exhaustif – la plupart ont été lus, sans avoir eu l’occasion de m’exprimer à leur sujet.
Ce devrait être suffisant pour vous faire une opinion. Non pas de l’œuvre d’Amélie Nothomb – je suis certain qu’elle est faite depuis longtemps – mais de mes rapports de lecteur assidu avec ses livres. J’insiste quand même, avant de (ne pas) vous laisser, sur ce point : « ses livres ». Même si une de nos rencontres a fourni, en 1997, la matière d’un article, j’ai très peu croisé Amélie Nothomb, je n’ai aucun avis sur ses chapeaux ou son alimentation. Encore moins sur sa vie privée, dont je ne sais rien et ne veux rien savoir, sinon ce qu’elle en a raconté elle-même. Voici donc Amélie Nothomb écrivaine, et non la personne Amélie Nothomb.
 
P.-S. Vingt-neuvième roman d’Amélie Nothomb, Les aérostats s’ajoute en 2020 à sa bibliographie – et trouve sa place à la fin de ce petit livre dans un nouveau chapitre, millésimant du même coup ce « regard critique ».
Hygiène de l’assassin (1992)
Les premiers romans se suivent et ne se ressemblent pas. Celui d’Amélie Nothomb, pour être ambitieux à plusieurs titres, ne parvient malheureusement à aucun de ses buts. L’idée était pourtant si bonne qu’elle n’est pas la première à s’en être rendu compte : un écrivain âgé, proche de la mort, accepte de parler de lui. Plusieurs journalistes ont le périlleux honneur d’affronter cet homme qui n’a plus rien à perdre et qui a derrière lui une œuvre unanimement appréciée – mais, expliquera-t-il, sur des critères faussés puisque personne ne l’a vraiment lu.
Plusieurs invraisemblances qui tiennent à de véritables erreurs dans la conduite du récit provoquent déjà l’irritation dans la première partie, lors des entretiens avec les journalistes. Il est pour le moins curieux d’apprendre en cours de route que Prétextat Tach, l’écrivain en question, n’avait jamais accordé d’interview avant celles-ci, d’autant qu’il aurait, nous dit-on d’emblée, tenu récemment des propos racistes – mais alors, à qui ? Le deuxième journaliste, censé avoir écouté l’entretien du premier, devrait savoir que Tach n’a pas écrit de romans récents.
Et puis, la conversation avec le dernier interlocuteur de Tach – une femme – prend des allures de combat de gladiateurs. C’est un peu à qui réussira à abattre l’autre. L’écrivain a toujours gagné à ce jeu, il n’imagine donc pas quelles difficultés il peut éprouver cette fois-ci. La tension devrait monter, mais les paliers sont trop longs, les étapes trop brutales. Pour tout dire, on ne se prête pas à ce jeu psychologique dont l’intérêt littéraire n’apparaît pas vraiment.
Les Catilinaires (1995)
Après Les combustibles , une pièce de théâtre qui n’avouait pas le genre auquel appartenait ce texte, on pouvait croire qu’Amélie Nothomb, en intitulant son quatrième livre Les Catilinaires , abordait une nouvelle forme : celle de l’art oratoire où se rangent, sous le même titre, les discours de Cicéron à propos de Catilina, conspirateur contre la République. Mais, en fait de discours emporté contre une personne, il n’est guère ici, à la fin du roman, qu’un monologue tenu par le narrateur à destination de son voisin, et il s’inscrit dans le droit fil d’un récit tendu depuis le début pour en arriver à cette violente rupture de ton, annonciatrice d’un acte définitif.
L’ex-professeur de latin qui raconte son histoire a atteint l’âge de la retraite et s’est retiré, avec son épouse, Juliette, aimée depuis toujours, dans la maison idéale, celle dont ils avaient toujours rêvé sans vraiment le savoir. « Quand nous avons vu la Maison, nous avons éprouvé un soulagement délicieux : il existait donc, cet endroit auquel nous aspirions depuis notre enfance. Si nous avions osé l’imaginer, nous l’aurions imaginé comme cette clairière près de la rivière, avec cette maison qui était la Maison, jolie, invisible, escaladée d’une glycine. »
Comme le bonheur est rarement parfait, et que les inconvénients d’un paradis se découvrent seulement lorsqu’on s’y est installé, la Maison livrera, peu après l’arrivée du couple, en hiver, sous la neige, sa face cachée : un voisin encombrant, médecin. Palamède Bernardin est un être massif dont la première visite, apparemment de courtoisie, se renouvelle ensuite quotidiennement, de quatre à six heures. Le voisin frappe à la porte – la cogne avec violence si on ne lui ouvre pas assez vite –, entre et se pose – s’impose, sans demander le moins du monde s’il est le bienvenu ou s’il dérange. Bien sûr, très rapidement il dérange d’autant plus que sa conversation se réduit presque toujours à des réponses monosyllabiques, sans autre commentaire. Oui, non sont les grands mots de son répertoire qu’il daigne, de temps à autre, agrémenter d’une variation, d’un complément d’information. Mais au compte-gouttes, avec une parcimonie irritante.
Un jour, le couple fera la connaissance de madame Bernardin, une sorte de monstre glouton réduit à une masse informe dont la seule fonction vitale paraît être l’ingurgitation de nourriture, de préférence sous forme liquide, avec un goût spécifique pour le chocolat fondu, qu’elle prend pour de la soupe et lampe avec des beuglements de volupté.
Quand le couple découvrira comment vivent les Bernardin, le dégoût sera à son comble : la maison pue, un désordre indescriptible y règne, et, pour tout arranger, Palamède a voulu mourir asphyxié par les gaz d’échappement de sa voiture.
C’est là où le roman bascule, aux trois quarts du récit à peu près. Jusqu’à ce moment, on s’enfonçait doucement dans une monotonie de plus en plus insupportable – le maximum d’inconfort moral étant vécu évidemment par les personnages, mais le lecteur doit bien en assumer une partie, parce que les visites de Palamède Bernardin traînent en longueur, se superposant les unes aux autres sans guère de variété malgré les efforts du couple pour y introduire un peu de fantaisie. Pour tout dire, les cent cinquante premières pages des Catilinaires s’étirent paresseusement et auraient peut-être gagné à être resserrées.
Mais, dans la dernière partie, tout s’accélère. Entre le sentiment d’avoir fait son devoir en ayant sauvé son voisin et la déception de l’avoir encore sur les bras – un fardeau plus pesant qu’auparavant puisque, responsable de sa survie, le narrateur se sent obligé de s’en occuper davantage –, l’ex-prof

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