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Français
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2017
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Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
12 juillet 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342154382
Langue
Français
« Mais la délivrance qui soulage fut encore plus douce à la Terre... De sa naissance, la source ne s'en souviendra pas ! La source découvrit le ciel, barbota dans sa vase, clapota dans ses écumes puis d'un grand coup de reins fila rapidement vers la vie dans un sillon à peine entamé et qu'elle devait continuer à tracer... C'est ainsi que, dans les collines de Juvigné, un fleuve nouveau prit sa source. Une seule issue lui importait désormais, celle de la liberté mystérieuse et rebelle ! » De sa source à l'océan, La Vilaine, dotée d'un nom peu flatteur, vit, porteuse de révolte et d'espoir, en revendiquant son droit à la liberté. Au cours de ses méandres, elle se rebelle, s'indigne et s'effarouche de la bêtise humaine. Pour la demoiselle de Juvigné, à laquelle il s'identifie, Beltram Carlo se fait poète et compose le portrait d'Ar Gwilen comme une allégorie, en hommage à la fougue cristalline et mystérieuse de ce cours d'eau devenu fleuve.
Publié par
Date de parution
12 juillet 2017
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342154382
Langue
Français
Ar Gwilen
Beltram Carlo
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Ar Gwilen
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
Ce livre est dédié à Tine et son potamot.
La Vilaine m’a dit : Beltram, vis !
Mlle de LA VILAINE DE JUVIGNÉ
Naissance
Sur les berges d’un fleuve bordé par des joncs brûlants du soleil de la veille, le courlis cendré réchauffait les airs de son chant. Dès potron-minet, les araignées avaient recouvert les rêves des hommes qui retenaient les gouttes de rosée sur les feuilles vertes. La splendeur de la nature retenait l’attention des regards des oiseaux et capturait au fil de l’eau la rosée matinale. Ainsi que le vent qui choisit son chemin, la vie mêlait l’instinct à son destin. Soudain, la révolte qui grondait derrière les nuages sombres sortit de son lit amer et écuma au bec d’un corbeau introverti. Allez savoir pourquoi ? De même que la branche qui s’essaye à toucher le tronc, au bec du courlis cendré un ver de terre tentait de dévider la bave ardente de l’espoir. Devant de telles hésitations, habitué à illustrer le temps au fuseau palustre de tout fleuve, l’iris imagina la beauté. Pour longer le cours du temps, le soleil s’illustra sur la gorge des mésanges. La vie allait son chemin.
Niché dans un berceau d’osier, un papillon sortit de sa chrysalide, mais sous le soleil ardent, il se brûla rapidement les ailes, car la vie qui se veut éternelle est tout simplement éphémère. Tranquille, un grand cormoran morbihannais qui passait par là et qui prenait son temps à penser au temps se posa sur un roc élevé entouré de fougères. Il se sécha au soleil, toutes ailes dehors. Révolté dans l’âme, il se mit à geindre :
« J’affirme que les cours d’eau sont les vaisseaux sanguins de la Terre. Qu’il me plaît d’être en ces lieux, je me sens bien sur ce roc ! Ça me rappelle les rochers des Demoiselles en pays de Tréhiguier, dans l’estuaire profond où la douceur et la salinité se mêlent avec grande intelligence… Ô, nostalgie, tu me disperses en ma propre mémoire ! Les rayons du soleil aidaient mes ailes à peindre de bleu la mer. Le temps se gâte souvent ! Hélas, le lieu de notre naissance n’est pas forcément le lieu de notre mort ! Un ami héron me dit un jour que la mémoire de la Nature creusa un lit fluvial qui prit sa source à l’aube d’un premier cri et qui se jeta dans le néant au crépuscule d’un chant… Ô, rochers des Demoiselles, la barque que la lune et le soleil font valser au gré des nuits et des jours, qui nous mène vers une fortune indécise sous le tangage des indécisions et le roulis des doutes, est chargée des quatre saisons renouvelant leur cycle à perpétuité. La Nature se renouvelle et nous renouvelle. Je suis un cormoran complexe puisque mon vol est complexe, mais malgré le vent, je ne me trompe jamais de direction. Les souvenirs qui accompagnent la mémoire sont indissolubles dans l’eau ! N’importe quelle anguille vous le dira qui se souvient de ses amours sous des amas d’algues brunes dans la mer des Sargasses ! Ohé, vive l’amour fou sous des litières d’algues brunes, au mitan des écumes des fleuves, au mitan des écumes des vagues ! Ohé, vive l’amour fou sous des litières brunes ! »
Cette nuit-là, il plut des hallebardes…
Il plut des hallebardes cette nuit-là. La folie furieuse d’un vent désorienté brassa la masse sombre et nuageuse afin de réduire le ciel déjà en miettes et en charpie. Les ajoncs jalousaient les genêts, le jaune était en jeu, la pointe de l’épine affrontait le feu du fouet.
À minuit, le clocher de l’église de Juvigné implora le ciel. La Mayenne montra son génie. Les lambeaux effilochés des nuages, déchiquetés, abusés par des vents douteux, divorcèrent d’avec la rose des vents et tentèrent de happer au passage des feuillages pour recoudre les sentiments. Le sens reprit la parole et la sève reprit vie au sein du chêne. Plus loin, les rires des pic-verts s’étouffèrent. Sans doute que la vie commence ainsi. Les pleurs des cieux tapissèrent les feuilles sur les flancs des brumes et à chaque courant d’air, le babil se réinventa.
Tout près, des ombres en flamme pointèrent de drôles d’étoiles sur la toile du ciel. Au loin, il sembla à une poule d’eau qu’une mer en furie mêlée de vagues nuageuses et furibondes en appelait au ciel. La bêtise s’invita et présenta son défilé d’orgueil qui peinait dans la boue :
« Je suis mieux que la naissance, que la tempête, j’engloutis l’avenir ».
Le cormoran morbihannais qui traînait toujours dans le coin donna un grand coup d’aile à la bêtise, s’enfuit et décida de s’épanouir dans le lointain.
Dans l’orgueil de tous les insectes de la terre, les rivalités devinrent des amitiés. Les fourmis illustrèrent le labyrinthe de la vie.
Les cloches de l’église de Juvigné carillonnaient dans le vide depuis longtemps. La communication est souvent ainsi faite :
« La guerre est-elle déclarée ? » fit une taupe qui somnolait sous son dôme de terre.
Des flèches de pluie sans ailerons tombèrent des astres et inondèrent la vallée fertile. L’orage fut si violent.
Les vents s’étaient allaités au sein des nuages. Ils redoublèrent de vigueur au fil des nuages. Une mouette enquiquineuse ne sachant se taire trouva que le métier à tisser de la vie explorait ici son devenir.
Des arbres furent déchiquetés et déracinés. La foudre eut raison du chêne rouvre qui fêtait sous les auspices des étoiles, ses cent ans, quelle mauvaise fête ! La foudre fendit son écorce qui dévoila un aubier désemparé, à fleur de fibre.
La foudre se délecta de plus en plus belle, elle s’évertua à pulvériser les nœuds des troncs des châtaigniers :
« Ô ces châtaigniers, comme disent les merles au bec jaune, qui retiennent les tourments et moult mystères, qu’une ceinture de trèfles tendres réchauffait nuitamment auprès d’abeilles endormies ! »
Et puis ces trèfles fleuris au mauve du ciel et à l’aurore du moment, ces trèfles qui embellissent sous le printemps ! Ils se trémoussèrent sous la robe d’une femme passante, puis fouettèrent leur environnement sous l’égide du vent. Tout ce remue-ménage effaroucha un faux bourdon venu prendre du bon temps au sein de la fleur :
« Fichtre ! Combien de pétales, combien de parfums s’éloignent ainsi au vent… »
Les éclairs nerveux électrisèrent la voûte céleste. Des rails enfiévrés avaient déjà pactisé avec le diable. Les éclairs en remirent une couche et s’escrimèrent sur les pluies boursouflées d’orgueil, fouettées par des coups de vent violents et les rafales des vents contraires.
Des toiles tissées de lumière dévoilèrent impudemment les mystères de la nuit, mais cette clarté extraordinaire fut éphémère, car la noirceur fidèle d’une Pénélope défit cette illusion ajourée en enroulant les nuages au fuseau de sa colère.
D’autres vents puissants refoulèrent branches feuillues et troncs évidés, ombres enfumées de blancheurs grises vers les sommets des collines chauves. Les pierres de granit affrontèrent des rocs qui semblaient de calcaire, les frondes des fougères se replièrent pour s’accrocher à leurs racines, les ombres des couleurs se détachèrent de leur éventail et cloisonnèrent les couleurs, pour fuir les agitations forcenées des épouvantails en mouvement. Avec pertes et fracas, des torrents de boue pétrirent les espaces vides avec la vase argileuse vomie des cavités presque souterraines. Il ne fallut guère de pensées aiguillonnées à l’abeille pour que le sens de l’instinct regagnât son gîte. Le vacarme terrifia la faune et la flore, d’ondes sonores nous passâmes aux vagues diluviennes. Oh ! si vous aviez été racine, vous auriez tremblé effroyablement jusqu’en votre sein, vous auriez communiqué votre sève innommable, mille fois brassée, aux nappes phréatiques !
À un moment donné, l’envergure d’un héron cendré se confondit à la voûte du ciel qui supporte l’Éternité. Le héron se dit qu’il supportait sa crête noire et que c’était bien assez :
« Mon bec jaune, même s’il s’assombrit sous les nuages chagrins, vaut bien celui du merle ! Fichtre ! »
Des corbeaux s’alignèrent et croassèrent des plaintes fielleuses. Ils vociférèrent des menaces vers la masse nuageuse qui était devenue férocement opaque. Sur un fil tout peut se dire, il suffit de ne point perdre l’équilibre.
Que de brassage il y eut cette nuit-là ! À croire que la nature est subtilement complexe, qu’elle ne se régénère que dans la complémentarité ! Les animaux ballottés entre les flots aériens, balayés par le vent fou, retrouvèrent la mémoire. D’autres vents venus de l’ouest laissèrent leur souffle aux branches des feuillus. Aux buissons arrachés violemment, les papillons de nuit firent des étincelles. Étourdies et perturbées par les échos contraires, illuminées sur l’instant par une vérité trouble et douteuse, les fourmis tisserandes regagnèrent leur gîte que les déracinements des chênes séculaires avaient agrandi sévèrement. Les petites fleurs qui s’étaient camouflées sous des débris végétaux, dans les grandes herbes exaltantes, se refermèrent en leur intimité pour ne dévoiler que l’ombre timorée de leur absence. Seulement des moustiques femelles, peu enclines aux bouleversements s’amusaient à tuer le temps en courrouçant l’espace, cet espace plein de brouillards épais que le hasard irritait avec sagacité !
Un cri déchirant couvrit landes, p