Au miroir le visage de mon père
108 pages
Français

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Au miroir le visage de mon père , livre ebook

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Description

Il avait été renversé par un camion, rue du Louvre. Il fut longtemps alité et mit du temps à pouvoir remarcher. Toute sa vie, il garda de cet accident une cicatrice sous sa lèvre inférieure et un tic au menton. Quelques années plus tard, tombant à bicyclette, je me fis la même cicatrice au même endroit, entrainant le même tic. Inconsciemment, je voulais peut-être porter la même marque de fabrique de lui. Pas de nostalgie dans ce retour sur le passé ou flotte la silhouette d’un père, tantôt aussi insaisissable qu’un feu follet, tantôt terriblement humaine. L’auteur, au nom prédestiné, relate, par notes intimistes, le récit d’une vie, la sienne, faite de petits drames et de petits bonheurs. Mais sous cette apparente simplicité, sous cet ordre du quotidien, les zônes d’ombres planent comme un ciel de traine. Arrivé à l’âge de raison, Jean Lheureux refait le chemin, l’enfance privilégiée, l’adolescence, la maturité. Plus qu’un parcours initiatique, ou un règlement de compte, l’auteur ne prétend qu’à une simple mise au point, sans morale excessive, sans grandiloquence. Sobre pour tout dire et souvent relevé d’une pointe d’humour. Le style direct, sincère, cherchant plus à décrire la vérité du moment, qu’à faire des effets, participe à rendre ce récit attachant et à atteindre l’universel dans son intimité même.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 décembre 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748380286
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au miroir le visage de mon père
Jean Lheureux
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Au miroir le visage de mon père
 
 
 
À Mireille, Stéphane et Jean-Philippe
 
 
 
« Le futur appartient à ceux qui croient
à la beauté de leurs rêves. »
 
Eleanor Roosevelt
 
 
 
 
Introduction
 
 
 
Depuis plus de deux heures, depuis plusieurs jours, depuis de nombreux mois, les idées sont plus claires, les souvenirs prennent forme, les faits retrouvent leur juste place. Le flou des circonstances, des histoires racontées, colportées en bien ou en mal est moins vague et des précisions voient le jour.
Il est 5 h 50. Le jour n’est pas encore levé et, du haut de mon quinzième étage proche du parc Montsouris, Paris tout entier s’étale devant moi. La ville est propre, saine, sans pollution. Bientôt elle s’éveillera pour devenir grouillante. La vie y deviendra belle et prometteuse pour certains, triste, morose et lourde à porter pour d’autres. Le ciel est clair et au loin les premiers avions progressent lentement vers l’azur suivant leurs plans de vol en direction des Amériques, de l’Afrique ou de lointains rivages. Leur ligne est tracée et dans quelques heures ils seront à destination.
Il en est de même pour certains hommes. Beaucoup d’entre eux se font porter, laissant peu de place à l’improvisation, à la surprise, à l’aventure. Ils sont un peu comme ces machines bien programmées, bien huilées : leur vie est plane, droite, triste. Le destin les a pris en mains, sans heurts, sans chaos, mais aussi sans curiosité, sans créativité, sans relief.
D’autres, heureusement, ne se contentent pas des leçons reçues, de l’expérience des autres. Ils veulent connaître le monde et les êtres qui le composent. Ils sont à la recherche de l’inconnu, du nouveau. Ils contrôlent leur vie. Cela ne va pas toujours sans casse, mais il est tellement important de vivre, de savoir, d’apprendre, de découvrir et de créer.
Il y a soixante-cinq ans, à la même heure, dans la propriété familiale, ma mère donnait naissance à ce spécimen de l’espèce qui a grandi tant bien que mal, s’est réveillé, s’est affirmé, qui a couru, à droite, à gauche, qui a appris, qui a surpris, qui a aimé, qui a déçu, mais qui a toujours voulu plus savoir, plus apprendre, plus découvrir. Il a pris des coups, en a peu rendu, mais, doté d’un perpétuel optimisme, a toujours rebondi.
Et pourtant, des zones d’ombre subsistent. Elles l’ont toujours envahi. Il n’a pu et ne peut encore y donner de réponses, de solutions. Il s’interroge toujours sur ce qui est essentiel à sa vie, mais peu à peu les choses s’affinent, se précisent, se confirment.
Pour savoir où l’on va, il faut connaître d’où l’on vient.
Quand on porte en soi un être cher, important en tous domaines, qui vous a élevé, éduqué, aimé, conseillé et que l’entourage sème le doute à son égard et au rôle qu’il a joué, on a le droit de chercher, de creuser, de se souvenir pour finalement trouver puis prouver.
C’est ainsi que le spécimen que je suis devenu veut démontrer aux autres, mais surtout à lui, les liens réels qui l’unissent à son père.
 
 
 
Chapitre I. L’enfance
 
 
 
Aussi loin que l’on veuille remonter dans sa mémoire, on se heurte toujours à un mur. Les souvenirs, suivant les cas, débutent à l’âge de trois ou quatre ans.
Peut-être est-ce mieux ainsi, car les récits du premier âge seraient sûrement tous similaires : les biberons, quelquefois le sein – quoique la pratique soit de plus en plus rare, au nom de la sacro-sainte esthétique féminine –, les couches, la première dent, les premiers pas, le parc, le landau, les coloriages, les jeux de bébés…
Puis arrive la véritable entrée dans la vie : l’observation, l’expression, la réflexion, le doute, les chagrins, les colères et les joies.
Ces souvenirs ne sont pas les mêmes pour tous. Ils varient suivant l’âge des frères et sœurs. Certains, plus proches, échangent leurs histoires ; d’autres, avançant en âge, la maladie les rendant plus fragiles, témoignent de quelques faits, même si, pour mieux se refermer, ils invoquent, pour huit ans de différence, la coupure d’une génération. Et puis il y a ceux qui ne disent rien parce qu’ils n’ont pas été exposés aux conflits, parce que, par égoïsme, par paresse de l’esprit, ils fuient pour s’enfermer dans leur petit cocon. Leur mémoire est absente.
Ces souvenirs, je veux les évoquer au travers de mon père parce qu’ils nous sont communs à tous les deux. Ils sont les preuves de notre affection, de notre respect mutuel, de nos mésententes, de nos joies, de l’amour qui lie un père à un fils. C’est pourquoi ne seront relatés que les faits qui se rapportent à lui, à nous. Pendant quelques périodes, ce n’a été que des moments volés et rares, mais tellement puissants et remplis d’émotions ! Les faits sont observés par les autres, les sentiments ne sont connus que des intéressés.
 
J’ai toujours connu mes parents séparés. Je ne les ai vus ensemble qu’à de rares exceptions, parce qu’il fallait donner le change et se montrer par rapport à la famille, aux enfants, aux événements familiaux. Durant les premières années, mon père habitait encore avenue de la Grande-Armée, mais rares étaient les repas où les deux parents étaient présents. Dans le salon, il avait un lit et son grand bureau sur lequel il travaillait, gérait ses affaires. Il partait tôt le matin pour se rendre à son bureau, rue du Mail.
De cette période, j’ai quelques souvenirs, bons et moins bons. Mes plus beaux moments passés avec lui se situent à Boucherot, la propriété familiale. Ce magnifique domaine de trois cent soixante hectares avec fermes, étangs, communs, bois et cultures, j’y suis né en mai 1940.
Mon père le gérait assidûment et efficacement. Il y chassait en saison, et y pêchait un peu. D’un commun accord entre eux, ma mère pouvait y venir huit jours à Noël, huit jours à Pâques et aux mois de juillet et août ; mon père y était le reste du temps, à partir de septembre – sauf événements familiaux exceptionnels. En fait, ma mère n’y venait pratiquement jamais ; en juillet un peu, s’il faisait beau et pour y recevoir quelques amis. À Noël très peu, car il y faisait froid.
Mon père s’occupait de l’intendance, du personnel, supervisait les cultures, les coupes de bois, l’entretien du grand étang de onze hectares, de son rempoissonnement… Il était apprécié du garde-chasse, de sa femme, des métayers, des fermiers, des journaliers.
Les terres de Boucherot étaient situées sur les communes de Gien et surtout de Labussière. Mon père était affable et tout le monde le considérait. Tout en étant respecté, il aimait à dire qu’il s’entendait mieux avec eux qu’avec le comte, propriétaire du château de Labussière. Les gens connaissaient la situation familiale et ma mère, peu connue, laissait les villageois indifférents.
 
Comme dans tous les petits villages, les habitants parlent beaucoup, colportent des histoires, surtout quand les informations, vraies ou fausses, sont rapportées par les gens qui travaillent dans la place, c’est-à-dire « au château », comme avaient pris l’habitude de dire le garde-chasse et les fermiers de Boucherot.
Ma mère, très tôt orpheline, s’était mariée très jeune. Elle avait eu une enfance sans joies, entourée de vieux oncles et tantes. Elle ne connut la vie qu’après son mariage et, pendant que mon père, officier d’artillerie, était rappelé sous les drapeaux, pendant la guerre de 40, ce qui devait arriver se réalisa avec le mari de sa meilleure amie. Ceci peut sembler banal maintenant, pourtant, même si ce fait est presque courant, les enfants ne devraient pas en subir les préjudices et se retrouver dans un clan ou dans un autre. Les bonnes langues eurent tôt fait de penser et de croire que, sur six enfants, les trois derniers étaient de pères différents.
Dans la famille, aucun des frères et sœurs n’en parla, surtout les aînés car, par la suite, pour des raisons de convenance, d’orgueil, d’hypocrisie, mais aussi d’intérêts, la situation dérangeait.
Mon père souffrit beaucoup de cette situation, car il avait aimé ma mère. Plus tard, une seule femme avait pu lui redonner goût à la vie. Il éleva et éduqua ses six enfants avant de nous la faire connaître.
 
Mon premier souvenir, sans doute parce qu’il a été bruyant et surprenant pour un enfant de mon âge, a été le bruit assourdissant et le tremblement des portes et fenêtres occasionnés par le vol au ras des arbres des avions américains. Ils passaient au-dessus de Boucherot pour bombarder le pont de Gien à dix kilomètres de là, ceci pour éviter le passage des Allemands. Je me réfugiai entre les deux portes qui séparaient la chambre de mon père du salon et m’enfouis dans les jupes de la nouvelle gouvernante, madame Bourdereau. Elle resta longtemps avec nous, plus de quinze ans pour les plus jeunes. Heureusement que ma jeune sœur Florence et moi l’avons eue à nos côtés.
Peu de temps après, à l’époque de la Libération, alors que ma chambre se trouvait à proximité de celle de « Madame » – c’est ainsi que nous avons toujours appelé respectueusement madame Bourdereau –, un bruit de pas, de conversations inaudibles pour moi, de moteurs, me réveilla un matin, de bonne heure. J’allai, tremblant de peur, retrouver « Madame ». Elle était déjà debout. Alors elle ouvrit les grands volets de bois et l’enfant que j’étais fut ravi de voir, grandeur nature, des Jeep et leurs remorques, des camions couleur kaki, des fusils disposés en gerbes. Tout ce matériel entouré de vrais soldats, souriants, parlant sans que j

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