La Bourrine
162 pages
Français

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La Bourrine , livre ebook

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Description

En 1913, Marc Elder obtenait le prix Goncourt avec son roman Le Peuple de la Mer dont l’action se situait sur l’île de Noirmoutier. En 1932, il faisait paraître La Bourrine, autre roman de terroir qui se déroule aussi en Vendée, dans le pays de Monts.


Voilà un court mais intense roman qui dépeint si justement, au travers de la lente agonie physique d’un riche paysan maraîchin, cette inéluctable fin de la race paysanne, pourtant si fière de ses traditions et de ses valeurs, qui se revendique même aristocrate de la terre cultivée...


Confronté, après la Première Guerre mondiale, au changement subit des mentalités, aux progrès techniques et à l’attractivité de la ville, le monde paysan pourtant si particulier du marais vendéen, voit les nouvelles générations abandonner la culture de la terre et les mentalités qu’elle a si longtemps forgées.


Une plongée quasi ethnologique au cœur de la Vendée maritime que l’auteur mène, dans un style à la fois littéraire et populaire, grâce à une connaissance intime et charnelle du pays, de ses mœurs, de son langage.


Un autre beau texte, après Le Peuple de la Mer, à redécouvrir de Marc Elder (de son vrai nom Marcel Tendron), né à Nantes (1884-1933), romancier, historien et en son temps, conservateur du château des ducs de Bretagne à Nantes.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 6
EAN13 9782824051093
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Même auteur, même éditeur :
isbn
Tous droits de traduction de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Conception, mise en page et maquette : © Eric Chaplain Pour la présente édition : © EDITIONS DES RÉGIONALISMES ™ — 2013 Editions des Régionalismes : 48B, rue de Gâte–Grenier — 17160 CRESSÉ ISBN 978.2.8240.0009.1 Malgré le soin apporté à la correction de nos ouvrages, il peut arriver que nous laissions passer coquilles ou fautes — l’informatique, outil merveilleux, a parfois des ruses diaboliques... N’hésitez pas à nous en faire part : cela nous permettra d’améliorer les textes publiés lors de prochaines rééditions. Illustration de couverture :peinture de Charles MILCENDEAU
MARC ELDER
LA BOURRINE
roman du pays maraîchin
À la mémoire de Charles MILCENDEAU peintre inégalé du marais vendéen
I
« ...cecini pascua, rura, duces.» Virgile. a voiture du médecin décrivit sur l’aire un virage précis et s’arrêta devant la maison. Les poules s’égaillèrent en caquetant, les canards oscillèrent de la tête portLe de la bourrine. Les pampres de la treille effleuraient son feutre. etducroupioncommeunjouetàbascule,maissansdémarrer,Tapineauaboya dans sa niche. Le docteur Vergogne, qui était grand, dut se baisser pour franchir la A#lintérieurilnedistinguadabordquelesre$letsdelatable,desarmoires,lœil bienveillant du foyer. Les sonorités lumineuses de l’été remplissaient encore sa prunelle, et il ralentit dans l’obscure clarté de la chambre, le temps de s’accommoder, bien qu’il connû t les aı̂tres. Un souf$le rauque, désordonné, frappa immédiatement son oreille. Comme il écoutait, Malvina surgit de l’ombre en déplaçant une vague d’éther. Ses regards flottaient dans un visage abattu. Elle dit : — Averty vous a expliqué l’accident ? Le docteur Vergogne haussa légèrement les épaules. — Vaguement... $it-il. C’est une syncope, il me semble... Voyons, à quelle heure est-ce arrivé ? — A# la pique du jour. Il a voulu se lever pour ses besoins. Je me suis gendarmée pour qu’il reste tranquille, mais vous savez qu’il est plus têtu que l’â ne rouge. Sitô t débout il a tombé dret dans la place. Ah ! que j’ai eu peur ! J’ai appelé : Mochette ! Averty !.. On l’a relevé à nous trois avec bien de la peine, il est si grossier ! Depuis il est là qui buffe, sans sonner mot, les yeux tout fermés, raide comme la mort... — Vous lui avez fait respirer de l’éther ? — Oui, mais l’a point revenu. Alors j’ai envoyé le valet pour vous quérir. Le médecin s’approcha du grand lit dressé dans l’angle, comme un catafalque, entre la cheminéeetlemur.Lespieds,élevésàlamodemaraı̂chinepourprotégerlapaillasse des inondations qui parfois envahissent les maisons l’hiver, étaient si hauts et le baldaquin de cretonne si large qu’on découvrait à peine le visage du malade sous la courtine. Le père Giraudeau semblait dormir d’un sommeil à la fois massif et haletant. Sa mâ choire pendait, l’air gargouillait aux brèches de ses dents, une bave roussâ tre mouillait ses lèvres. Il reposait à demi-assis, le torse enfoui dans la couette et l’oreiller de plume. Son masque tanné de vieux paysan avait pris une couleur terreuse, semblable à la peau d’une pomme de terre bouillie, et, sur son crâ ne, des mèches bourrues jaunissaient. Le docteur Vergogne ramassa une main recroquevillée comme une racine, tâ ta le pouls. Puis il se pencha sur la poitrine, ausculta longuement le cœur et le poumon où l’on entendait bouillir les râles. Seule l’horloge taillait dans le silence à coups réguliers. Une langue de soleil, pointée par la porte ouverte, répandait une lueur blonde jusqu’aux poutres du toit. Une quiétude appétissante rayonnait de la belle ordonnance des meubles bien cirés, des cuivres, des faı̈ences, de la miche à croupeton sur la table et jusque du sol de terre
battue, net comme l’œil. Mochette Baude, la servante, et le valet Jacques Averty, dit Quatorze, s’étaient glissés pieds nus devant les trois grandes armoires alignées en manière de cloison au travers de la pièce. Quand le docteur Vergogne demanda qu’on allât lui chercher sa trousse dans sa voiture, tout le monde se précipita. — Et de l’eau, ajouta-t-il, pour me laver les mains. Alors Malvina revint sur ses pas, tourna sur elle-même, s’approcha de la table, du foyer, tendant au hasard des bras insensés. En$in elle découvrit la cruche, la terrine qu’elle remuait vingt fois par jour, ouvrit une armoire, sortit un linge blanc. Elle murmurait : — Mon Dieu, je suis folle !.. Le pauvre père ! le pauvre père ! — Allons, allons, faisait le docteur, il va s’en tirer cette fois. Œdème aigu du poumon : c’est la première crise... J’avais toujours pensé qu’il nous jouerait cette vilaine comédie un beau jour avec ses excès de table. Il a beaucoup mangé, hier ? — Je sais point. L’était au bourg, à la foire... — Tiens, pardi ! Les chopines ! — Mais l’est revenu furieux parce qu’il avait dû rabattre sur ses veaux... — Et une bonne colère par-dessus le marché ! Lève le drap, Malvina. Tout en parlant, le médecin armait une seringue, brisait une ampoule d’huile camphrée, tandis que Malvina retroussait les couvertures sans que le vieillard manifestâ t la moindre sensation. Il continuait de râ ler doucement, la face inerte, plombée. Sa chair, autour des cuisses, apparut molle, abondante et pâ le. Sous les doigts du docteur Vergogne elle roula comme une vessie pleine d’eau, en gardant, pendant quelques secondes, l’empreinte des contacts. Ni la friction glacée d’éther, ni la piqûre de l’aiguille ne produisirent de réaction. Malvina rabattit le drap, le borda avec des gestes doucement appliqués. Le docteur Vergogne avait repris le pouls du vieillard. Longtempsilletintàlécouteetlesilence,heurtéparlhorloge,paraissaitdeplusen plus accablant. Chacun entendait le sang lui battre aux oreilles, l’été brasiller tumultueusement autour de la maison. Soudain le médecin appela d’une voix forte : — Père Giraudeau ! Mais le bonhomme ne broncha pas. — Vous auriez pu le tuer, dit le docteur Vergogne en se retournant, lorsque vous l’avez posé sur le lit. Par bonheur il est resté assis. Couché c’était la mort : le cœur ne serait point reparti. C’est un vieil emphysémateux à la merci d’une syncope cardiaque. Mais pourquoi ne m’as-tu pas prévenu plus tôt ? Il a dû tousser, étouffer ? — Dame oui qu’il a toussé et perdu le vent que c’était une misère de le voir ! Mais on pensait dans les quintes, comme à son habitude, sauf qu’il avait des fourmis dans la gorge et que sa bouche écumait comme du lait chaud... En relevant ses beaux yeux sombres noyés d’eau, Malvina soupira : — Oh ! mon Dieu, j’ai failli le tuer ! Jamais je ne me le pardonnerai ! — Comme s’il y avait de ta faute ! Allons, ne dis pas de bêtises et donne-moi les ventouses. Tu as des verres, n’est-ce pas ?
De nouveau elle s’affaira tandis que le valet, à la demande du médecin, dégageait le vieillard de ses oreillers en lui portant le torse en avant. On leva la chemise. Le malade s’abandonnait pesamment comme une outre pleine. Le docteur Vergogne fouilla dans sa trousse, réclama des serviettes : il allait mettre des ventouses scari$iées, cinq ou six. Il y aurait du sang. Malvina n’avait qu’à préparer une terrine... D’â cres ef$luves d’alcool se mêlèrent aux nuages d’éther sur le fond moite et douceâ tre de la chambre. Un liquide sombre, visqueux, coula sur le dos du malade dont Averty soutenait les épaules et la tête. Mais déjà le souf$le s’apaisait, les traits se détendaient, une mollesse bienfaisante déliait cette chair contractée par les affres d’une oppression mortelle, les griffes desserraient l’étreinte. Maladroites et empressées, les femmes continuaient d’environner le médecin de leur bonne volonté désordonnée. Lorsqu’il fallut rétablir le père Giraudeau dans sa position normale, Malvina, qui lui tenait le bras, ne put arrêter un sanglot. — Eh ! quoi ! tu vois bien que c’est $ini ! s’exclama le docteur Vergogne. Il va dormir maintenant comme un petit enfant... Par exemple laissez-le assis... Oui, oui, comme cela, le buste droit... Si même il veut se lever, installez-le dans un fauteuil, il ne sera pas plus mal... Il va se remettre petit à petit, avec du repos... Pas d’alimentation : un peu de bouillon de légumes seulement. Tu sais faire ça, Malvina ? Quelques carottes, des navets blancs, des poireaux, des pommes de terre, des haricots secs, et, si tu en as, un peu d’orge et de riz... À ce moment une voix trouée, sans figure, proféra lentement : — Docteur... Tous les regards sautèrent vers le lit. Le père Giraudeau soulevait ses paupières pesantes, démasquant deux prunelles vitrées au milieu d’une sclérotique jaune. Malvina s’était penchée sur lui et, le visage près de celui du malade, elle demandait : — Veux-tu quelque chose ? Mais le vieillard répéta de cette voix nasale qui semblait tiraillée au travers d’une éponge : — Docteur... Le médecin prit un ton exagérément guilleret : — Eh bien, père Giraudeau, vous nous faites des farces ? Vous feignez de dormir ? Vous ne répondez pas quand je vous appelle ? Sont-ce là des manières de gens sérieux ? — C’est la fin... marmonna le vieux. — De mieux en mieux ! Vous nous écoutez sans crier gare ! Malheureusement vous entendez tout de travers. Je recommandais à votre $ille de vous mijoter un petit bouillon, parce que je pense que vous aurez bientô t de l’appétit et que nous viderons encore plus d’un verre de paillet ensemble. — C’est la fin... redit avec obstination la voix de ventriloque. Le docteur Vergogne se rapprocha du lit et changea de manière. Allons,allons,pèreGiraudeau,vousbattezlacampagne.Biensûr,lechocaétérude etilnefautpasnousrecommencercetour-là.Soyezdocile.ObéissezàMalvina.Bâtià
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