Le Double
92 pages
Français

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Description

Ce court roman fut publié un mois après Les Pauvres Gens. Il reçut un accueil mitigé dans le public, maints lecteurs se plaignaient de ses longueurs, quelques critiques dénoncèrent une trop nette imitation de Gogol. Cependant Biélinski insistait sur la portée sociale de ce roman et il lui consacra un article dans lequel il caractérisait Goliadkine comme «un de ces hommes prêts à s'offenser, maniaques de leur ambition, que l'on trouve souvent dans les classes moyennes et basses. Il lui semble toujours qu'on le vise par certaines paroles, certains regards, certains gestes, qu'on le circonvient et qu'on trame contre lui des intrigues et des sapes souterraines». Le critique dit même qu'il trouvait dans Le Double «encore plus de talent créateur et de profondeur de pensée que dans Les Pauvres Gens.» Dostoïevski avait l'intention de remanier de fond en comble cette nouvelle, mais n'en a pas eu le temps. Goliadkine devait y devenir un fouriériste faisant partie du cercle de Pétrachevski. Il aurait eu l'ambition de se mettre à la tête d'une révolte et son double aurait été l'espion qui trahirait les révolutionnaires. On peut regretter que ce projet ne se soit pas réalisé. Dostoïevski écrit lui-même, en 1877, dans son Journal d'un Écrivain : «Cette nouvelle ne m'a pas du tout réussi, mais son idée avait été assez claire, et je n'ai jamais introduit une idée plus grave dans la littérature. Cependant la forme de cette nouvelle a très mal réussi.»

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 211
EAN13 9782820603029
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Double
F dor Mikha lovitch Dosto evski
1846
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0302-9
Chapitre 1

Il n’était pas loin de huit heures du matin, lorsque leconseiller titulaire Iakov Petrovitch Goliadkine se réveilla, aprèsun long sommeil : il bâilla, s’étira, enfin il ouvrit complètementles yeux. Il demeura néanmoins deux bonnes minutes allongé sur sonlit immobile, comme un homme qui ne se rend pas très bien comptes’il est véritablement éveillé ou s’il somnole encore et si tout cequ’il perçoit autour de lui fait partit du monde réel ou n’est quele prolongement des visions désordonnées de son rêve.
Peu à peu cependant, les sens de M. Goliadkine reprirentpossession avec plus de précision et d’acuité, du champ de sesimpressions habituelles. Il sentit fixés sur lui, les regardsfamiliers des murs de sa chambre, poussiéreux, enfumés, d’un vertsale, ceux de sa commode d’acajou, ceux aussi de ses chaises,imitation d’acajou, de sa table peinte en rouge, de son divan turcrecouvert de moleskine, d’une couleur tirant sur le rouge et ornéde fleurettes d’un vert clair, ceux enfin de ses vêtements retirésprécipitamment la veille et roulés, en boule sur le divan. Endernier lieu, à travers la fenêtre ternie de sa chambre il sentitpeser sur lui le regard morose d’un petit jour d’automne, troubleet délavé ; il y avait tant de hargne dans ce regard, tantd’aigreur dans la grimace qui l’accompagnait qu’aucun doute ne putsubsister dans l’esprit de M. Goliadkine ; non, il ne setrouvait pas dans quelque royaume enchanté, mais bel et bien dansla capitale, la ville de Saint-Pétersbourg, dans la rue « aux SixBoutiques », dans son propre appartement au troisième étage d’uneassez spacieuse maison de rapport. Après avoir fait cetteimportante découverte, M. Goliadkine referma fébrilement ses yeux,comme s’il eût regretté les visions de son dernier rêve et désiréles retrouver ne fût-ce qu’un instant. Cependant, quelques momentsaprès, il sautait d’un seul bond hors de son lit, ayantvraisemblablement retrouvé l’idée centrale autour de laquelletournoyaient jusqu’alors incohérents et désordonnés, les phantasmesde son esprit. Il se précipita aussitôt vers un petit miroir rondqui se trouvait sur la commode. Le visage reflété dans le miroirétait passablement fripé ; les yeux mi-clos étaient bouffispar le sommeil. C’était un de ces visages sans caractère qui, aupremier abord, n’attire jamais l’attention ; et pourtant sonpropriétaire parut tout à fait content de son inspection.
« Drôle d’histoire, prononça M. Goliadkine à mi-voix. Ce seraiten effet une drôle d’histoire si quelque chose avait cloché cematin, s’il m’était arrivé quelque gros ennui, par exemple unbouton sur le nez ou quelque chose du même genre. Ne nous plaignonspas. Ça ne se présente pas trop mal ; oui tout marche mêmefort bien, jusqu’à présent. »
Fort réjoui de la bonne marche de ses affaires, M. Goliadkineremit le miroir à sa place habituelle, puis, quoique pieds nus ettoujours en costume de nuit, il se précipita vers la fenêtre de sonappartement qui donnait sur la cour, et se mit à regarder avecbeaucoup d’intérêt ce qui s’y passait.
Cette inspection parut lui donner pleine satisfaction car sonvisage s’éclaira d’un sourire béat. Ensuite il s’approcha de latable sur la pointe des pieds. Après avoir, au préalable, jeté uncoup d’œil derrière le paravent, dans l’alcôve de son valet dechambre Petrouchka et s’être assuré que ce dernier n’y était point,il ouvrit un tiroir, glissa sa main dans le fond et retira, sous unamas de papiers jaunis et crasseux, un portefeuille vertpassablement usé, l’ouvrit avec précaution et sollicitude et jetaun regard furtif dans la poche secrète. Il faut croire que laliasse de billets verts, gris, bleus, rouges, multicolores offrit àM. Goliadkine une vision réconfortante, à en juger par la minequ’il arborait en déposant sur la table le portefeuilledéplié ; il se frotta les mains gaillardement en signe degrande allégresse.
Il la sortit enfin, cette liasse de billets de banque, objet detant de secrets espoirs et se mit à les compter, pour la centièmefois, sans doute, depuis la veille, tâtant avec application chacundes billets entre le pouce et l’index.
« Sept cent cinquante roubles en billets de banque »,murmura-t-il à la fin du compte, « sept cent cinquante roubles…unefort belle somme, ma foi… une somme agréable », continua-t-il d’unevoix chevrotante, brisée par l’émotion du plaisir serrant la liassedans ses mains et souriant d’un air important, « oui une somme trèsagréable. Une somme qui ferait plaisir à tout un chacun. J’aimeraisbien voir l’homme pour qui, en cet instant, cette somme ne seraitqu’une bagatelle ? Une somme pareille peut mener loin unhomme… »
« Mais, au fait, que se passe-t-il ? se demanda M.Goliadkine : Où diable est passé Petrouchka ? » Toujours dansla même tenue, il alla jeter un regard derrière le paravent. Mais,toujours pas de Petrouchka. Par contre, délaissé et bouillant decolère, le samovar, posé à même le plancher, menaçait à toutinstant de déborder et dans son langage secret, grasseyant etsusurrant, semblait vouloir dire à M. Goliadkine quelque chose dansle genre de : « Voyons, mon brave Monsieur, prenez-moi ;voyez, je suis prêt, je suis absolument prêt. » « Que le diablel’emporte, se dit M. Goliadkine, ce fainéant, ce butor seraitcapable de faire sortir un homme de ses gonds. Où est-il encoreparti en vadrouille ? »
En proie à une indignation parfaitement justifiée, il entra dansl’antichambre, simple petit couloir terminé par une porte donnantsur le palier, entrebâilla cette porte et aperçut alors son valetentouré par des gens de maison et des badauds. Petrouchka était entrain de raconter une histoire : les autres écoutaient. Il fautcroire que le sujet et le fait même de cette conversation n’eurentpoint le don de plaire à M. Goliadkine, car il héla aussitôtPetrouchka et revint dans sa chambre fort mécontent, disons plus,furieux. « Ce gredin, pour moins d’un kopek, est capable de vendreun homme, son maître surtout… pensa-t-il : et c’est déjàfait ! je suis sûr que c’est fait, qu’il m’a vendu ; jesuis prêt à parier qu’il m’a vendu pour moins d’un kopek. »
– Alors, qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il auvalet.
– On a apporté la livrée, Monsieur.
– Mets-la et viens ici.
Petrouchka revêtit sa livrée et entra dans la chambre de sonmaître avec un sourire stupide. Son accoutrement était bizarre auplus haut point. Il portait la livrée habituelle des valets, maisfortement usagée : elle était de couleur verte, avec des galonsdorés, en grande partie effilochés et paraissait avoir été tailléepour un homme d’une taille supérieure d’un bon demi-mètre à cellede Petrouchka.
Il tenait à la main un chapeau, également garni de galons doréset orné de plumes vertes ; le long de sa cuisse pendait uneépée, dans un fourreau de cuir. Enfin, pour compléter le tableau,Petrouchka, suivant une habitude invétérée, – celle de se promeneren tenue d’intérieur, plus que négligée, – était pieds nus.
M. Goliadkine inspecta son valet sous toutes les coutures etparut satisfait de cet examen. La livrée de toute évidence, avaitété louée pour quelque événement solennel. D’autre part, durantcette inspection, Petrouchka avait suivi avec beaucoup d’attentionchaque mouvement de son maître, témoignant une extrême curiosité etune étrange impatience, ce qui avait, à n’en point douter,fortement embarrassé M. Goliadkine.
– Eh bien, et la calèche ?
– La calèche est arrivée, également.
– Pour la journée ?
– Oui, pour la journée. Vingt-cinq roubles.
– Mes chaussures sont-elles là, aussi ?
– Elles sont là.
– Crétin. Ne peux-tu pas parler correctement, dire elles sontlà, M’sieur. Apporte-les…
Goliadkine parut fort enchanté de ses nouvelles chaussures. Ilse fit ensuite apporter du thé et ordonna à Petrouchka de luipréparer de quoi se laver et se raser. Il mit beaucoup de temps etde soin à se raser et autant à se laver, avala son

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