COMÉDINHUMAINE
78 pages
Français

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COMÉDINHUMAINE , livre ebook

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Description

Bienvenue à Comédinhumaine, ville cruelle et pourtant si belle. Vous y rencontrerez douze destins, certains malmenés par le monde qui les entoure, d’autres malmenant celui-ci. Défilé d’existences fragiles, de bouts de vie perdus dans cette comédie qui est la leur, la vôtre, à la fois lointaine et horriblement humaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 août 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414255344
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-25535-1

© Edilivre, 2018
Dédicace


À mon père qui aurait été fier de lire ce livre.
Prologue
Comédinhumaine est une ville en forme de cercle parfait dont la courbe nord est fendue par sa Grande Rue. Au milieu de cette artère principale, deux rails permettent au train quotidien de gagner le centre-ville depuis la périphérie et avant cela, depuis le reste du monde. La Grande Rue, d’une largeur d’abord égale à celle d’un estuaire, voit telle un fleuve son lit mincir progressivement jusqu’à sa source : une bâtisse au bout du quai, au centre de la ville où le maire accueille les trains au terme de leur voyage. Hormis ces quelques indications, Comédinhumaine a l’ agencement et l’architecture que lui prêtera librement chaque visiteur, en fonction de son imagination et de sa sensibilité.


Se détachant de l’aube qui jusqu’ici l’enveloppait, un train passe les portes de la ville en crachant son habituelle colonne de fumée. Rituel quotidien, comme chaque matin à cet endroit précis, la locomotive siffle pour annoncer son entrée. À son bord, un seul visiteur frottant la vitre sale de sa manche et découvrant Comédinhumaine dont il remonte la Grande Rue et ses douze arrêts comme autant de rencontres.
Première rencontre
Là, un homme dont les jambes marchent mais dont la tête est loin, dans un ailleurs d’inventeur, laboratoire d’idées dont lui seul a la clé. Il porte une blouse sale dans les poches de laquelle il enfouit deux mains secouées par des pensées grisantes. Il y voit enfin clair dans son « eurêka » du moment. Il élabore, il solutionne, il formule plus en chiffres qu’en mots, plus en symboles qu’en ponctuation, plus en équations qu’en phrases. Son idée prend forme à chacun de ses pas, elle s’incarne petit à petit en une invention dont il visualise enfin le quoi final et le comment qui l’y mènera si tout se passe bien, étape par étape. D’abord, la conception puis les tests, impératifs protocolaires auxquels il ne peut échapper.
Qu’a-t-il en tête ? Un antidote censé pallier un mal bénin pour l’homme mais terrible pour l’humanité. Depuis peu, les livres perdent leur odeur, celle qui les caractérise tant, celle que le lecteur aime tellement. Ils sentent de moins en moins et certains même ne sentent plus rien. Pire, le lecteur jusqu’ici attentif à l’objet, voire attaché à ces mondes, ces vies imprimées puis reliées, semble désormais accepter la disparition d’une condition majeure du plaisir de lire : l’odeur du livre, qu’elle soit fraîche ou passée, sur feuille vierge ou papier jauni, usé d’avoir trop été tourné. Le lecteur s’est habitué à ne plus renifler son « bouquin » en l’ouvrant, il a perdu le réflexe, abandonné ce petit tic à lui, cet instant pour soi. Il s’est peut-être dit que c’est dommage, que c’était bien mais qu’il y a plus grave, normalisant ainsi l’absence d’une joie qui s’en ira vite et reviendra ou pas sous les traits de la nostalgie. Il y a donc urgence à remédier.
L’inventeur se fait rat dans sa bibliothèque de toujours, caverne aux trésors dont il érode les allées, en quête d’ingrédients de choix. Il cueille des livres ici et là, de l’essai au grimoire, du roman fleuve au recueil d’histoires. Il pioche du fin, de l’épais, du récent, de l’antique, du neuf et de l’occasion en veillant malgré tout à éviter les pages maculées car la tâche, comme l’empreinte d’un doigt étranger, a son odeur et celle-ci distrait du parfum d’origine. Les tours de livres ainsi bâties côtoient bientôt les piles d’ouvrages déjà accumulées dans les coins et recoins de l’atelier.
Là, l’inventeur y arrache des pages par dizaines et grâce à un dédale de tubes, tuyaux et ustensiles de savant fou, il réduit les feuilles à leur plus simple composante pour en tirer, en soutirer une à deux gouttes d’essence de livres. Chimie et magie viennent alors s’en mêler pour synthétiser au prix de mille et un échecs un parfum aux effluves d’encre et de papier. Une petite fiole suffit amplement à récolter le précieux élixir, fruit d’heures, jours et mois d’expérimentations qui ont raison du nez de l’inventeur. Ses deux grandes narines pourtant bien entraînées ne fonctionnent plus, réduites à leur plus vulgaire utilité. Mais en perdant un sens, l’inventeur gagne de l’or dont il dépose une unique perle sur une page blanche dépourvue d’odeur. La perle coule comme la pluie sur une fleur mais elle s’évapore bientôt pour laisser derrière elle en guise de dernier souffle une fine senteur invisible.
Et, beauté de l’invention, celle-ci ne s’échappe pas dans une fugue éphémère. Au contraire, elle se déploie dans l’air alentour et flotte un long moment béni. L’inventeur a beau douter ; la preuve est sous son nez. Il a réussi. Il vient de créer un parfum pour livres, redonnant à ceux-ci l’âme qu’ils avaient perdue. L’invention lui aura coûté son odorat, il n’aura même pas pu la sentir lui-même, mais l’inventeur qui excelle dans son art n’œuvre jamais pour lui. Il destine toujours son génie à autrui. Reste maintenant à ajouter en guise de conservateur ce nouvel additif vendu comme non-addictif puis à dénicher un cobaye, si possible lecteur assidu.
L’inventeur jette son dévolu sur un mécène de longue date, homme de confiance et de goût. Sans rien dévoiler de la nature de ses recherches, il lui prête un livre vide de sens et ennuyeux à mourir pour juger comme il se doit de la propension du parfum à séduire. Le cobaye lit le volume d’un trait et en fait aussitôt son livre de chevet. Mieux, il redemande à l’inventeur un conseil de lecture que ce dernier lui fournit sous forme d’un récit en deux tomes. Le succès est de nouveau au rendez-vous et se répète toujours plus pressant au fil des livres que l’inventeur soumet à son lecteur. L’appétit devient faim, devient soif et révèle petit à petit un besoin bien plus fort que l’envie.
L’inventeur décide alors de mettre un terme aux tests. Ceux-ci s’avèrent concluants, trop même pour ne pas être troublants. Il invite alors son mécène à lui rendre les ouvrages prêtés dans le strict cadre scientifique, mais ce dernier s’y oppose d’abord verbalement puis physiquement. Nul ne doit approcher son magot, encore moins le toucher, l’effleurer car c’est à lui, à lui seulement. Contraint d’abandonner ses livres aux griffes du cobaye, l’inventeur s’inquiète non de leur perte dont il dédommagera aisément la bibliothèque mais de leur pouvoir d’attraction. Le parfum agit, c’est un fait. Mais son potentiel connaît-il une limite ? Et si oui, son créateur la maîtrise-t-il ? Force est de constater que l’inventeur se sent dépassé par sa propre invention. Elle lui échapperait presque.
Si bien qu’au moment de déposer le brevet, instant d’ordinaire solennel et gratifiant, il retient sa main prête à signer. Une soudaine intuition le fige. Elle est mauvaise. Il y a du malaise dans ce pressentiment, voire une urgence à réagir. Mais est-il encore temps ? L’inventeur court à en perdre haleine jusqu’à son atelier et se décompose en trouvant la porte ouverte. Sueur, battements de cœur, il fait irruption chez lui, redoutant de tomber nez-à-nez avec feu son mécène. Et sa crainte tombe juste quand il surprend le cobaye en manque renversant le matériel, fouillant partout avec l’énergie, la violence d’un fou. Il met l’atelier sens dessus dessous mais, frustré de ne rien trouver, il fait volte-face et crache une menace au visage de l’inventeur pétrifié. Que celui-ci lui donne le parfum sur-le-champ ! Qu’il lui donne la fiole entière puisqu’elle est à lui, lui mécène grâce à qui l’inventeur vit !
Ce dernier refuse de céder sa dangereuse arme mais un regard réflexe vers le coffre au trésor indique au cobaye où chercher. Les deux hommes se jettent d’un même bond dans la direction du parfum, mais l’assaillant ne laisse aucune chance à sa victime qu’il étrangle de sang-froid. La fiole est pour lui seul. Saisi de démence, il s’en empare et s’enfuit vite, avec pour obsession de rentrer chez lui et de vaporiser sur le moindre ouvrage de sa bibliothèque une goutte de la fatale potion. Avertie par le bruit, sa femme apparaît dans l’embrasure et découvre son mari dévorant des livres par poignées. Oui, c’est précisément l’expression qui lui vient à l’esprit quand elle le voit. Il dévore ses livres. Mais quand lui la voit, quand il relève furieusement la tête une fois la dernière page du dernier volume finie, c’est une tout autre idée qui lui vient à l’esprit. Il ramasse en tremblant le parfum et le verse entièrement sur son épouse. Il lâche la fiole qui se brise...

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